« Comme bon nombre d’églises du Royaume, Notre-Dame des Ardilliers encourt la fureur iconoclaste des protestants. La veille de l’Ascension 1562, ‘par un secret jugement de Dieu’, la ville de Saumur tombe au pouvoir des réformés. Aussitôt les églises sont envahies et mises à sac. La chapelle [de la Vierge] des Ardilliers n’est pas davantage épargnée. Le trésor en est pillé, les vases sacrés enlevés, les reliques profanées. Cependant, la ‘sainte image’ est respectée. Les huguenots se contentent de l’insulter et de s’en moquer. Cela est étonnant. On ne compte pas les statues de la Vierge mutilées par les protestants, à commencer par celle de la rue des Rosiers à Paris, profanée en 1528. On peut supposer que la statue des Ardilliers était bien défendue par des grilles solides, et peut-être encore mieux par la population. De fait, les guerres de religion n’interrompent pas le pèlerinage. Même après que Henry IV ait donné Saumur aux protestants (en 1589), les pèlerins continuent à affluer. À partir de 1594, ils deviennent très nombreux : les miracles ont commencé. Le XVIIᵉ siècle est le grand siècle des Ardilliers. Dès la fin des guerres de religion, le modeste pèlerinage provincial devient un grand sanctuaire national. Pendant plus de cent ans, des milliers de pèlerins abordent chaque année le rivage sacré. Les miracles en sont la cause : entre 1594 et 1600, trente-six miracles dûment constatés. Le premier miracle se produit le 29 juin 1594. […] Dès lors, Notre-Dame des Ardilliers révèle toute sa puissance d’intercession. Elle obtient 15 guérisons en cette seule année 1594, 7 en 1595, 1 en 1596, 4 en 1598. De 1594 à 1713, 133 miracles sont dénombrés. Après 140 années d’existence obscure, Notre-Dame des Ardilliers connaît la gloire des sanctuaires à miracles. »
« Les catholiques… invoquent la Vierge des Ardilliers comme patronne de la reconquête catholique [contre les protestants]… On peut lire encore aujourd’hui, sur la frise de l’entablement de la coupole, une partie de l’inscription qui célébrait à la fois la révocation de l’édit de Nantes et les victoires de la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Voici la traduction du texte : L’An 1695, la piété du Grand Roi à la Vierge Mère de Dieu. Louis XIV, roi de France et de Navarre par la grâce de Dieu, détruisit l’hérésie par tout son royaume et en chassa les fauteurs par terre et par mer. »
« Dans l’apologétique catholique du XVIIᵉ siècle, la preuve par le miracle tient une grande place. Le miracle confond les libertins, qui nient tous les miracles, et les protestants qui admettent seulement les miracles de l’Évangile. Les miracles des Ardilliers sont tout naturellement utilisés contre les protestants. En 1635, l’auteur de l’Histoire de l’origine dit sa joie des progrès de la dévotion des Ardilliers, et « des miracles par le grand nombre des quelz Dieu l’a establie et renouvellée pour le bien de son Église et la confession des hérétiques, ennemis jurez de son nom ».
« Le 22 juin 1676, une fille paralytique et boiteuse est guérie miraculeusement. Les oratoriens (maître des lieux, ndlr) font imprimer et diffusent le récit du miracle. À la fin de sa relation, l’auteur s’adresse aux protestants. Le miracle prouve, leur dit-il, la légitimité du culte de la Vierge et des saints (niée par les protestants, ndlr). « Ce miracle, écrit-il, se fit en faveur d’une personne qui s’adresse à la Sainte Vierge pour l’engager à luy obtenir de Dieu sa guérison. Cela prouve-t-il pas invinciblement qu’il est très bon et très avantageux aux fidèles qui composent l’Église militante de s’adresser aux saints qui composent l’Église triomphante, pour les engager à prier Dieu pour nous ? » Ce miracle prouve encore « la sainteté et l’utilité des pèlerinages et des vœux ». Et l’auteur d’exhorter les Réformés : « Convertissez-vous, croyez aux merveilles de Dieu : L’Église romaine, écrit-il, du sein de laquelle les religionnaires sont sortis, a donc raison de les convier d’y rentrer en leur disant les mêmes paroles que son divin Époux disoit autrefois aux juifs, qui refusoient de croire les vérités qu’Il leur annonçoit, sur sa seule autorité : Si vous refusez de croire mes paroles, croyez au moins aux miracles que Je fais pour les confirmer… »
« Les oratoriens se plaisent à recevoir dans leur chapelle les abjurations des protestants. Dix-huit abjurations sont consignées dans l’Histoire de l’origine (édition 1715). Treize ont eu lieu de 1628 à 1634. »