La FSSPX devient propriétaire de la chapelle Ste Espérance à La Rochelle

Cet été, la Fraternité est deve­nue pro­prié­taire d’un lieu de culte qu’elle ne fai­sait jus­qu’a­lors que des­ser­vir. Cet évé­ne­ment est l’oc­ca­sion de reve­nir sur l’his­toire éton­nante d’une cha­pelle dont l’in­té­rieur compte par­mi les plus beaux ‚fleu­rons des centres de messe de la Fraternité. Le pré­sident de l’as­so­cia­tion qui regroupe les fidèles de la cha­pelle nous a accor­dé un entretien.

Entretien avec Jean-​Marc de Lacoste-Lareymondie

Merci d’a­voir accep­té cet entre­tien. Vous devez être satis­fait d’a­voir à La Rochelle une si belle chapelle… 
En effet. Elle est de style gothique et date du xixe siècle puisque, dans l’im­meuble qui contient cette cha­pelle, c’est en 1855 qu’a été fon­dé le couvent de la Sainte-​Famille. Il n’a pas eu une bien longue vie, puis­qu’en 1870 ce couvent a été dissous !

Le retable est par­ti­cu­liè­re­ment beau… 
C’est en par­ti­cu­lier ce retable néo­go­thique qui a méri­té que la cha­pelle soit clas­sée ins­crite dans sa tota­li­té à l’Inventaire sup­plé­men­taire des Monuments historiques.

Quand les fidèles ont-​ils décou­vert ce lieu de culte ?
Dans les années 1975. Parmi les catho­liques de Tradition qui, à La Rochelle, se sont effor­cé de fon­der un centre de messe, deux familles ont eu alors un rôle majeur : les familles Brumauld des Houlières et Bouchet. Ces foyers ont acquis un han­gar dans la péri­phé­rie de la ville, à Laleu. Avec l’aide de Pierre Loizeau, elles l’ont amé­na­gé et c’est ain­si qu’est née la cha­pelle Saint-​Michel. Les lec­teurs de Fideliter, s’ils se sou­viennent du numé­ro 198 (novembre(décembre 2010, p. 60), savent que l’ab­bé Robert Bertrand a appor­té son concours à La Rochelle : c’est lui qui, le pre­mier, a des­ser­vi cette nou­velle cha­pelle. Il s’est même ins­tal­lé sur place. Et, comme tou­jours, la messe tra­di­tion­nelle attire les âmes : des familles sont venues gros­sir nos troupes, en par­ti­cu­lier les familles Belleville (dont l’un des fils est sémi­na­riste à Écône), Debect, Meugniot (leur fils est prêtre à l’é­cole Saint-​Bernard), et notre propre famille (qui a don­né aus­si un prêtre à la Fraternité !)

Puisque vous nom­mez les voca­tions, n’oubliez-​vous pas l’ab­bé Régis Babinet ? 
Il est vrai qu’il a célé­bré sa pre­mière messe dans la cha­pelle Saint-​Michel. Cependant, sa voca­tion est anté­rieure à la nais­sance de celle-​ci. La famille Babinet vient de La Rochelle. Ajoutons que les fidèles ain­si réunis se sont très vite déci­dé à créer une asso­cia­tion, et si je vous dis qu’elle a pris le nom de saint Pie X, vous ne serez pas plus éton­né que cela…

Quand avez-​vous quit­té le centre de messe Saint-​Michel pour cette chapelle ? 
La Providence a fait que, assez vite après notre ins­tal­la­tion dans la cha­pelle de Laleu, l’im­meuble de La Rochelle (et cette belle cha­pelle à l’in­té­rieur) a été l’ob­jet d’un héri­tage, puis d’un pro­jet de vente. Je passe sur les péri­pé­ties admi­nis­tra­tives qui ont mar­qué cette période et les ini­tia­tives éner­giques de per­sonnes pers­pi­caces… Bref, l’as­so­cia­tion Saint- Pie X est deve­nue en 1981 loca­taire de la cha­pelle, l’im­meuble appar­te­nant à une socié­té d’Habitations à Loyers Modérés, dont le pré­sident était… mon père, Alain de Lacoste de Lareymondie.

C’est alors que la com­mu­nau­té des fidèles a quit­té la cha­pelle Saint-​Michel pour s’ins­tal­ler dans cette nou­velle cha­pelle, Notre-​Dame de l’Espérance. 
C’est cela. L’abbé Bertrand nous a quit­tés pour s’ins­tal­ler à Grandjean, près de Saintes. Or il connais­sait un autre prêtre, l’ab­bé Ernest Sire qui, comme l’ab­bé Bertrand, fai­sait par­tie des âmes sacer­do­tales errantes après la tour­mente conci­liaire et la réforme litur­gique. L’abbé Sire ne vou­lait pas se résoudre à se reti­rer si tôt du minis­tère, et il n’é­tait pas ques­tion qu’il célé­brât une messe autre que celle qu’il avait tou­jours célé­brée. D’ailleurs, il avait déjà « don­né le coup de main » à l’ab­bé Bertrand dans son apos­to­lat. Bref, l’as­so­cia­tion Saint-​Pie X a, en bonne et due forme, recueilli l’ab­bé Sire. Dieu aidant, nous n’a­vons pas man­qué de prêtres pour offrir les saints mystères.

La situa­tion était encou­ra­geante car, même si l’im­meuble n’ap­par­te­nait pas à l’as­so­cia­tion, c’est votre père qui était pré­sident de la socié­té qui l’exploitait. 
Il l’a été jus­qu’en 1990. Après son départ, je suis moi-​même deve­nu, à cette date, direc­teur géné­ral de cette socié­té, après m’être ins­tal­lé, où jus­qu’a­lors je ne me ren­dais que pour les vacances. Très vite, le pré­sident de l’as­so­cia­tion Saint-​Pie X, René de Belleville (il a aus­si une fille reli­gieuse à Fanjeaux), m’a pro­po­sé de le rem­pla­cer. Cinq ans après, avec l’ac­cord très aimable du pré­fet, l’as­so­cia­tion a ache­té la cha­pelle à la socié­té d’HLM, qui est res­tée pro­prié­taire du reste de l’immeuble.

Est-​elle tou­jours propriétaire ? 
Non : c’est l’heu­reuse nou­velle qu’il faut annon­cer. Depuis 2010, l’ab­bé Sire, qui nous a ren­du tant de ser­vices pen­dant de longues années, n’a plus eu la force de rem­plir cer­taines tâches du minis­tère. La Fraternité a pris pro­gres­si­ve­ment le relais. Et, tout natu­rel­le­ment, l’as­so­cia­tion Saint- Pie X a cédé la cha­pelle à la Fraternité du même nom. La ces­sion a été ache­vée en juin der­nier. À pré­sent la cha­pelle est des­ser­vie par les prêtres du prieu­ré des Fournils, les abbés Pierre de Maillard et Laurent Ramé.

L’abbé Sire a‑t-​il ces­sé alors tout ministère ? 
Je ne vous appren­drai pas que, par la sainte messe qu’il célèbre et par la prière, il conti­nuait d’as­su­rer le plus pré­cieux des minis­tères. Mais ce n’est pas tout : il a des­ser­vi aus­si l’île de Ré, pen­dant un temps.

La messe est donc célé­brée sur cette île ? 
Cela fai­sait bien une dizaine d’an­nées que, dans une mai­son fami­liale que nous pos­sé­dons sur l’île, l’ab­bé Sire célé­brait la messe tous les dimanches de juillet et d’août. Une cen­taine de per­sonnes cen bénéficiait.

Parmi elles, quelques habi­tants de l’île nous ont dit un jour : « Allons, allons, avec une telle assis­tance, il faut que la messe soit dite non plus chez vous mais dans une vraie cha­pelle !»

Une vraie cha­pelle… ne peut dépendre que de l’é­vêque. Or, l’é­vêque, nous allions le voir, M. Meugniot et moi-​même, chaque année, quel que soit l’ac­cueil qui nous était réser­vé, et l’ac­cueil n’é­tait pas tou­jours des plus chaleureux.

Les choses ont chan­gé avec l’ac­tuel ordi­naire de La Rochelle et Saintes, Mgr Bernard Housset. Nous l’a­vons ren­con­tré une pre­mière fois. La conver­sa­tion s’est bien pas­sée et a duré deux heures. Je lui ai par­lé de l’île de Ré et par­ti­cu­liè­re­ment de la cha­pelle Saint- Sauveur. Il s’a­git d’un fort beau lieu de culte, inuti­li­sé, qui domine une falaise et se dégrade peu à peu. Il est situé à La Noue, dans la com­mune de Sainte-​Marie de Ré.

Mgr Housset, après nous avoir écou­tés, nous a répon­du qu’il connais­sait les ques­tions rela­tives à la Tradition, que l’ab­bé Sire était l’un de ses prêtres et qu’il nous consi­dé­rait comme une paroisse.

A‑t-​il accé­dé à votre demande rela­tive à la cha­pelle Saint-Sauveur ?
Il nous a d’a­bord deman­dé à qui nous son­gions pour célé­brer la messe. Nous pen­sions à l’ab­bé Sire. Il a alors répon­du qu’il allait consi­dé­rer la chose. Finalement la cha­pelle a été mise à notre dis­po­si­tion, tous les dimanches de l’é­té. Pendant trois ans, tout s’est très bien pas­sé. L’affluence n’a pas man­qué. Plusieurs per­sonnes, qui n’al­laient pas à la messe tra­di­tion­nelle jus­qu’a­lors, s’y sont rendues.

Vous par­lez au passé… 
Oui, parce qu’au bout de trois ans, l’ab­bé Sire a expli­qué qu’il pré­fé­rait célé­brer les saints mys­tères dans l’an­cien lieu de culte, c’est-​à-​dire dans notre mai­son fami­liale. Il s’y sen­tait davan­tage « chez lui », d’au­tant plus qu’il alter­nait son ser­vice domi­ni­cal avec des prêtres de la Fraternité de pas­sage dans l’île de Ré, pour les vacances. Cela pro­vo­quait quelques dif­fi­cul­tés avec l’évêque.

Celui-​ci a par ailleurs don­né des signes de bien­veillance : il a notam­ment mis à notre dis­po­si­tion une grande église de La Rochelle pour le décès de mon père et de ma mère, décé­dés à un jour de dis­tance. C’est l’ab­bé Bernard de Lacoste qui a pu offrir le saint sacrifice.

Depuis 2010, la messe n’est plus célé­brée dans la cha­pelle Saint-​Sauveur. Peut-​être que cela rede­vien­dra pos­sible. Quoi qu’il en soit, désor­mais, la Fraternité Saint-​Pie X pos­sède une belle cha­pelle dans le centre de La Rochelle, et c’est une très, très bonne chose.

Extrait de Fideliter n° 206 de mars-​avril 2012