De la moindre fibre de notre être nous voulons servir l’Eglise catholique et lui être fidèles. Nous professons inlassablement la foi comme la morale catholique, le culte comme la doctrine de l’Eglise. Nous nous efforçons de ne jamais nous appuyer sur nous-mêmes, mais constamment sur le Magistère de toujours, défini et certain, contre les nouveautés dangereuses ou pernicieuses qui se sont glissées et qui semblent triompher partout, jusqu’à Rome et dans tout l’univers catholique. Les premiers nous voudrions voir Rome retrouver sa Tradition et la véritable expression de la foi, tant liturgique que doctrinale. C’est là notre plus cher désir, notre espoir, notre combat.
Il ne faut pourtant pas prendre ses désirs pour des réalités, ni croire achevée la terrible crise que traverse l’Eglise simplement parce que nous l’attendons et l’espérons, ou parce que certains signes encourageants pourraient, tel l’arbre, cacher la forêt moderniste qui a envahi le sanctuaire de toutes parts : une vraie jungle à couper à la machette et au bulldozer !
Depuis qu’il est pape, Benoît XVI a, selon ses propres termes, pu donner l’impression qu’il s’employait à « résoudre les problèmes » auxquels l’Eglise est confrontée[1] . Mais à côté du latin qu’il a réhabilité à l’occasion de son premier discours, le 20 avril 2005, à côté du camauro ou du chapeau pontifical qu’il a su arborer non sans fierté, à côté du Motu proprio du 7 juillet 2007 qui a pu être considéré par le clan progressiste comme une pierre dans son jardin, force est de constater que le souverain pontife s’emploie d’abord et avant tout à conduire et à consolider la révolution conciliaire en en reprenant tous les grands axes, même les plus fous et les plus contraires à la foi.
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Au lendemain de son élection, le nouveau pape s’engageait résolument dans cette ligne :
« je veux affirmer avec force ma ferme volonté de poursuivre l’engagement de mise en ouvre du Concile Vatican II, dans le sillage de mes prédécesseurs et en fidèle continuité avec la tradition bimillénaire de l’Eglise »[2].
Que l’on ne s’y trompe pas : la tradition n’est pas ici le critérium de vérité qui viendrait passer au crible les nouveautés conciliaires pour les corriger ou les oublier, mais la simple affirmation que le concile doit être lu, compris et accueilli au moyen de « l’herméneutique de la continuité »[3] . Car « au fil des années, les documents conciliaires n’ont rien perdu de leur actualité ; leurs enseignements se révèlent même particulièrement pertinents en ce qui concerne les nouvelles exigences de l’Eglise et de la société mondialisée actuelle » [4] .
La liberté religieuse ?
Elle est omniprésente dans maints discours, aussi bien pour salir la mémoire des martyrs qui auraient versé leur sang pour elle[5] que pour entretenir le faux œcuménisme et le dialogue interreligieux tous azimuts, et bien sûr lorsqu’il s’agit de prêcher les droits de l’homme dans les cercles onusiens. Elle est sans cesse présupposée et postulée en amont de tout credo, de toute vérité, de toute religion et de tout culte. Un postulat foncièrement relativiste et indifférentiste par lequel le pape voudrait pourtant défendre la vérité de la religion catholique[6] . L’aboutissement de cette contradiction interne aboutit à célébrer la laïcité « à l’américaine », couronnement de la liberté religieuse et seule condition d’expression légitime de la foi dans la société. La laïcisation remplace ainsi le règne de Notre-Seigneur sur les nations.
L’œcuménisme ?
Dès les premiers mois de son pontificat, Benoît XVI a multiplié les rencontres, dont les plus remarquées eurent lieu à la synagogue de Cologne le 19 août 2005 et à la mosquée d’Istanbul le 30 novembre 2006[7] . Il a repris à son compte le fumeux « esprit d’Assise » parce que, selon lui, « c’est dans la prière qu’il est possible de faire une expérience particulière de Dieu et d’en tirer des encouragements efficaces dans le dévouement à la cause de la paix » [8] . On pourrait donc invoquer n’importe quelle idole pour faire l’expérience de Dieu ? On obtiendrait donc la paix par l’entremise de toutes les religions de la terre et des enfers, toutes les sectes et les courants de pensée les plus divers, y compris maçonniques ?
A cet idéal dévoyé Benoît XVI appelle spécialement « les trois religions monothéistes » « à coopérer entre elles pour le bien commun de l’humanité, en servant la cause de la justice et de la paix dans le monde. » Car, affirme le pape en reprenant l’enseignement de Vatican II, « judaïsme, christianisme, et islam croient dans le Dieu unique, Créateur du ciel et de la terre »[9] .
Le pape actuel continue donc ici l’ouvre de son prédécesseur, l’œil fixé sur cette chimère de l’unité du genre humain fondée sur la sacro-sainte dignité de la personne[10] . En réalité, cette unité n’est qu’un idéal naturaliste, une illusoire fraternité universelle qui asservit l’Eglise à l’humanité au sein de la société mondialisée[11] .
La collégialité ?
Cette nouveauté du concile Vatican II introduit « deux têtes » pour imposer l’exercice solidaire du primat « dans la diversité des rôles et des fonctions du pontife romain et des évêques »[12] . Cette dimension collégiale du gouvernement du pape s’illustre aussi bien symboliquement dans le blason sans tiare que Benoît XVI a choisi comme armes pontificales[13] qu’en pratique, comme on l’a vu au moment du synode sur l’Eucharistie (octobre 2005) et les documents qui en ont émané. Ce fut, sauf erreur, le premier acte de gouvernement de l’Eglise universelle du nouveau pape : un synode où il participa comme simple évêque avant d’en établir une synthèse qui devait n’aboutir qu’à un énième rappel contre les abus liturgiques.
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Une conclusion s’impose. Benoît XVI a confirmé et repris à son compte pour les établir avec fermeté tous les grands chantiers du pontificat de Jean-Paul II. Ce dernier, dans son chant du cygne, dénonçait « l’apostasie silencieuse » comme, trente ans plus tôt, Paul VI relevait la présence « des fumées de Satan » infiltrées dans le sanctuaire. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Les erreurs de Vatican II demeurent la source empoisonnée par laquelle Satan continue de répandre à pleine main l’ivraie de la corruption. À cela l’Esprit de vérité oppose inlassablement le combat de la foi : un combat public pour faire entendre la voix de la Tradition et répandre les sources de l’eau vive.
En 1987 Mgr Lefebvre dénonçait les trois erreurs fondamentales « professées publiquement par les modernistes qui occupent l’Eglise » et concluait logiquement à l’extrême gravité de la situation[14]. De ce constat il allait en tirer, l’année suivante, toutes les leçons en accomplissant « l’opération survie de la Tradition ». Vingt ans plus tard, le combat continue.
Conclusion du dossier : quelle doit-être notre attitude ?
Source : Le Chardonnet n° 239 de juin 2008
- Rencontre du 29 août 2005 avec Mgr Fellay.[↩]
- Homélie après la concélébration eucharistique avec les cardinaux électeurs en la chapelle Sixtine, 20 avril 2005, n.3. [↩]
- Discours du 22 décembre 2005.[↩]
- Homélie-programme du 20 avril 2005. [↩]
- Discours aux cardinaux du 22 décembre 2005. [↩]
- Rencontre interreligieuse à New York le 17 avril et discours à l’O.N.U. le 18 avril 2008. [↩]
- Tout récemment encore, l’œcuménisme et le dialogue interreligieux faisaient partie intégrante du séjour de Benoît XVI aux Etats-Unis : visite à la synagogue, rencontre œcuménique, allocution devant deux cents représentants juifs, hindouistes, musulmans, bouddhistes, etc. [↩]
- Lettre à Mgr Sorrentino à l’occasion du 20ème anniversaire de la rencontre interreligieuse de prière pour la paix, 2 septembre 2006. [↩]
- Allocution à la délégation du Comité juif américain (American Jewish Committee), le 16 mars 2006. Voir Nostra Ætate, 28 octobre 1965. [↩]
- Message du 12 décembre 2006 pour la journée de la paix du 1er janvier 2007. [↩]
- Voir les discours de Benoît XVI au camp d’Auschwitz-Birkenau, le 28 mars 2006 ; à Ratisbonne, le 12 septembre 2006 ; devant les représentants de l’Islam en Italie et les Ambassadeurs de pays musulmans, le 25 septembre 2006 ; la lettre à l’archevêque d’Assise du 2 septembre 2006, etc. Cf. Le Chardonnet n°228 de mai 2007. [↩]
- Homélie du 20 avril 2005, n.2. [↩]
- Voir le discours du 24 avril 2005 où Benoît XVI explique pourquoi il a repris son blason épiscopal de Munich et Freising. La cérémonie d’inauguration du pontificat (et non plus de couronnement) fut également l’occasion d’exalter les « représentants de tous les états de vie du peuple de Dieu » et non le pouvoir pontifical ou le primat de Pierre. [↩]
- Mgr Lefebvre, « Vingt ans de combat » in Fideliter n°55, janvier-février 1987, p. 12–13.[↩]