Le synode sur l’Amazonie discute jusqu’au 27 octobre à partir d’un texte de base, l’Instrumentum Laboris, rédigé par huit experts à partir d’une vaste consultation des « réalités ecclésiales de base ». Le moins qu’on puisse dire est que ce document a fait couler beaucoup d’encre, notamment à cause des axes principaux de sa réflexion, que le professeur Matteo d’Amico n’hésite pas à qualifier de de « délire théologique » [1].
Voici les grandes idées de ce délire qui, rappelons-le, a été signé par 8 évêques et officiellement présenté par le Vatican.
1. Les peuples amazoniens sont un modèle de vie en harmonie avec le milieu naturel
Il s’agit de vivre en harmonie avec soi-même, avec la nature, avec les êtres humains et l’être suprême (sic), car il existe une interrelation entre tous les éléments du cosmos, où personne n’exclut personne et dans lequel il est possible de forger entre tous un projet de vie en plénitude. (…) Cette compréhension de la vie se caractérise par les liens et l’harmonie des relations entre l’eau, le territoire et la nature, la vie communautaire et la culture, Dieu et les diverses forces spirituelles. Pour eux, « bien vivre » c’est comprendre la centralité du caractère relationnel-transcendant des êtres humains et de la création et suppose un « bien faire ». On ne peut pas séparer les dimensions matérielles et spirituelles. (…)
Une vision contemplative, attentive et respectueuse des frères et sœurs humains et de la nature – du frère arbre, de la sœur fleur, des frères oiseaux, des frères poissons et même des petites sœurs comme les fourmis, les larves, les champignons ou les insectes [2] permet aux communautés amazoniennes de découvrir que tout est lié, de donner de la valeur à toute créature, de voir le mystère de la beauté de Dieu qui se révèle en elles (cf. Laudato Si 84, 88) et de vivre ensemble amicalement.
Une contemplation respectueuse et attentive du frère piranha et de la sœur mygale, fait donc partie du quotidien des Amazoniens et permet de vivre tous ensemble amicalement. Les intéressés seraient sans doute fort surpris de l’apprendre, de même que d’être informés qu’ils expérimentent au quotidien le « caractère relationnel-transcendant des êtres humains et de la création ».
2. Les coutumes païennes de ces populations les préservent de l’influence délétère de la civilisation occidentale. Elles doivent être préservées, et le modèle amazonien proposé en exemple aux Occidentaux décadents.
La vie des communautés amazoniennes encore non affectées par l’influence de la civilisation occidentale se reflète dans la croyance et dans les rites concernant l’action des esprits et de la divinité – appelée de multiples manières – avec et sur le territoire, avec et en relation à la nature. (…)
Ce processus continue en se laissant surprendre par la sagesse des peuples autochtones. Leur vie quotidienne est un témoignage de contemplation et de protection de la nature et de relation avec elle. Ils nous enseignent à reconnaître que nous faisons partie du biome et que nous sommes coresponsables de sa sauvegarde pour aujourd’hui et pour demain. Aussi devons-nous réapprendre à entretenir des liens qui englobent toutes les dimensions de la vie et devons-nous adopter une ascèse personnelle et communautaire qui nous permette de « mûrir dans une sobriété heureuse » (Laudato Si, 225). (…)
Ces affirmations ont perdu une grande part de leur poids lorsque des spécialistes de l’Amérique du Sud ont rappelé que l’infanticide et l’euthanasie font partie des nobles rites assurant la protection de la mère-nature [3].
3. Le Saint-Esprit s’exprime à travers ces traditions païennes [4]. Il serait irrespectueux d’imposer les formules de la foi catholique à des peuples qui ne partagent pas la culture occidentale.
L’Esprit créateur qui remplit l’univers (cf. Sap. 1, 7) est celui qui durant des siècles a nourri la spiritualité de ces peuples bien avant l’annonce de l’Evangile et celui qui conduit à l’accepter à l’intérieur même de leurs cultures et de leurs traditions. Cette annonce doit tenir compte des « semences du Verbe [5] » présentes dans ces cultures et traditions. Elle reconnaît aussi que chez beaucoup d’entre eux la semence a mûri et a porté du fruit. Elle suppose une écoute respectueuse, qui n’impose pas de formulations de la foi exprimées à partir d’autres références culturelles étrangères à leur contexte vital. Mais au contraire, elle écoute « la voix du Christ qui parle à travers tout le peuple de Dieu [6] ».
C’est donc à l’Eglise universelle de se laisser enseigner par le « lieu théologique » qu’est subitement devenu l’Amazonie. CQFD.
Comme le dit un anthropologue consulté par le vaticaniste Marco Tosatti, « quiconque est en contact concret avec l’Amérique latine réelle sait que l’Instrumentum Laboris ne concerne pas l’Amazonie, mais des suggestions. Il dépeint un lieu idyllique imaginaire, un « espace » idéalisé, né de l’imagination fervente d’un scénariste. » L’Amazonie est surnommé l’enfer vert, pas le paradis terrestre. Et les Indiens d’Amazonie ne sont pas les bons sauvages des fantasmes de Rousseau, mais des âmes à sauver qui n’ont pas demandé à être instrumentalisées par des délires de pseudo-théologiens en mal de publicité médiatique. Cinquante ans de « langue de buis » nous ont habitués à entendre des discours pompeux dissimulant mal un alignement servile sur les idées à la mode, mais on est quand même confondu devant tant de prétentieuse sottise. Peut-être parce qu’elle ne cherche même plus à se cacher ?
Abbé LM Carlhian
- Courrier de Rome n°623 de juillet-août 2019[↩]
- cf. Laudato Si 233[↩]
- https://www.diakonos.be/settimo-cielo/de-linfanticide-a-leuthanasie-le-buen-vivir-en-amazonie-passe-aussi-par-la/[↩]
- Vatican II, Déclaration Nostra Aetate, §2.[↩]
- Vatican II, décret Ad Gentes, §11.[↩]
- Episcopalis Communio 5[↩]