À Auschwitz, une étoile a brillé
C’est « dans ce lieu de l’horreur et des ténèbres » [1], que le pape a vu briller « l’étoile de la réconciliation », celle nécessaire entre tous les peuples pour garantir à jamais la paix sur la terre, et « que « jamais plus » les forces du mal n’arrivent au pouvoir. »
« Nous prions Dieu et nous élevons un cri vers les hommes afin que cette raison, la raison de l’amour et de la reconnaissance de la force de la réconciliation et de la paix, prévale sur les menaces qui nous entourent de l’irrationalité ou d’une fausse raison, détachée de Dieu. » L’étoile de la réconciliation, c’est le chemin obligatoire parce que vital du dialogue entre les cultures et les religions, dans le respect de la conviction intime de chacun et dans la construction d’un monde meilleur et plus juste, donnant à tous « un droit égal de citoyen », par un « engagement mutuel de compréhension, de respect et d’amour. »
Le bien commun de l “humanité exige en effet, explique le pape, la reconnaissance du caractère central de la personne, dont la dignité et la défense des droits qui en découlent forment « le but de tout projet social et de tout effort mis en œuvre dans ce sens. »
Les deux astres de Ratisbonne
Mais à la réconciliation du monde s’opposent aujourd’hui deux dangers apparemment contradictoires, comme deux astres qui empêcheraient l’étoile de luire. D’une part la foi sans la raison, au nom de la transcendance de Dieu. C’est elle qui verse dans l’irrationnel et l’intolérance, engendrant la haine et la violence. La doctrine musulmane d “un Ibn Hazn comme la théologie chrétienne d’un Duns Scott favorisent malheureusement cette « image d’un Dieu-Arbitraire, qui n’est pas même lié par la vérité et le bien. »
D’autre part la raison sans la foi, celle qui depuis la réforme protestante, le siècle des lumières et le libéralisme, habite nos sociétés matérialistes, verse dans le cynisme et la réduction des horizons humains. A l’équilibre réalisé par l “esprit chrétien entre la foi biblique et la pensée hellénique, la raison moderne a préféré couper la raison de la foi, et ce faisant elle a aussi encouragé la violence et le fanatisme.
A ces dangers, il importe d’opposer le Dieu de la raison, qui agit « sun logô », avec logos, rai son et parole, et qui ne fait qu’un avec l’amour et avec le bien, avec la réconciliation et avec la paix. Il est incompatible avec la violence, contraire à la nature de Dieu comme à celle de l’âme.
Il faut donc réhabiliter la raison dans toute son universalité, afin de fonder un véritable dialogue de la foi avec la raison moderne, les cultures et les différentes traditions religieuses. De sorte que la théologie ait toute sa place parmi les activités de la raison. Elle est, à son niveau, « interrogation de la raison de la foi dans le vaste dialogue des sciences. »
« Dans un monde marqué par le relativisme et excluant trop souvent la transcendance de l’universalité de la raison, nous avons impérativement besoin d’un dialogue authentique entre les religions et entre les cultures, capable de nous aider à surmonter ensemble toutes les tensions, dans un esprit de collaboration fructueuse. »
L’étoile de la réconciliation, c’est ultimement, face aux conflits, à la violence et à la guerre, une sorte d’Internationale de toutes les religions, fondée sur la liberté religieuse : « la prière pour la paix de tous ceux qui professent un credo religieux est un devoir urgent ». Il est un témoignage éloquent « pour montrer à tous la valeur de la dimension religieuse de l “existence ». Plus que jamais, « le dialogue interreligieux et interculturel est une nécessité pour bâtir ensemble le monde de paix et de fraternité ardemment souhaité par tous les hommes de bonne volonté (…) en vue d “une collaboration fructueuse au service de l’humanité tout entière ».
Assise ou le spectre de la collaboration
En favorisant les rencontres autour de la prière, comme à Assise, le « sentiment religieux atteint sa maturité, il suscite chez le croyant la perception que la foi en Dieu, Créateur de l “univers et Père de tous, ne peut manquer de promouvoir entre les hommes des relations de fraternité universelle. En effet, des témoignages du lien intime qui existe entre le rapport avec Dieu et l “éthique de l “amour sont visibles dans toutes les grandes traditions religieuses. »
Parce que « le judaïsme, le christianisme et l “islam croient dans le Dieu unique, Créateur du ciel et de la terre, il s’ensuit par conséquent que les trois religions monothéistes sont appelées à coopérer entre elles pour le bien commun de l’humanité, en servant la cause de la justice et de la paix dans le monde. Les chefs religieux ont la responsabilité de travailler à la réconciliation par un authentique dialogue et des actes de solidarité humaine », ainsi qu’à travers un engagement renouvelé « à construire des ponts de compréhension au-delà des barrières. »
A l’aube du nouveau millénaire, résume le cardinal Poupard, le pape actuel nous invite « à œuvrer à une nouvelle symbiose de la foi et de la raison dans le dialogue confiant et apaisé des religions et des cultures qui portent en elles, au cœur même de leurs différences, le témoignage de l’ouverture spécifique de l’homme au plus grand des mystères, le mystère de Dieu. ».
L’étoile ou la croix
Le dessein de Benoît XVI continue l’utopie de son prédécesseur « dans l “engagement irréversible pris par le Concile Vatican II » : fausse liberté religieuse, qui trahit la charge apostolique d “annoncer l’Evangile à toute créature ; mensonge de l’égale dignité de toutes les religions fondée sur un naturalisme erroné ; illusoire fraternité universelle qui asservit l’Eglise à l’humanité dans une course à l’unification du genre humain au sein de la so ciété mondialisée.
Mgr Lefebvre en éprouvait une terrible douleur :
« Douleur pour la vitalité de l’Eglise, douleur parce que nous voyons les âmes se diriger vers l’enfer en foule, à cause de l’apostasie qui règne à Rome. C’est une véritable apostasie. Notre-Seigneur n’est plus honoré comme Il devrait l’être, étant donné qu’Il est Dieu, qu’Il doit régner et qu’Il est le seul qui doive régner, le seul qui ait droit à la véritable religion, à LA religion. »
L’étoile de la réconciliation qui guide Benoît XVI est-elle encore la croix du Christ, qui devrait pourtant être le seul labarum [2] du successeur de Pierre ? Car ce n’est que par la Croix de Notre-Seigneur que les hommes apprendront à connaître et à pratiquer la vraie Religion, la Religion de Jésus-Christ.
Abbé Christian Thouvenot, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Sources : Le Chardonnet n° 223 de décembre 2006
- Ces citations, présentées de manière synthétique, sont tirées des sources suivantes :
- Discours aux représentants des autres confessions chrétiennes et des autres religions présentes à Rome pour l’inauguration du pontificat, lundi 25 avril 2005 ;
- Discours à la synagogue de Cologne, vendredi 19 août 2005 ;
- Discours devant les représentants des communautés musulmanes, J.M.J. de Cologne, samedi 20 avril 2005 ;
- Discours au grand rabbin de Rome, audience du lundi 16 janvier 2006 ;
- Discours à une délégation du Comité juif américain (American Jewish Committee), jeudi 16 mars 2006 ;
- Discours au camp d’Auschwitz-Birkenau, dimanche 28 mars 2006 ;
- Lettre à l’archevêque d’Assise à l’occasion du XX e anniversaire de la rencontre interreligieuse de prière pour la paix, samedi 2 septembre 2006 ;
- Discours à Ratisbonne, mardi 12 septembre 2006 ;
- Discours devant les représentants de l’Islam en Italie et les Ambassadeurs de pays musulmans, lundi 25 septembre 2006 ;
- Cardinal Paul Poupard, discours à l’occasion de l’audience du lundi 25 septembre 2006 ;
- Mgr Marcel Lefebvre, Homélie du 1er novembre 1990, in Vu de Haut n° 13, p. 72.[↩]
- Le labarum (en grec λαϐαρόν [lábaron]) est l’étendard militaire portant le symbole chrétien du chrisme adopté à partir de Constantin Ier par les empereurs romains.[↩]