Entretien du Fr. Paul Marie sur ses quatre ans passés en France – Oct. 2009

Une vocation de Frère-Enseignant

Le Saint Pie : Vous ren­trez, mon Frère, d’un séjour de 4 ans en Europe, Pourriez-​vous nous en livrer la rai­son et le bilan ?

Le Frère : Dès mon entrée au novi­ciat, j’avais confié au Père Groche mon inté­rêt pour l’enseignement. C’est alors qu’il déci­da qu’une fois Frère j’irai étu­dier à l’Institut Universitaire Saint Pie X (I.U.S.P.X), afin d’obtenir quelques diplômes devant me per­mettre d’enseigner aisé­ment au Juvénat. Je suis donc de retour après trois ans d’études. A l’issue, une licence d’Etat en Philosophie et un par­che­min en pédagogie.

SP : Vous par­lez de trois années à l’Institut, pour­tant vous en comp­tez 4 en France. Pourquoi une année blanche ?

F : Cela s’explique par la pru­dence des Supérieurs. Entamer la réa­li­sa­tion d’un pro­jet de taille, en même temps qu’il découvre l’Europe, peut être pré­ju­di­ciable à un Africain, sur­tout reli­gieux. Une année d’adaptation s’est donc révé­lée néces­saire. Je l’ai pas­sée entiè­re­ment au Séminaire de Flavigny, qui m’a ser­vi de rési­dence durant tout mon par­cours. J’en ai tiré un énorme pro­fit spi­ri­tuel dans le cadre de ces études. Je sai­sis cette occa­sion pour remer­cier M. l’abbé Patrick Troadec, ses col­la­bo­ra­teurs, tous les Frères et Séminaristes, dont je garde un très bon souvenir.

SP : L’Institut Saint Pie X, c’est quoi ?

F : L’Etablissement fut fon­dé en 1980 par Mgr. Lefebvre, aidé de quelques intel­lec­tuels : ce fut comme une « opé­ra­tion sur­vie » de l’intelligence. Situé au cœur de Paris, l’institut reçoit une soixan­taine d’étudiants chaque année, répar­tis dans les diverses filières : Histoire, Lettres Classiques et Philosophie. Une for­ma­tion des Maîtres est pro­po­sée à ceux qui dési­rent ensei­gner après leurs études. Le Recteur, M. l’abbé Philippe Bourrat est entou­ré d’un corps admi­nis­tra­tif et pro­fes­so­ral dévoué et compétent.

SP : Vous pré­sen­tez l’IUSPX comme une opé­ra­tion sur­vie de l’intelligence ; quelle est la dif­fé­rence avec les autres uni­ver­si­tés ?

F : Le but de l’intelligence, est de connaître la véri­té : véri­té des faits his­to­riques, véri­tés du patri­moine cultu­rel clas­sique, et véri­té de l’être des choses. Celui de l’université est de dis­po­ser les étu­diants à décou­vrir et appro­fon­dir ces véri­tés natu­relles en tant qu’elles doivent mener à leur Auteur et aux véri­tés sur­na­tu­relles. Or c’est ici que l’on constate une scis­sion entre l’enseignement tra­di­tion­nel don­né à l’Institut et celui des autres uni­ver­si­tés, qui ont volon­tai­re­ment choi­si le refus moderne de la réa­li­té. Le natu­ra­lisme, le sub­jec­ti­visme, l’indifférentisme, l’athéisme… et bien d’autres fléaux en sont les consé­quences néfastes. L’Institut se pose donc comme le bas­tion où l’intelligence trouve une pen­sée fon­dée sur la réa­li­té, et conforme au mode d’emploi don­né par le Créateur : Rien en elle qui ne soit d’abord pas­sé par le sens.

SP : Venons-​en à la jour­née d’un étu­diant, com­ment s’organise-t-elle ?

F : C’est une jour­née bien rem­plie et riche. Elle est par­ta­gée entre l’étude, la prière et la récréa­tion. Les cours ont lieu le matin et l’après-midi (8 heures par jour en moyenne). La sainte Messe, offerte à la mie jour­née, per­met aux étu­diants d’entretenir leur vie inté­rieure et d’implorer de nou­velles lumières à la Source de toute véri­té. Les fes­tins et détentes cultu­rels sont l’occasion de regrou­per les étu­diants autour de leur Recteur. L’ambiance est très familiale.

SP : Pour en venir à vos études de Philosophie : c’est quoi la Philosophie ?

F : La Philosophie est l’amour de la sagesse. La sagesse est cette opé­ra­tion de l’intelligence, par laquelle nous connais­sons toute chose par ses causes les plus hautes. Elle n’est pas une simple recherche ni même un ensemble d’opinions diverses, comme le pensent cer­tains. Saint Thomas d’Aquin, le Docteur Commun, dit que « la Philosophie a pour but non de savoir ce que les hommes ont pen­sé, mais quelle est la véri­té des choses ». A l’Institut, les études de Philosophie ne font pas que rem­plir l’intelligence, mais la forme pour pen­ser juste : c’est la Philosophie Réaliste et Thomiste.

SP : Vous exer­ce­rez désor­mais au Juvénat, quelle sera votre charge ?

F : Pour com­men­cer, je m’occuperai des classes du Primaire. Je devine que cer­tains y ver­ront un sous-​emploi. Je leur répon­drai par ce conseil du même Docteur Angélique : « Entre dans la mer par les petits ruis­seaux, car c’est par les plus faciles qu’il convient d’arriver aux plus dif­fi­ciles ». De plus, j’y vois la Volonté de Dieu qui s’exprime à tra­vers les choix et déci­sions des Supérieurs. Ils connaissent le but et moi je ne suis qu’un ins­tru­ment dans les mains de l’Eglise.

SP : Pensez-​vous que votre exemple atti­re­ra d’autres jeunes à cette vocation ?

F : C’est ce que je sou­hai­te­rais. Cependant il faut que les jeunes viennent non pour cher­cher le pres­tige mais pour ser­vir Dieu en pre­mier. En bref ils doivent dési­rer être Frère-​enseignant et non enseignant–Frère. C’est-à-dire mettre leurs apti­tudes intel­lec­tuelles au ser­vice de l’Eglise, et non l’inverse. Je les invite donc à s’engager géné­reu­se­ment, d’autant que ce pro­jet de Frères–enseignants tient à cœur au Supérieur Général, Mgr Fellay.

SP : Une ques­tion d’actualité du Pays. Vous êtes arri­vé en pleine cam­pagne élec­to­rale, à pré­sent le nou­veau Président est connu, quel est votre point de vue comme reli­gieux gabonais ?

F : Ce scru­tin pré­si­den­tiel a été un moment impor­tant pour notre nation. Prions aus­si la Sainte Vierge, Reine du Gabon.

SP : Quels sont les meilleurs sou­ve­nirs que vous gar­dez d’Europe ?

F : De façon géné­rale, les magni­fiques pay­sages natu­rels, les somp­tueux édi­fices : églises et bâti­ments pro­fanes. Plus par­ti­cu­liè­re­ment, la fougue des Allemands, la cha­leur des Italiens, la rigueur des Suisses, la sim­pli­ci­té des Belges, et la fier­té des Français.

Propos recueillis à Libreville pour le Saint Pie – Octobre 2009