Pèlerinage 2005 à l’Ile Madame

Grand’Messe pontificale à l’Ile Madame en l’honneur des 630 prêtres martyrs

Le compte rendu du pèlerinage

Dimanche 9 octobre 2005 : Pèlerinage vers l’île Madame. Sous la hou­lette de Mgr Fellay, Supérieur de la Fraternité St Pie X, en pré­sence de M. l’ab­bé de Cacqueray, Supérieur du dis­trict de France, de M. l’ab­bé Boubée, pro­fes­seur au sémi­naire d’Ecône, accom­pa­gné de quinze sémi­na­ristes, sans oublier M. l’ab­bé Bétin, direc­teur de l’é­cole St Michel à Châteauroux, M. l’ab­bé Chrissement et le frère Jean-​François venus de St Joseph des Carmes à Montréal de l’Aude avec une ving­taine d’é­lèves, les prêtres et les sœurs de la Fraternité St Pie X du prieu­ré de Bordeaux.

C “est le cœur de l’œuvre de Mgr. Lefebvre qui bat, entre terre et mer, sur les lieux du plus grand cime­tière de prêtres-​martyrs : 630 sont morts là, entre 1794 et 1795.

Dans l’é­glise de Brouage, M. l’ab­bé de Cacqueray évoque le sort réser­vé à ces reli­gieux, enfer­més dans les pri­sons flot­tantes des pon­tons de Rochefort. Ils ont souf­fert, dans l’ou­bli le plus total, les igno­mi­nies, les humi­lia­tions, la faim, la soif ; cette per­sé­cu­tion est atti­sée par la haine de la Foi. Ils sont des modèles de patience :
– pour les prêtres qui, aujourd’­hui, sont enfer­més dans des pri­sons spi­ri­tuelles et morales : leur culpa­bi­li­té vient de leur fidé­li­té à la Messe, au bré­viaire, aux sacrements.
– pour les familles qui, mal­gré les sar­casmes de leurs proches, font des prouesses pour assis­ter à la Sainte Messe ou sco­la­ri­ser leurs enfants dans des écoles vrai­ment catho­liques. Aujourd’hui comme pen­dant la Terreur, la Révolution dis­si­mule mal sous le masque de la Liberté, sa res­sem­blance avec son père : le Diable. Il hait les ins­tru­ments de la chré­tien­té que sont les prêtres et les parents catholiques.

Partageons entre nous les mêmes sen­ti­ments de Charité qui ani­maient ces pauvres prêtres : incar­cé­rés dans des condi­tions inhu­maines : ils se pri­vaient de l’in­dis­pen­sable pour leurs frères plus malades, se sou­te­naient contre la ten­ta­tion de révolte ou de déses­poir et mou­raient dans les sen­ti­ments de par­don des offenses et de sainteté.

La béné­dic­tion du départ don­née sous le patro­nage de Notre Dame, les cha­pitres s’é­branlent, conduits par les sémi­na­ristes. Le groupe des scouts-​marins, ren­for­cé par les lou­ve­teaux et les jean­nettes, compte main­te­nant une cin­quan­taine d’en­fants arbo­rant fiè­re­ment leur uni­forme impec­cable. Beaucoup de jeunes se joignent aux groupes et cer­taines familles ont ame­né des petits de 4 ou 5 ans qui enfi­le­ront 20 kilo­mètres sans rechigner.

Il y a, cette année, beau­coup plus de monde ; au départ, deux cents pèle­rins. Certains sont venus de loin et découvrent l’en­droit : ce mon­sieur sait que son grand-​oncle est mort sur les pon­tons, cette dame a fait une longue route, la veille ; comme elle ne peut aller à l’hô­tel, elle dort dans sa voi­ture pour être au départ le dimanche matin. A tra­vers les marais salants et les parcs à huîtres de cette côte cha­ren­taise, pas­sant des écluses ron­gées de rouille, lon­geant les prés salés bat­tus des vents, on pense aux prêtres res­ca­pés des bateaux dont les pas ont fou­lé ces terres désolées.

En effet, quit­tant leurs pri­sons flot­tantes, cer­tains ont été déte­nus pen­dant un an dans des entre­pôts de Brouage avant de recou­vrer la liber­té. La colonne des pèle­rins, ban­nières au vent, passe sur la plage et le chant du rosaire vient trou­bler la tran­quilli­té des mouettes. La pause du déjeu­ner, à Port des Barques, est bien­ve­nue ! On retrouve les jeunes familles ou les per­sonnes qui rejoignent les pèle­rins pour faire, tout à l’heure, le tour de l’île Madame.

Mgr. Fellay et M. l’ab­bé de Cacqueray ont mar­ché toute la mati­née dans les cha­pitres, décou­vrant tous deux ce pèle­ri­nage émi­nem­ment sacer­do­tal. A la même enseigne que tous les mar­cheurs, ils déjeunent sur les rochers, face à la mer, balayant d’un seul coup d’œil l’île d’Oléron, Fort Boyard, l’île Madame, l’île d’Aix et la pres­qu’île de Fouras avec, tout près, l’es­tuaire de la Charente où les bâteaux-​prison sont res­tés à l’ancre, pen­dant plus d’un an, sans jamais prendre la mer. Voici venu le moment de rejoindre l’île par « la passe aux bœufs », large route de cailloux décou­verte pen­dant quelques heures, à marée basse.

Les sémi­na­ristes méditent le che­min de Croix. Chacun ramasse un galet qu’il pose­ra, après avoir fait le tour de l’île, à « la Croix aux galets ». Là, quelques années après le drame, un pay­san décou­vrit les corps de quatre prêtres enter­rés en forme de croix : la fureur révo­lu­tion­naire inter­di­sait une sépul­ture chré­tienne aux pauvres victimes.

Devant cette croix, M. l’ab­bé Boubée s’a­dresse plus par­ti­cu­liè­re­ment aux jeunes : quand le Christ demande à une âme de le suivre, il lui réserve la meilleure part, il l’aime au point de la faire par­ti­ci­per étroi­te­ment à sa vie intime. Alors, pas de retour en arrière car l’a­mour de Dieu et la conquête des âmes pour le Ciel comblent les plus grandes aspi­ra­tions humaines. Les héros et les saints mar­tyrs enter­rés dans ce champ en sont les témoins :

« Nous sommes les plus mal­heu­reux des hommes mais les plus heu­reux des chré­tiens » dira l’un d’eux.

Il exprime ce para­doxe radi­cal dont Dieu seul a le secret.

Mgr. Fellay, entou­ré des prêtres et des sémi­na­ristes, récite les lita­nies pour deman­der de saints prêtres.

De retour à Port-​des-​barques, 400 per­sonnes assistent à la messe pon­ti­fi­cale soi­gneu­se­ment pré­pa­ré, très par­fai­te­ment ser­vie : tré­sor de la litur­gie qui unit presque visi­ble­ment le Ciel à la terre. Dans son homé­lie, Mgr. Fellay évoque le thème du pèle­ri­nage : pour­quoi faut-​il prier pour les prêtres et pour les voca­tions ? La réponse est dans l’Evangile quand le Christ dit qu’il faut sup­plier le Maître de la Moisson d’en­voyer des ouvriers. De plus, le bon Dieu a vou­lu don­ner au prêtre le pou­voir renou­ve­ler le Sacrifice de son Fils de manière effi­cace, comme le ven­dre­di saint. De même que dans une sym­pho­nie, les ins­tru­ments mêlent leur voix pour réa­li­ser la beau­té de l’ouvre, de même, à la messe, Dieu entend d’un seul chœur son Fils offert par les mains du prêtre, et les prières de tous les fidèles : Comment Dieu pourrait-​il être sourd à nos demandes qui passent par le Christ ? On com­prend pour­quoi le Diable s’at­taque au prêtre et à cette mer­veille qu’est la messe. En les défi­gu­rant, il veut fer­mer les écluses de la Grâce aux pécheurs, à tous les hommes.

A la fin de la céré­mo­nie, un enfant témoigne :

« Du ser­mon de Monseigneur, j’ai tout com­pris : plus de prêtre, plus de messe ni de par­don de nos péchés, alors, il faut prier pour obte­nir des prêtres et des voca­tions religieuses ! »

C’est très résu­mé mais le plus impor­tant est enre­gis­tré. Le soleil, qui a brillé toute la jour­née, se couche sur une mer calme, la brume du soir jette son voile sur la contrée, la marée est remon­tée sans bruit, l’île Madame semble s’é­loi­gner du continent.

Et les prêtres-​martyrs, pour les pèle­rins, sont sor­tis de l’ou­bli. Ils ont peut-​être méri­té à de nom­breuses familles fran­çaises de gar­der la Foi. Notre pays, dont le pri­vi­lège est d’être qua­drillé par les ouvres de la Tradition, peut remer­cier ces héros de la sain­te­té et les prier de nous secou­rir quand la tem­pête se lève.

Le reportage photos

Reportage pho­tos n° 1