Depuis la rentrée de septembre, le pape François, pour sa part, a lancé deux pavés dans la haute mer catholique. Tant sur l’éthique et que sur l’immigration, il n’y aurait plus « un » modèle catholique et absolu de société ou de morale. L’Église servante devrait au contraire « accompagner » les évolutions de société sans la surplomber.
Venues du Vatican, deux vagues contradictoires affleurent ces jours-ci sur les rives de l’actualité religieuse. L’une est fracassante, très sonore car elle se nourrit – fait inédit – de la contestation publique du pape François.
L’autre est puissante parce qu’elle confirme, sans concession et sans appel désormais, deux orientations fondamentales du pontificat actuel à propos de l’immigration et de la morale.
Il est difficile de discerner dans ce débat ce qui ne sera qu’une écume et ce qui s’imposera comme une irréversible lame de fond : la révolution François ou une « réaction » ? Dans tous les cas, ces polémiques instillent le doute chez un public qui n’a jamais dérogé à une règle d’or du catholicisme : la fidélité et l’obéissance au pape. Chez une bonne partie des fidèles et du clergé, la confusion s’installe.
Bien sûr, l’Église catholique en a vu d’autres. Il est déjà arrivé qu’un pape soit contesté par une frange de catholiques, mais c’était alors de façon discrète. Or cette fois-ci un écart se creuse entre l’immense popularité de François hors de l’Église et l’apparition de doutes à l’intérieur.
Dernière remarque : l’analyse réelle de ce qui se passe au sein de l’Église catholique est faussée par la mécanique des réseaux sociaux. Par jeu de miroirs et de répétitions, par controverses de niveau archaïque, « j’aime/j’aime pas », « pour/contre » ces « informations » peuvent conférer une illusion d’importance à ce qui émane de petits groupes de pression fort bien organisés. Or l’Église catholique a une texture sociale, historique et internationale d’une telle ampleur qu’elle se situe très au-delà des dernières émotions de salon.
Depuis la rentrée de septembre, le pape François, pour sa part, a lancé deux pavés dans la haute mer catholique. Sur l’immigration, il a critiqué publiquement le 22 septembre les catholiques qui manqueraient de générosité. S’il a exprimé son inquiétude face aux « signes d’intolérance, de discrimination et de xénophobie » en Europe, le Pape s’est dit « encore plus préoccupé » par « la triste constatation que nos communautés catholiques d’Europe ne sont pas exemptes de ces réactions de défense et de rejet ». Il a aussi rejeté le « soi-disant « devoir moral » de conserver l’identité culturelle et religieuse d’origine » du continent européen – donc… chrétienne. Le 27 septembre, il a une nouvelle fois demandé aux catholiques d’accueillir les migrants « à bras grands ouverts ».
L’autre pavé touche la morale. Il a été lancé par le pape le 19 septembre. Un décret (motu proprio) signé de sa main dissout le très symbolique « Institut Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille », créé par le saint pape polonais pour défendre le mariage catholique. Et le recrée aussitôt, le même jour, sous la forme d’un « Institut Jean-Paul II pour les sciences du mariage et de la famille ». L’idée est de dépasser la promotion d’un seul type de famille catholique par une pastorale plus large visant à accompagner tous les nouveaux types de familles.
Autrement dit, tant sur l’éthique et que sur l’immigration, il n’y aurait plus « un » modèle catholique et absolu de société ou de morale. L’Église servante devrait au contraire « accompagner » les évolutions de société sans la surplomber.
Dans ce contexte, la « correction filiale » publiée le 24 septembre, signée par une soixantaine d’universitaires et ecclésiastiques, dont Mgr Bernard Fellay, supérieur de la Fraternité Saint Pie X, Lefebvriste – accusant le Pape d’enseigner « sept propositions fausses et hérétiques » – a fait mouche.
Très discutable sur le fond et sur la forme et émanant d’une sensibilité ecclésiale ouvertement critique vis-à-vis du pape François, elle a néanmoins obtenu un écho au-delà de ce petit cercle d’opposants.
Jean-Marie Guenois
Sources : Le Figaro