La Porte Latine : Monsieur l’abbé Lorans, pourquoi cette nouvelle chapelle à Lizy-sur-Ourcq ?
Abbé A. Lorans : Tout d’abord parce que, depuis près de deux ans, la Fraternité Saint-Pie X n’avait plus la possibilité de desservir la chapelle du château de La Trousse où la messe fut célébrée dès 1981. Ensuite parce que dans le vaste diocèse de Meaux nous avons bien une chapelle au sud, à Samoreau, près de Fontainebleau, mais rien au centre du département. Les plus proches lieux de culte traditionnel sont Noisy-le-Grand en banlieue parisienne et Reims dans la Marne. Il y avait donc un vide à combler.
D’autant plus qu’après le Motu Proprio, Mgr de Monléon a parcimonieusement concédé une messe traditionnelle par mois, dans une chapelle de Meaux. Là, les plus convaincus des paroissiens de La Trousse ont déclaré qu’il était hors de question pour eux d’être des fidèles de la Tradition à temps partiel, et d’aller à la messe moderne trois fois sur quatre.
Nous avons bien essayé, pendant plus d’un an, d’obtenir une église de village, car dans ce diocèse, comme partout en France, les curés ont souvent à desservir chacun une vingtaine ou une trentaine de paroisses, et beaucoup d’églises sont fermées. Des maires nous ont dit qu’ils seraient heureux de voir réouvertes ces églises qu’ils entretiennent avec les deniers de leurs administrés. Mais l’évêque de Meaux, comme celui d’Amiens, préfère une église vide plutôt qu’une église qui servirait à ce pour quoi elle a été édifiée : la célébration de la messe traditionnelle ! Tel est le fruit de ces 40 dernières années : plus l’Eglise conciliaire s’ouvre au monde moderne, plus elle ferme d’églises.
Quel apostolat y a‑t-il eu à La Trousse ?
Depuis 1981, une à deux fois par mois, la messe était célébrée dans la chapelle de ce château du Second Empire. Un jour, les propriétaires l’ont vendu, mais nous avons pu conserver l’usage de la chapelle pendant quelques années grâce à la bienveillance des nouveaux co-propriétaires. Puis il a fallu quitter les lieux, il y a un peu moins de deux ans.
Nous réunissions entre 30 et 50 fidèles de la région et des départements voisins. J’ai pu y célébrer des baptêmes, des communions solennelles et des fiançailles. Mais le fait d’avoir à entrer dans une propriété privée a dû dissuader plus d’un fidèle. En outre, l’absence d’une messe tous les dimanches rendait cette communauté quelque peu volatile.
Qui sera le desservant de Lizy-sur-Ourcq ?
L’abbé Christophe Legrier qui est professeur à l’école Saint-Bernard de Courbevoie et moi-même, nous nous partagerons ce ministère. Nous espérons pouvoir renforcer l’assistance grâce à la régularité dominicale. Dans ce local loué où nous serons chez nous, il sera plus facile de proposer des confessions, une formation pour les enfants de chœur, et peut-être même du catéchisme. A La Trousse, nous ne disposions de la chapelle que pour le temps de la messe.
Comment voyez-vous le développement de la Fraternité ?
Il est certain que malgré ou à cause du Motu Proprio, la majorité des évêques de France ne montre guère d’enthousiasme à favoriser la célébration de la messe traditionnelle. Je dis « à cause du Motu Proprio », parce que beaucoup d’évêques voient dans cette décision du pape – comme dans le décret du 21 janvier - un recul, une perte des acquis de Vatican II. Aussi ont-ils tendance à s’arc-bouter sur ces prétendus acquis dont ils ne veulent pas voir qu’ils sont en réalité des pertes en vocations, en pratique sacramentelle, en fréquentation du catéchisme.
Dès lors, la Fraternité doit maintenir inchangée sa ligne de conduite. C’est une question de patience : ils ont les églises, et nous avons les fidèles… en nombre toujours croissant, comme l’ont magnifiquement montré les 20.000 pèlerins de Lourdes, l’an passé. Bientôt nous atteindrons un seuil critique, en particulier pour les vocations lorsqu’il n’y aura plus que 5 à 6 000 prêtres pour toute la France. Et ce sera dans quelques années seulement. Les évêques le savent et le taisent : c’est la pastorale de l’autruche. Pourtant quelques-uns d’entre eux ne veulent pas garder la tête enfouie dans le sable. Ils la relèvent et ils voient nos chapelles, aujourd’hui Lizy-sur-Ourcq, bientôt la rue Gerbert à Paris. C’est le plus grand service que la Fraternité puisse rendre à l’Eglise : offrir l’expérience de la Tradition. Chacune de ces chapelles prouve que la Tradition est l’avenir, alors que le progressisme post-conciliaire est déjà un passé décomposé.
LPL : Merci à Monsieur l’abbé Lorans, dont le temps est compté plus que de coutume en ce moment, d’avoir répondu si gentiment à nos questions et d’avoir si finement résumé « l’état des lieux » de l’Eglise en France en 2009…