Acim 11/​12/​09 – Révision des lois de Bioéthique. Un coup d’épée dans l’eau ?

Après avoir consi­dé­ré la « taxe car­bone » comme un choix his­to­rique de la France, Nicolas Sarkozy a décla­ré : « Cette taxe pro­voque des débats et c’est nor­mal. C’est une grande réforme comme la déco­lo­ni­sa­tion, l’é­lec­tion du pré­sident de la République au suf­frage uni­ver­sel, l’a­bo­li­tion de la peine de mort et la léga­li­sa­tion de l’a­vor­te­ment ». Confusion des genres. Après cette brillante décla­ra­tion, on peut tout attendre de la révi­sion des lois concer­nant la bioé­thique. Laquelle doit inter­ve­nir au début de l’an­née 2010.

Dans trois grandes villes de France ont été orga­ni­sés des Etats Généraux de la bioé­thique, his­toire de dire que tous les Français étaient invi­tés à s’ex­pri­mer. Bien sûr on s’est bien gar­dé, à quelques excep­tions près, d’in­vi­ter les défen­seurs de la vie. Vaste pan­ta­lon­nade à l’u­sage des naïfs. Un peu comme sur Internet où cer­tains sites demandent l’a­vis des uns et des autres par l’in­ter­mé­diaire de son­dages (Le Figaro, Portail Orange etc.). Mais en réa­li­té il semble que les marques aient déjà été don­nées par un rap­port daté du 6 avril der­nier : il émane du Conseil d’Etat fixant les limites de l’ac­cep­table, his­toire de rap­pe­ler qu’il existe et qu’en cas de recours à lui, il sait ce qu’il dira, à moins de se déju­ger. Ce texte concerne plu­sieurs sujets comme les soins pal­lia­tifs, les dons d’or­ganes, le don des gamètes. En matière d’eu­tha­na­sie, il se réfère en gros à la loi Leonetti qui en prin­cipe rejette toute eutha­na­sie ; mais il a l’in­con­vé­nient de consi­dé­rer l’hy­dra­ta­tion par voie paren­té­rale ain­si que l’a­li­men­ta­tion comme fai­sant par­tie des soins rele­vant de la thé­ra­peu­tique. En clair il est pos­sible de lais­ser mou­rir une per­sonne de faim et de soif, alors qu” une récente décou­verte démontre que les coma­teux pro­fonds conti­nuaient d’a­voir une vie sen­si­tive. Ce que ne savait certes pas Monsieur Leonetti. Nonobstant cette ques­tion, il est assez extra­or­di­naire que ce dépu­té UMP, ex-​radical, ait entraî­né fin 2008 une remon­trance de l’ONU à la Hollande concer­nant les condi­tions d’ap­pli­ca­tion de l’eu­tha­na­sie aux Pays-​Bas. Les per­sonnes âgées, de peur d’être eutha­na­siées, vont se réfu­gier en Westphalie ou en Rhénanie. Par ailleurs, la gauche vient de faire une fois de plus une ten­ta­tive pour léga­li­ser tant l’eu­tha­na­sie, que le sui­cide assisté.

Non au clonage

Le Conseil d’Etat, dans des cha­pitres bien construits, n’é­voque pas la ques­tion de l’a­vor­te­ment consi­dé­rée comme acquise. Il consi­dère que le sta­tut de l’embryon pose pro­blème dans la mesure où ce der­nier est une vie humaine poten­tielle. Ce fai­sant, tout en ava­li­sant la recherche consi­dé­rée comme légi­time, il en exclut la créa­tion. Donc, exit le clo­nage. Il prend acte des poten­tia­li­tés que de telles recherches peuvent entraî­ner. Il consi­dère que le régime actuel per­met­tant de tra­vailler sur les embryons en déshé­rence est satis­fai­sant. Il en est de même pour les cel­lules souches embryon­naires qui en sont issues et dont l’ef­fi­ca­ci­té est dou­teuse.. Mais il faut lire entre les lignes. En réa­li­té ce type de recherche est confié à Pechanski dans le cadre de l’INSERM et de l’ISTEM (finan­cé par le Téléthon). Il vient de connaître un échec cui­sant en gref­fant ce type de cel­lules sur des patients atteints de la mala­die de Huttington (ou danse de saint Guy) : une effroyable mala­die carac­té­ri­sée par des mou­ve­ments bru­taux et incon­trô­lés des membres. Après un mieux, les patients sont morts d’une can­cé­ri­sa­tion des dites cel­lules. Il vient éga­le­ment de décla­rer avoir réus­si, à par­tir de cel­lules souches embryon­naires (de sou­ris), à refaire des lam­beaux de peau. Quid de la can­cé­ri­sa­tion ? Quid du rejet ? Pas un mot. Or depuis long­temps on cultive des frag­ments de peau saine de brû­lés. Et conjoin­te­ment la Fondation Lejeune a ren­du compte de deux suc­cès dans le domaine de répa­ra­tion épi­der­mique des brû­lés : l’une à par­tir de cel­lules de moelle osseuse, l’autre à par­tir des cel­lules souches du cor­don ombi­li­cal tout sim­ple­ment injec­tées in situ.

L’élimination des plus faibles

Après cette réponse en demie teinte, est abor­dée la ques­tion du diag­nos­tic pré­na­tal. Il s’a­git en réa­li­té de ponc­tions de liquide amnio­tique des­ti­nées à recueillir des cel­lules fœtales en sus­pen­sion, puis de les exa­mi­ner. La sanc­tion en cas d’a­no­ma­lie grave ou de mala­die incu­rable entraîne l’a­vor­te­ment en géné­ral tar­dif, bon gré, mal gré. Telle est la loi actuelle. En pra­tique quand Frydman se vante de faire des avor­te­ments tar­difs sur des pieds bots ou des fentes pala­tines, il ne res­pecte aucune des condi­tions. Mais il a beau jeu de dire que les termes sont impré­cis. Et sa noto­rié­té le met au-​delà de toute pour­suite judi­ciaire. Qui y aurait inté­rêt ? En tous cas, ni la famille, ni l’Etat, ni sa propre poche dans la mesure où il peut deman­der des hono­raires hors conven­tion. Et effec­ti­ve­ment les termes d” « ano­ma­lie grave et de mala­die incu­rable » sont flous. Un exemple simple : le dia­bète est une mala­die grave et incu­rable se conten­tant de la soi­gner et non de la gué­rir. Enfin, his­toire de dire qu’il est au cou­rant, le Conseil d’Etat men­tionne la prise de sang per­met­tant de dépis­ter les pro­ba­bi­li­tés de tri­so­mie chez l’en­fant in ute­ro. Il conseille de la pra­ti­quer au plus tôt. Traduction : tant qu’à faire, mieux vaut tuer tôt que tard.

Un eugé­nisme qui n’ose s’affirmer

Assez bizar­re­ment il est men­tion­né par le Conseil d’Etat que l’ho­mo­pa­ren­ta­li­té (donc l’a­dop­tion d’en­fants par des homo­sexuels) est une option accep­table. Rien d’é­ton­nant qu’un humo­riste ait qua­li­fié cette ins­ti­tu­tion de Conseil des Tatas. Mais la pro­créa­tion médi­ca­le­ment assis­tée ne sau­rait inter­ve­nir dans ce cas de figure. De plus rien n’est écrit sur la ques­tion des mères por­teuses. Enfin, sur la ques­tion du diag­nos­tic pré­im­plan­ta­toire (pré­lè­ve­ment de cel­lules sur l’embryon pour détec­ter une ano­ma­lie fœtale), le Conseil d’Etat évoque l’eu­gé­nisme qui tout compte fait serait sou­mis à l’ap­pré­cia­tion des géni­teurs. Dans le fond un eugé­nisme indi­vi­duel dont l’Etat se ferait l’exé­cu­teur, mais lais­sant la liber­té de choix aux parents.

Que va-​t-​il se pas­ser main­te­nant. Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, s’est pro­non­cée contre l’ex­ten­sion de la recherche sur les embryons. Sarkozy n’est pas favo­rable aux mères por­teuses. Aimant les per­son­na­li­tés de gauche comme on le sait, il a écou­té la femme de Jospin. Ceci explique pro­ba­ble­ment cela. Mme Agazinski, psy­cha­na­lyste, y est for­mel­le­ment oppo­sée. Ainsi, compte-​tenu de ce que nous savons pré­sen­te­ment, la révi­sion des lois de bioé­thique appa­raît plu­tôt comme un coup d’é­pée dans l’eau.

Les envies du Pr René Frydman

Pourtant il n’est pas impos­sible que la demande de géné­ra­li­sa­tion du diag­nos­tic pré­im­plan­ta­toire deman­dée par Frydman soit prise en compte. Le père du pre­mier bébé éprou­vette pré­co­nise sa géné­ra­li­sa­tion. Le nombre de fécon­da­tions in vitro1 est de l’ordre 150.000 par an à 5000 euros l’u­ni­té. A cette dépense s’a­joute la prise en charge des pré­ma­tu­rés nés de cette tech­nique : les réduc­tions embryon­naires sur gros­sesses mul­tiples, les tumeurs variées, notam­ment can­cé­reuses dont peuvent être atteints les nouveau-​nés, les soins des mal­for­ma­tions diverses (becs de lièvre, atteintes diges­tives et car­diaques, retards men­taux). Toute une patho­lo­gie liée pré­ci­sé­ment à cette manière de faire qui brise la nature. Or la fécon­da­tion in vitro n’ob­tient de résul­tat posi­tif que dans 17 % des cas. Il faut aus­si comp­ter l’argent dépen­sé à gar­der les embryons sur­nu­mé­raires, les recherches des parents devant don­ner leur accord pour que l’embryon soit uti­li­sé pour la recherche, les dépres­sions mater­nelles liées aux échecs etc. Cet achar­ne­ment pro­créa­tif, selon les pro­pos de Jean-​François Mattei et Axel Kahn, a un coût abso­lu­ment astro­no­mique de l’ordre de deux mil­liards d’eu­ros repré­sen­tant 10% du défi­cit de la Sécurité Sociale, laquelle ferme les yeux sur les fécon­da­tions mul­tiples ou de femmes âgées dont l’es­pé­rance de pro­créa­tion est infime.

Finalement ce sera des consi­dé­ra­tions finan­cières qui règle­ront la vie ou la mort des plus petits d’entre les humains.

Dr. Jean-​Pierre DICKES

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  1. Le Cahier Saint Raphaël venant de paraître traite pré­ci­sé­ment de la Fécondation In Vitro []