7 mars 2020 : messe votive pour les temps d’épidémie

TEXTE DU SERMON

Mes biens chers frères,

Cela a tou­jours été l’habitude de l’Eglise depuis la nuit des temps en période de cala­mi­tés publiques de se tour­ner vers le Seigneur, et spé­cia­le­ment en temps d’épidémie. Ce n’est pas la pre­mière et ce n’est pas la der­nière, sans doute, de l’histoire de l’humanité. Mais les épi­dé­mies ont quelque chose tou­jours d’inquiétant puisque tels les démons, on ne voit pas ce qui vous attaque. Et donc l’Eglise se tourne vers le bon Dieu, spé­cia­le­ment par cette messe qui est très ancienne, que nous célé­brons pour deman­der au bon Dieu de nous pré­ser­ver du mal.

Ce que l’Eglise demande à Dieu

Que demande l’Eglise à l’occasion de ces prières ? Elle demande à Dieu bien sûr de repous­ser ces mala­dies qui nous attaquent ; si nous en sommes atteints, que nous la vain­quions ; si c’est l’heure de notre mort, que l’on s’y pré­pare. Mais elle ne demande pas que cela, l’Eglise, elle demande la lumière de Dieu, elle demande qu’à l’occasion de ces évé­ne­ments, qui sont tou­jours un petit peu par­ti­cu­liers, qui sont sou­vent causes de désordre social, le chré­tien mani­feste sa foi, le chré­tien mani­feste sa ver­tu qui est quel­que­fois mise à l’épreuve : manque de confiance, égoïsme, manque de cha­ri­té. Elle demande aus­si d’assister tous ceux qui spé­cia­le­ment par­mi les chré­tiens vont avoir à accom­plir dans ces moments plus dif­fi­ciles leur devoir d’état d’une manière chré­tienne, je pense spé­cia­le­ment aux méde­cins, aux infir­mières, à tous ceux qui s’occupent des malades, car cela a tou­jours été une des mis­sions de l’Eglise de se pen­cher sur ceux qui souffrent et sur les malades. L’Eglise aus­si prie pour les auto­ri­tés publiques parce que ce genre d’épreuves, ce genre de cala­mi­té, demande à ce que l’on soit gou­ver­né d’une manière droite, avec pru­dence, avec sagesse et même si nous ne par­ta­geons pas, bien loin de là, toutes les posi­tions et les opi­nions de ceux qui nous gou­vernent. Il y a des moments où nous devons deman­der au bon Dieu, comme le disait si bien saint Pierre, de les éclai­rer pour que nous puis­sions nous sou­mettre à de sages commandements.

Le sens de ces événements

L’Eglise aus­si prie pour que nous com­pre­nions le sens de ces évé­ne­ments. Notre pre­mier réflexe doit être un réflexe de regard sur­na­tu­rel et c’est cela peut-​être qui est le plus inquié­tant tout de suite, mes biens chers frères, dans les jours que nous vivons, ce n’est pas tel­le­ment cette épi­dé­mie, ce n’est pas tel­le­ment ce qui se passe, c’est de voir que dans l’Eglise c’est la peur qui est entrée, l’inquiétude et le manque de foi. Ce n’est pas le moment de vider les béni­tiers, ce n’est pas le moment de fer­mer les églises, ce n’est pas le moment de refu­ser la com­mu­nion aux fidèles ou même les sacre­ments aux malades. C’est au contraire un moment pour se rap­pro­cher de Dieu, pour com­prendre le sens de ces cala­mi­tés. De tous temps l’Eglise à l’occasion des pestes et des épi­dé­mies, a fait des pro­ces­sions publiques avec des mani­fes­ta­tions de la foi, cela a été l’occasion pour l’Eglise de prê­cher la péni­tence. Pénitence, péni­tence. Vous le savez, c’est le très beau de pas­sage de l’Ancien Testament que nous avons lu tout à l’heure dans l’épître : la faute de l’orgueil du roi David qui a vou­lu recen­ser son peuple pour avoir la satis­fac­tion de savoir qu’il diri­geait une grande nation. Et la consé­quence de cela a été la puni­tion par Dieu. Oui, parce que Dieu punit comme un père peut punir ses enfants. La puni­tion pour cet orgueil, cela a été une ter­rible épi­dé­mie, mais dès que Dieu a vu que les cœurs se retour­naient vers lui, Dieu a fait arrê­ter la ven­geance de l’ange de la maladie.

Le temps de la pénitence

C’est le temps de la péni­tence, le temps du retour à Dieu, qui que nous soyons, les justes et les moins justes, les pécheurs, tous nous devons faire péni­tence. Dieu ne châ­tie pas tou­jours et les évé­ne­ments, les cala­mi­tés, ne sont pas tou­jours cau­sés direc­te­ment par Dieu, cela peut arri­ver dans des cas excep­tion­nels, ce sont les lois de la nature qui font cela : les trem­ble­ments de terre, les épi­dé­mies. C’est les consé­quences du fait que depuis le péché ori­gi­nel l’homme n’est plus maître de tout, eh oui, l’homme n’est plus maître de tout, mes biens chers frères. Mais Dieu a dit depuis la venue de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ « je vous pro­té­ge­rais de ces cala­mi­tés publiques, je vous en pro­té­ge­rais si vous m’êtes fidèles ». Le pro­blème aujourd’hui, mes biens chers frères, ce n’est pas que nous uti­li­sions des moyens humains pour essayer de repous­ser ces cala­mi­tés, cela est tout à fait nor­mal, tout cela est dans l’ordre des choses, le pro­blème c’est que l’on dit à Dieu « laissez-​nous tran­quille, laissez-​nous contrô­ler cela ». Or le seul qui a la situa­tion « sous contrôle », comme on dit aujourd’hui, c’est bien le bon Dieu. Alors que fait Dieu ? Dieu dit : « vous ne vou­lez pas de mon aide ? eh bien débrouillez-​vous tout seul », et cela c’est la pire des choses, la pire des choses.

Tournons-​nous vers le bon Dieu

Tournons-​nous vers le bon Dieu. Comme je vous disais, ce n’est pas la pre­mière épi­dé­mie que le monde connaît, ce n’est peut-​être pas non plus la plus grave, pen­sez à la grippe espa­gnole à la fin de la pre­mière guerre mon­diale qui a fait plus de cin­quante mil­lions de morts, je dis bien de morts ! L’Eglise était en pre­mière ligne, si vous êtes un peu curieux allez voir les archives pho­to­gra­phiques de l’époque, on voit ces reli­gieuses qui allaient s’occuper des malades et qui por­taient déjà le célèbre masque dont on nous parle aujourd’hui, rien de nou­veau sous le soleil. Les chré­tiens étaient en pre­mière ligne pour pra­ti­quer la cha­ri­té, quel­que­fois au péril de leur vie, c’est l’occasion de mani­fes­ter sa foi. Pendant cette ter­rible épi­dé­mie de la grippe espa­gnole l’Eglise conti­nuait de célé­brer le culte, on uti­li­sait les sacre­ments, les sacra­men­taux, le recours à l’intercession des saints, grande tra­di­tion de l’Eglise. Il faut faire de même, mes biens chers frères, ne soyons pas, et c’est pour nous prêtres que je parle, ne soyons pas de ces mau­vais pas­teurs qui quand ils voient le loup – ou le virus… – appa­raître au loin, s’enfuient, mais soyons comme les bons pasteurs.

Victimes avec Notre-​Seigneur Jésus-Christ

Bien chers frères nous nous inter­ro­geons tou­jours quand il y a des évé­ne­ments, des catas­trophes parce que les bons sont aus­si tou­chés, non seule­ment les pécheurs, mais les bons. Je vous par­lais tout à l’heure de la grippe espa­gnole, son­gez que c’est au cours de cette grippe, qui a été ter­rible, que Jacinthe et François Marto, les deux enfants de Fatima, sont morts, dans des condi­tions assez ter­ribles, et ils ont offerts leur vie pour la conver­sion des pécheurs. Cela c’est une loi qui dure­ra jusqu’à la fin du monde, le bon Dieu a besoin de vic­times, de vic­times qui expient en union avec celui qui est la vic­time par excel­lence, Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Un jour dans l’Evangile, les apôtres inter­rogent Jésus parce qu’il y avait eu un mas­sacre dans le temple de Jérusalem, des Galiléens étaient venus pour prier, offrir le sacri­fice, et à cette occa­sion Ponce Pilate les avait fait mas­sa­crer. Cela avait « inter­pel­lé », comme on dit aujourd’hui, les apôtres et les dis­ciples de Jésus. « Quoi des hommes saints qui offrent le sacri­fice sont mas­sa­crés ? qu’ont-ils fait comme péché pour que Dieu les châ­tie de cette manière ? » De même, les apôtres ont inter­ro­gé Jésus parce qu’il y avait eu une catas­trophe à Jérusalem, une tour s’était effon­drée, la tour de Siloé, cela avait fait dix-​huit morts, et les apôtres s’étaient posés la ques­tion « qu’ont-ils fait pour mou­rir comme cela, en venant en pèle­ri­nage à Jérusalem, et être écra­sés comme cela sous une tour ? » Quelle est la réponse de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ? Notre-​Seigneur dit : « ne croyez pas qu’ils étaient plus pécheurs que les autres pécheurs, mais je vous le dis, si vous ne faîtes péni­tence, vous péri­rez tous ». Voilà ce que dit Notre-Seigneur.

Les calamités sont la conséquence des péchés

Les cala­mi­tés doivent nous faire pen­ser que si nous ne fai­sons pas péni­tence, nous péri­rons tous. Dieu est bon, il ne veut pas la mort du pécheur mais il veut qu’il se conver­tisse et qu’il vive, les cala­mi­tés publiques sont sou­vent la consé­quence des péchés des auto­ri­tés publiques, c’est ain­si. Aujourd’hui on peut s’inquiéter parce que toutes les lois mau­vaises qui se mul­ti­plient, toutes les vio­la­tions de la loi natu­relle, l’apostasie – même dans l’Eglise – que nous voyons aujourd’hui, ne peut pas lais­ser le bon Dieu indif­fé­rent. Dans l’Ancien Testament on voyait même les juifs qui pro­tes­taient auprès de Dieu quand ne les punis­sait pas, parce qu’ils disaient « mais tu ne nous aimes plus ? » Tu ne nous aimes plus… Ils pré­fé­raient le châ­ti­ment de Dieu au silence de Dieu, et le silence de Dieu est peut-​être la pire des choses. Bien chers frères, à lon­gueur de jour­née sur les pla­teaux de télé­vi­sion, on nous montre les courbes de malades ou de morts, et c’est vrai que c’est impres­sion­nant, mais n’oublions pas que, par exemple, récem­ment, dans un pays qui n’est pas si loin de nous, en Belgique, en un an trois mille per­sonnes ont été eutha­na­siées, c’est les chiffres offi­ciels, et par­mi eux des enfants eutha­na­siés. Je ne parle pas du nombre d’avortements aujourd’hui. Tout cela ce sont des péchés qui crient vers le ciel. Mes biens chers frères, il faut pen­ser à cela, il faut faire péni­tence : Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais il veut qu’il se conver­tisse et qu’il vive.

La manière traditionnelle d’aborder les épidémies

Bien chers frères, par­mi vous il y a ici des per­sonnes qui viennent peut-​être pour la pre­mière fois, j’en ai ren­con­tré quelques-​unes cette semaine, et les prêtres de cette paroisse aus­si. Des per­sonnes à qui on a refu­sé la com­mu­nion dans les églises parce qu’ils la récla­maient selon la manière tra­di­tion­nelle dans la bouche, et ils viennent ici parce qu’ils veulent com­mu­nier. On voit là la fai­blesse, pour ne pas dire plus, des res­pon­sables dans l’Eglise, pas tous, heu­reu­se­ment. Il n’y a pas plus de risque de pro­pa­ga­tion du virus en com­mu­niant dans la bouche qu’en com­mu­niant dans la main, d’ailleurs un évêque, heu­reu­se­ment, il y en a encore quelques-​uns, un évêque aux Etats-​Unis l’a rap­pe­lé dans une lettre à ses fidèles, il a dit : « j’ai consul­té un comi­té d’experts, de méde­cins, avant de faire cette lettre et ils disent bien qu’il n’y a pas plus de dan­ger de pro­pa­ga­tion ain­si ». La com­mu­nion n’est pas source de mort, la com­mu­nion est la source de vie. Il y a un droit qui a été rap­pe­lé il y a quelques années encore par le Saint-​Siège, il y a un droit pour les fidèles à rece­voir la com­mu­nion dans la bouche, on ne prive pas de sacre­ments ceux qui sont dans la cala­mi­té. Donc je leur dis : vous êtes ici chez vous parce que vous trou­ve­rez ici tou­jours la manière habi­tuelle, tra­di­tion­nelle, de l’Eglise d’aborder les épi­dé­mies. Confions-​nous aus­si à la médaille mira­cu­leuse, portez-​la, faîtes-​la por­ter, c’est un rem­part contre toutes les ten­ta­tions du démon. Tout à l’heure, après cette messe, vous aurez la pos­si­bi­li­té pour ceux qui le veulent, de venir à la table de com­mu­nion pour rece­voir la béné­dic­tion avec des reliques que nous avons, il y a entre autres des reliques de saint Pie X, saint Pie V, le saint curé d’Ars, notre cher saint curé d’Ars, et saint Jean-​Eudes, il y a aus­si une relique de saint Thomas d’Aquin que l’on fête aujourd’hui. Ce ne sont pas des gris-​gris mais c’est pour rece­voir la pro­tec­tion de ces saints, pour vivre chré­tien­ne­ment, pour sup­por­ter la mala­die et pour en être pro­té­gés si c’est la volon­té de Dieu.

Redevenir comme des enfants

Je ter­mi­ne­rais juste en vous disant que cette mala­die a une par­ti­cu­la­ri­té telle qu’on la voit aujourd’hui, c’est qu’il semble qu’elle ne touche pas, ou du moins pas gra­ve­ment, les enfants. Il y a peut-​être là un signe de Dieu puisque dans l’Evangile Jésus-​Christ nous dit : « si vous ne rede­ve­nez pas comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux ». Ne pas entrer dans le royaume des cieux c’est être dam­nés, c’est cela le pire des périls, c’est cela la pire des calamités.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Abbé Denis Puga

Sermon pro­non­cé le same­di 7 mars 2020 en l’église Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet (Paris Ve) pour la messe votive « en temps d’épidémie »

Sources : Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet /​La Porte Latine du 10 mars 2020