1 – Mission médicale en territoire dangereux Mindanao, Philippines
2 – Reddition des rebelles du NPA grâce à Rosa Mystica
1- La mission médicale en elle-même, par Thomas
A travers la lucarne du blindé philippin qui nous transporte, j’aperçois la forme lourde et massive des camions militaires sortir de la jungle luxuriante du sud-ouest asiatique. Des colonnes de poussière se dégagent, signalant au loin la présence d’un convoi de lourds véhicules. Coincé sous la tourelle du canonnier responsable du canon de 50 mm, j’aperçois par la petite lucarne entrouverte la grande et imposante silhouette du volcan qui règne sur toute l’île. Fascinant, ce volcan est une puissance tranquille qui pourrait déchaîner les forces les plus violentes en quelques instants. De mêmes, abrités sur ses flancs, de nombreux terroristes, islamistes ou révolutionnaires, nourrissent le dessein de déchaîner le feu et la guerre dans tout le pays. Les militaires nous avaient prévenus : l’endroit est dangereux. Sous les apparences enchanteresses d’une nature à nulle autre pareille, se cache le danger, l’hostilité. Ici, les cocotiers, les palmiers, les plages de sable blanc et l’eau transparente constituent le décor d’une guerre larvée qui rejoint la lutte internationale contre le terrorisme islamiste et contre la haine. Dans cette optique, l’armée philippine organise des missions médicales pour montrer à tous que le sort des villageois intéresse les autorités : lutter contre le gouvernement, c’est lutter contre les médicaments que l’armée distribue. La veille, un bus a explosé à Manille, tuant quatre personnes sur le coup. Le terrorisme est présent ; il impressionne. Oubliez-le un instant, il se rappelle à vous de la plus violente des manières. Pensez‑y à tout instant, et il induira la peur dont il a tant besoin pour développer et imposer son idéologie nauséabonde. Entre les deux, il y a la vie quotidienne, à Mindanao, dans le sud des Philippines.
Des territoires dangereux
Depuis trois jours, les militaires philippins mènent des missions médicales dans le sud et l’ouest de l’île. L’association ACIM Asia est invitée en soutien. Nous y participons donc quotidiennement, malgré les recommandations des gouvernements occidentaux, au vu et au su de tous les terroristes islamistes ou révolutionnaires, qui savent tout le parti qu’il peut y avoir à enlever des Européens. Sur les chemins de terre de Mindanao, les vieux camions de l’armée se frayent difficilement un passage entre les nids de poule et les pierres, entre les ravins et la jungle, entre la peur et l’aventure. Composé d’une grosse dizaine d’engins militaires, de blindés, de camions ou de voitures, le cortège s’enfonce toujours plus loin, dans des territoires dont nous savons qu’ils sont dangereux. Pour se rassurer, certains comptent sur leur bonne étoile, d’autres comptent sur Dieu, d’autres encore se résignent…Chacun trouve une raison pour ne pas paniquer. Et puis, il y a les militaires. Ne sont-ils pas là pour nous protéger ? Ils organisent la journée ; ils sauront bien nous défendre, même si beaucoup d’entre eux sont d’anciens révolutionnaires recrutés par l’armée pour mieux combattre les séditions sur leurs propres terrains. De toute part, des fusils, des canons, des revolvers, des munitions côtoient les médicaments, les seringues, les anesthésiants et les diverses médications. Il est curieux de voyager en transportant des instruments conçus pour tuer et d’autres faits pour soigner. Le paradoxe est pour moi particulièrement significatifs. Après tout, la sécurité est peut-être la première des conditions d’hygiène.
Epuisés avant de commencer
Six personnes d’AcimAsia participent à l’expédition. A côté de nous, six militaires philippins veillent, l’arme au pied, le canon vers le sol pour éviter les accidents. A l’arrière, assis aux extrémités de chaque banc, deux militaires scrutent la jungle, l’arme chargée, prêts à tirer. Le danger vient de partout. Mais je me demande bien ce qui pourrait empêcher un terroriste de me tirer une balle dans le dos. A partir de cette épaisse lisière, ce serait une chose particulièrement simple. Mais je me rassure : mort, je ne vaux plus rien ; en vie, je suis autrement plus intéressant. Le pari me paraît parfaitement réaliste.
Les cinq heures de voyage qui nous séparent de l’endroit prévu pour la mission médicale sont une véritable calamité. Ces vieux camions aux bancs de bois ne sont pas de tout confort, et le dos ne reste pas insensible aux aspérités du terrain. Au passage des villages, il faut nous aplatir, cesser de chanter. Nous arrivons usés, fatigués, en lambeaux avant même d’avoir commencé la mission.
L’aide des Américains
De temps à autre, nous apercevons de grosses voitures blanches au détour d’un virage. Ce sont des militaires américains. Ils sont là pour nous aider et pour apporter un soutien logistique ou médical. Un bateau ravitailleur, à quelques miles des côtes, dispose de tout le nécessaire. Nul doute qu’ils prennent également quelques informations sur l’endroit. Il paraît que l’île est une place géopolitique importante, au carrefour de grandes voies commerciales maritimes.
Certains militaires, équipés d’appareils photos ou de caméra, font le tour des installations, pour quelques prises de vue. La veille, concentré sur le dentiste qui arrachait une mauvaise dent au patient dont je tenais la tête, je ne prêtais pas vraiment attention aux photos qu’ils prenaient. Ils sont là pour le relationnel ; sympathiques, avenants, les Américains nous proposent de venir déjeuner sur leur bateau et de nous y emmener sur leurs zodiacs. Evidemment, il faut qu’ils nous montrent de quoi sont capables ces zodiacs, à mon plus grand bonheur. Il me semble que ces embarcations, lancées à pleine vitesse, effleurent tout juste la surface de l’eau, profitant de la moindre vague pour décoller. Equipés de mitrailleuses de calibre 50 en poupe et en proue, ces zodiacs obligent les passagers à s’accrocher solidement au bastingage pour ne pas basculer. L’impression est grandiose : dans un décor paradisiaque, ces bateaux dégagent de grandes gerbes d’eau tout autour de nous, au plus grand plaisir des spectateurs de la côte et des passagers.
Un accueil chaleureux
Nous arrivons donc à …, l’ouest de Mindanao. Le maire nous attend visiblement avec impatience, tout comme les badauds. Après nous avoir installés, il nous propose un match de basket, sport national aux Philippines comme aux USA. Cela faisait une double raison pour que nous, Français, nous nous y mettions. Alliés aux Américains, nous fîmes bonne figure. Surtout ma sœur, que tout le monde applaudissaient à chaque fois qu’elle faisait des prouesses avec la balle. Il faut avouer que les Philippins préféraient laisser les femmes marquer plutôt que de s’y opposer, ce qui avantageait largement notre camp. Ils sont ainsi : ils n’osent pas s’affirmer autant que les Occidentaux. Plus tard, le match terminé, nous nous reposons en contemplant le magnifique feu d’artifice que le maire avait prévu pour nous. Il tenait à mettre les petits plats dans les grands.
Nous oublions un instant les menaces qui pèsent sur nous pour vivre l’instant présent et ne se soucier de rien.
Le lendemain, à la pharmacie où je travaille, une foule compacte attend de recevoir des médicaments prescrits par les médecins chargés de faire un premier contrôle. Quatre espaces structurent la mission médicale : la pharmacie, la salle de tri, l’espace réservé aux dentistes, l’espace réservé aux chirurgiens. Ces derniers pratiquent beaucoup de circoncisions, obligatoires aux Philippines pour des raisons d’hygiène. Il y a beaucoup d’agitation, la foule se presse pour prendre son tour. Nous sommes épuisés par les allers-retours que nous faisons à la pharmacie pour réunir les médicaments nécessaires. Progressivement, les stocks s’épuisent et nous voilà contraints de trouver des substituts. Après tout, au fond de la jungle, encadrés par les fusils M16 des militaires, il faut débrouiller avec ce que l’on a. Toutes sortes de maladie viennent parfois croiser leurs remèdes à la pharmacie. Et je reste seul face à des mères de familles qui me demandent conseil parce qu’elles pensent que je suis médecin. Ce qui est loin d’être le cas. Impressionnés, certains enfants se cachent alors que nous sommes véritablement estomaqués par le courage de ces petits, dont l’un a vu son bec-de-lièvre opéré, l’autre les soins appliqués sur sa jambe en partie brûlée, le dernier soigné pour un mal dont nous sommes bien incapables d’indiquer l’origine, mais dont nous voyons les effets atroces. La misère du monde, que l’on voit rarement en France, semble s’être donné rendez-vous ici, aux Philippines.
Le retour
La journée s’achève tôt ; les militaires ne tiennent pas à rester trop tard. Il faut partir avant que la nuit ne tombe. Les infirmiers se sont affairés toute la journée, et voilà que nous devons nous précipiter pour plier bagages, abandonner une partie des médicaments à la mairie et quitter la ville. De nouveau, il nous faut parcourir cinq heures de route dans des camions antédiluviens, sur des routes mal entretenues. Personne ne parle ; nous sommes trop fatigués pour cela. Nous subissons la poussière dégagée par le camion, la pluie qui tombe brutalement, le manque d’espace, les compressions diverses et les chocs de la route sans rechigner.
Ce n’est que plus tard que nous mesurons le véritable danger que nous courions. Les organisateurs ont fini par expliquer que les groupes terroristes avaient bien repéré qu’il y avait des Européens blancs au sein du personnel infirmier. Des menaces avaient été proférées. Peu de temps plus tard, les Américains iront jusqu’à refuser de prendre un verre du côté de Lagao, à General Santos City, ville d’adoption d’ACIM Asia. A quoi peut-on s’en tenir ? A‑t-on échappé à l’Apocalypse ? Les terroristes ont-ils eu peur des militaires ? Ont-ils préféré laisser les habitants se faire soigner ? Dans quelle mesure avons-nous préféré ignorer le danger ? Nous ne le saurons probablement jamais. Deux semaines plus tard, les militaires refusaient notre participation à une nouvelle mission médicale. Le danger avait certainement été excessif.
Thomas
2 – Histoire d’une reddition – Acim Asia : Les semeurs de paix, par Théodore Mahieu
S’il vous était expliqué tout de go que l’Association Catholique des Infirmières et Médecins en Asie a permis de mettre fin aux activités d’un groupe terroriste philippin, le plus vieux au monde, sans nul doute vous penserez que ce n’est que vantardise. Au pire ce groupe faisait la mouche du coche et au mieux la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Et pourtant, telle est la réalité. Les photos jointes à cette incroyable histoire sont des témoignages historiques impressionnants et indiscutables. L’histoire de base est simple. Les Philippins vivent au jour le jour. Ils ont du mal à faire la synthèse entre le passé, ce qu’ils vivent et ses implications. Une telle annonce, méritait de savoir où, pourquoi et comment. Nous sommes entrés en contact avec une des infirmières de la permanence AcimAsia de Général Santos, Sherryl Ocampo, afin d’avoir les explications nécessaires. D’autres informations d’intérêt majeur ont été données par le Dr. Dickès qui a suivi ces évènements.
Théodore Mahieu. : Docteur vous avez suivi cette incroyable affaire. AcimAsia s’est trouvée au cœur de la réddition du NPA, groupe terroriste redoutable d’obédience communiste et présenté comme la plus ancienne rébellion au monde. Qu’en est-il ?
Jean-Pierre Dickès : Si vous avez suivi un peu nos activités, vous devez savoir que toutes les missions de Rosa Mystica étaient encadrées par l’armée, la police, voire les deux. Tout simplement parce qu’il existe en permanence un terrorisme qui nécessite le maintien d’un force armée de 1 million 300.000 hommes, soit proportionnellement cinq fois plus que la France. Pourtant les « rebelles » comme on les appelle ici, ont réussi le 7 novembre 2007, à mettre une bombe dans le Parlement, tuant deux personnes dont un député et blessant gravement dix autres. Les morts imputables au terrorisme se comptent par centaines chaque année. Et plusieurs régions sont strictement interdites aux touristes par notre Ministère de l’Intérieur. Or notre permanence de General Santos est dans une de ces zones.
TM : Qui sont ces terroristes ?
JPD : En dehors du grand banditisme classique, ce terrorisme relève de deux groupes principaux. Le MILF, Mouvement islamiste de libération ; le « F » ne signifie pas « de la femme », mais des Filipinos, forme espagnole du mot Philippines. Il est à géométrie variable et signe régulièrement avec le gouvernement de Philippines des accords de paix. Il veut faire de l’île de Mindanao (deux cinquième du territoire) le centre d’un grand sultanat allant de la Malaisie à l’Indonésie. C’est le bangsamoro ou la terre des Maures. Nous avons failli nous jeter dans la gueule du loup, quand en 2008 leurs prétentions avaient été rejetées par le Conseil Constitutionnel, précisément lors de notre arrivée sur le terrain. Cette révolte avait été matée au prix du déplacement d’un million et demi de villageois. A la limite du banditisme, il se laisse facilement acheter. En revanche, le NPA (New poeple Army), fondé en 1969, est d’obédience communiste maoïste, marxiste léniniste. Il a la dent très dure. Il est responsable de 40.000 morts. Wikipedia nous annonce qu’à ce jour aucun accord n’a jamais pu être conclu avec lui. Or c’est précisément à ce stade qu’est intervenue AcimAsia. Il a connu un déclin important avec la chute du communisme. Ce sont les éléments les plus radicaux qui sont restés. Ils sévissent au nord de Manille précisément dans le barangay (province) de Tanay où se sont tenues les missions Rosa Mystica 2009 et 2010 ; à Mindanao au barangay de Sarangani où est notre permanence et à celui de Minguindanao et dans le sultanat de Kudarat.
TM : Que fait l’armée précisément ?
JPD : Plusieurs plans d’éradications ont été menés par les gouvernements successifs. Il faut comprendre que c’est un objectif difficile. Les terroristes sont souvent des villageois qui viennent se mettre un temps au service de la rébellion ; puis retournent au village, puis repartent. Il s’ensuit lors d’opérations militaires, des dommages collatéraux importants ; ceux-ci sont bien objectivés par les termes des communiqués de l’armée stipulant que des « supposés terroristes » ont été abattus ici où là. Telle est la guerre révolutionnaire classique. Sans parler des bombardements effectués par l’aviation américaine. Le gouverneur de Davao deuxième ville des Philippines se situant à Mindanao , un dénommé Dutertre – un nom bien de chez nous- a lancé la Makabayan peace caravan ou caravane de la paix sur le thème « Le Christ est la paix ». Etonnant ? Non : rappelons que 85 % de la population est catholique. L’idée était que l’armée au lieu d’avoir un rôle répressif, se devait avant tout d’aider les populations et se mettre à la disposition des œuvres humanitaires. Mais elle n’avait guère de moyens en hommes et en médicaments. Exception faite des dentistes militaires omniprésents : en effet le seul traitement envisageable dans ce cadre est l’extraction dentaire. Bref, telle était la raison pour laquelle la force armée accompagnait, protégeait les missions pouvant apporter les soins.
TM : Comment se situe l’ACIM dans ce cadre ?
JPD : Au commencement l’armée nous protégeait ; puis elle nous a aidés. Il y a deux casernes à Général Santos. Celles des 33ème et 73ème bataillons d’infanterie. Puis elle organisait elle-même les interventions. Des sympathies et des amitiés solides se sont créées avec les militaires, notamment les Américains. C’est dans ce cadre que m’arrive un bref message d’une de nos infirmières, Sherryl Ocampo, que je connais bien car depuis 2008 elle était mon assistante et mon interprète tagalog versus anglais. C’est une fille très intelligente et fine, toute menue, très gaie. « Les rebelles s’étaient rendus à l’armée parce qu’ils constataient qu’elle était très efficace ; et ceci en raison des moyens mis à disposition par les missions médicales. » J’ai cru que c’était une blague. Elle disant que c’était une « information exclusive », un scoop en franglais.
TM : Que s’est-il passé exactement à la mission ?
Sherryl Ocampo : Si vous regardez la carte que j’ai établie des multiples missions médicales effectuées depuis 2007 par l’Acim (voir CSR 101), vous verrez que nos lieux d’interventions sont extrêmement nombreux aux quatre coins de l’archipel. Nous sommes intervenus dans deux sites pygmées, à l’île de Leyte et sur les pentes du Pinatubo au nord de Manille. De multiples interventions dans les zones inondées par les typhons, dans des villages très pauvres, dans les prisons de General Santos, dans les hôpitaux et mouroirs de la région, les écoles, facultés etc. En 2008 et 2009 nous avons soigné plus de 6000 personnes lors des opérations Rosa Mystica. Ceci autour de Tanay dans l’île de Luzon, à 60 km de Manille dans une région infestée de rebelles du NPA. C’est dans cette région qu’ont commencé les premières défections dans les rangs des terroristes. Il faut dire qu’ils avaient tués plusieurs centaines de personnes les deux années précédentes. Sans compter les enlèvements. Or malheureusement, nous connaissons de gros problèmes financiers. La générosité des Français avait malheureusement diminué dans des proportions importantes. Nous avons dû lâcher certains points comme celui des orphelins qui mourraient de faim près de Sampaloc. Nous nous sommes recentrés sur notre permanence, à Géneral Santos île de Mindanao. L’armée nous proposait de l’accompagner et de nous protéger. Mais c’était dangereux. Il n’y avait que nous pour « monter au créneau » de la « caravane ». Les protestants qui font beaucoup de bruit en ville ne se sont pas mobilisés. Nous avons multiplié les missions. Nous avons une cinquantaine de très belles attestations faites par les municipalités. Aux Philippines, nous aimons bien ce genre de papier. Mais dans les villages il n’y a rien permettant de les rédiger. Nous estimons à près de 150 toutes les missions effectuées. Nous avons en dossier 12.000 personnes en dossiers informatiques –sans compter les endroits où il n’y a pas d’électricité- . Nous avons un statut officiel d’association reconnue par le gouvernement depuis juin 2009. Et depuis trois mois nous menons presque tous les jours des missions avec les militaires dans les barangays qui nous entourent. Essentiellement en pays musulmans. Il va de soi que les catholiques dispersés dans les villages sont heureux comme tout quand ils nous voient. Nous rassemblons le village et nous parlons de la paix en langue tagalog ou en visayas.
TM : Ces missions vous semblent-elles dangereuses ?
Sherryl : Bien sûr. Nous le savons. D’ailleurs, les militaires sont là pour nous le rappeler. Départs de nuit. Interdiction de chanter. Dans certains villages il faut se cacher au fond des camions. Ne jamais passer par le même endroit. Nous sommes accueillis dans des maisons plus ou moins fortifiées à l’ombre des minarets. Deux gardes à la porte. En cas d’alerte, nous ne devons pas ouvrir les portes d’entrée et filer nous cacher dans la jungle. C’est surtout pour les européens que les militaires avaient peur. Quand nous avons commencé il y a six mois, il y avait trois Françaises et une Suisse. C’est à partir de ce moment-là que les rebelles ont commencé à se rendre. Mais quinze jours avant la reddition des chefs, le lieutenant Rommel est venu nous dire qu’il fallait arrêter les missions car nous avions été repérés.
La reddition des chefs rebelles du NPA et du MPF
TM : Comment avez-vous su que vous aviez joué un rôle dans ces redditions ?
Sherryl : Le 7 février, notre ami le Lieutenant Nestor Valenzuela du 33ème bataillon, est arrivé à la permanence. J’étais seule avec une recrue récente de la mission nommée July, une amie à moi. Il nous a demandé de venir avec lui à la caserne. Il nous expliqua que les derniers chefs de rebelles s’étaient rendus. Que le général en chef de l’armée des Philippines Arturo Ortiz voulait féliciter les soldats ainsi que nous-mêmes. Il y aurait aussi le Lt. Rommel du 73ème bataillon devenu aussi notre ami.
TM : Que s’est-il passé alors ?
Sherryl : Le général est arrivé avec un hélicoptère de combat. Il était en treillis. July a été chargée de lui mettre au cou un ruban d’accueil : j’étais trop petite pour le faire. Tous les officiers étaient rangés devant la caserne sous un gigantesque calicot représentant le général. C’est une habitude d’accueil en Asie. Les chefs rebelles rassemblés au fond de la pièce d’accueil avaient déposé leurs dernières armes sur une table ; nous étions entourés de petites grenades et de mines. Ils se disposèrent à droite. A gauche une rangée de soldats.
Les rebelles expliquèrent qu’ils étaient lassés de la guerre. La vie dans la jungle était difficile notamment à cause des maladies. Et quand ils revenaient dans leur village par intermittence, il leur était expliqué que l’armée était passée, que des volontaires avaient soigné le village entier ; parfois apporté du riz et des fruits. Il leur était dit que l’armée n’était pas méchante, bien au contraire. Et que dans de telles conditions leur lutte était devenue inutile. Le général prit alors la parole pour dire que sans la mission médicale de l’ACIM, la reddition des rebelles n’aurait pas était possible. Avec grandeur il salua les prisonniers. Leur dit qu’ils étaient libres et que le gouverneur leur donnerait du travail. Les soldats inclinèrent leur tête pour rendre hommage à leur ennemi vaincu. Une belle histoire.
T.M. : Ainsi vous pensez avoir été directement les responsables de ce succès de la paix ?
Sherryl : Oui bien sûr ! D’abord nous étions les deux seuls civils à assister à cette cérémonie et être honorés. Nous avons des attestations des deux bataillons avec lesquels nous avons mené les missions médicales. L’un deux se termine ainsi : Le 33ème bataillon d’Infanterie de Makabayan, la première division Tabak d’Infanterie, l’armée philippine reconnait et a apprécié le rôle vital de l’Organisation Non Gouvernementale AcimAsia dans les efforts de construction de la paix dans les provinces du Sultanat de Kudurat et Minguindanao au travers d’une organisation médicale et le support professionnel et logistique apporté par de nombreuses missions qui ont abouti à la reddition des militants. Le tout dans le cadre du projet bannière intitulé « La caravane de paix de Makabayan ».Pour le reste il suffit de regarder les photos que j’ai pu faire.
TM : Que diriez-vous pour conclure ?
Sherryl : Nous ne nous considérons pas comme des héros. Partout nous avons été bien accueillis. Les volontaires venus de France ont été très appréciés. Les catholiques philippins se sont montrés particulièrement reconnaissants : étant minoritaires dans ces barangays, ils se rendent compte que nous ne les oublions pas. Ils sont aux avant-postes de la chrétienté et ont eu leur part de martyres. Simplement nous espérons qu’AcimFrance et les Français continuent à soutenir cette œuvre de miséricorde. Elle apporte tellement de grâces.
Théodore MAHIEU
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