La chapelle de la Fraternité à Preston : Our lady of Victories.
A l’occasion de son passage en France, monsieur l’abbé Vandendaele, prieur de Preston, nous a donné un aperçu de son apostolat outre Manche.
La Porte Latine : Cher confrère, ordonné en 2012, vous avez été envoyé dans le district de Grande-Bretagne : vous y exercez depuis votre ministère et êtes, depuis septembre dernier, prieur de Preston. Avez-vous exercé votre ministère à d’autres endroits ?
Envoyé d’abord à Londres, j’ai ensuite été nommé à Preston, puis Bristol, puis Carluke en Ecosse et de nouveau à Preston. A part l’école de Saint Michael’s, je suis passé dans toutes les maisons du district qui est un peu plus modeste que le district de France : 4 prieurés et une école comptant un petit peu moins d’une centaine d’élèves.
Nous sommes deux prêtres à Preston, l’ensemble du district compte 14 prêtres et un frère pour environ un millier de fidèles chaque dimanche : au vu de ces chiffres, l’on peut vraiment dire que nous menons l’« opération survie » de la Tradition en Grande-Bretagne, au secours de ceux qui veulent rester fidèles à la Tradition de l’Église dans sa liturgie et sa doctrine.
Du prieuré de Preston, nous desservons cinq lieux de culte le dimanche pour répondre à la demande des fidèles. Nous courons beaucoup, restons peu sur place : la vie de paroisse est difficile à construire car les fidèles eux aussi font de la route pour assister à nos messes. C’est là qu’on mesure la chance d’un pays comme la France qui bénéficie d’un tel réseau de chapelles de la Fraternité ! Mais on peut trouver aussi une grande consolation dans la beauté de certaines églises où nous célébrons la messe.
« Rester fidèles à la Tradition de l’Église dans sa liturgie et sa doctrine » : vous voulez vous démarquer par-là de certaines communautés qui dépendaient il y a peu de la commission Ecclesia Dei. Plus généralement, quelle est la situation actuelle de la Tradition en Grande-Bretagne ?
Une association de fidèles appelée la Latin Mass Society agit depuis le milieu des années soixante dans le but de promouvoir la liturgie traditionnelle dans le pays. Elle travaille à encourager l’accès à la messe en Latin mais ceci en ignorant superbement la Fraternité Saint-Pie X ! Elle annonce les messes traditionnelles en Grande-Bretagne, mais certainement pas celles que nous célébrons.
Récemment, l’évêque de Shrewsbury a dit une messe tridentine dans sa cathédrale pour installer l’apostolat confié à l’Institut du Christ-Roi. Dans son sermon, il ne s’est préoccupé que de se justifier d’une telle autorisation en s’abritant derrière le Motu Proprio de Benoit XVI en 2007 : comme s’il avait besoin de se protéger contre ses confrères dans l’épiscopat qui ne voient pas tous la messe traditionnelle d’un bon œil.
Votre apostolat recueille-t-il des fruits en vocations ?
Sur les 14 prêtres du district, 6 en sont issus, auxquels s’ajoutent deux autres prêtres britanniques qui exercent leur apostolat sous d’autres cieux dans la Fraternité.
Obtenir de bonnes vocations est un vrai objectif pour tout le district, voire le premier. C’est l’intention de prière principale de tous nos pèlerinages, l’objet de conférences et de retraites que nous donnons aux familles. Notre mouvement de jeunes qui commence à se développer se veut de les aider à se former un caractère et des convictions pour devenir plus tard de bons prêtres, religieux, ou religieuses, s’ils y sont appelés, ou de bons pères et mères de famille d’où viendront de solides vocations.
Nous emmenons parfois des enfants de l’école visiter les séminaires de la Fraternité à l’occasion des ordinations pour leur faire toucher la grandeur du sacerdoce.
Pendant l’année qui vient de s’écouler, deux séminaristes ont commencé leur formation à Flavigny, 1 était à Ecône en 3ème année, et deux anciens élèves de notre école étaient au séminaire de Zaitzkofen, dont un fut ordonné diacre le mois dernier. Le mois dernier fut aussi l’occasion de l’ordination au sacerdoce à Ecône d’un anglais, ce qui porte notre nombre de prêtres issus du district à 9. Dans les dernières années, 3 dominicaines enseignantes sont aussi issues du district de Grande-Bretagne.
On peut le dire, votre apostolat est difficile. Cela s’explique-t-il par une situation particulière de l’Angleterre ?
C’est un pays fondamentalement protestant, très libéral depuis longtemps, et qui a adopté toutes les lois libertaires d’aujourd’hui : avortement, mariage ouvert aux homosexuels… L’île des saints n’est plus ce qu’elle était ! Exemple frappant de ce laissez-faire, un souvenir lors de mon premier passage à Leicester : la devanture d’une banque s’intitulant « Banque islamique britannique ».
Les catholiques sont très minoritaires : la tentation du mariage mixte (mariage avec un protestant) est très forte, et c’est un désastre pour les familles. Les parents n’ont pas les mêmes convictions et ainsi le catholicisme devient facilement et inévitablement pour les enfants une matière à option.
Cela se ressent aussi dans la vie quotidienne. Vous voyez en France le clocher d’un village : c’est une église catholique. En Angleterre, il faut bien regarder le panneau à l’extérieur pour souvent s’apercevoir que c’est tout simplement une église anglicane voire un lieu de culte d’une quelconque secte protestante comme par exemple les méthodistes ou les baptistes.
Il faut aussi penser à ces catholiques anglais, très attachés aux traditions liturgiques car elles étaient un critère d’authenticité dans la lutte contre le protestantisme, et qui les ont vu complètement être changées par la hiérarchie même de l’Église juste après le Concile Vatican II : les répercussions psychologiques et spirituelles sont forcément grandes, ils se sont sentis abandonnés. Alors que les anglicans ont souvent gardé un culte qui extérieurement a beaucoup de similitudes avec notre liturgie traditionnelle !
Le pèlerinage annuel à Walshingam
On peut voir au pèlerinage de Chartres une bonne délégation britannique : mais sans doute avez-vous outre-Manche des pèlerinages de district ?
Le pèlerinage de Canterbury ressemble par la durée à celui de Chartres : 3 jours à pieds. Nous marchons de Rochester à Canterbury où est enterré saint Thomas Becket, le dernier week end de juillet.
Autre grand pèlerinage : le premier week end de septembre, nous nous rendons au grand sanctuaire marial de Walsingham, le « Nazareth de l’Angleterre », qui est l’un des plus anciens sanctuaires de toute la chrétienté, remontant au 11e siècle. La tradition est de faire le dernier mile (environ 1,6 km) pieds nus ! Arrivés au sanctuaire, nous disons alors la messe en plein air : l’abbatiale en ruines n’a pas résisté à la Réforme.
Vous êtes originaire du Nord, dans la région de Lille. Vous êtes-vous bien adapté au climat ?
C’est le même, c’est-à-dire évidemment un très beau temps mis à part quelques jours de pluie et de grisaille. Quand je suis arrivé… puis-je me permettre de le dire ? un fidèle m’a expliqué : « ici, monsieur l’abbé, c’est comme en France : plus on va dans le Nord, plus les gens sont sympathiques ! ».
Peut-on conclure en disant « God Save the Queen » ?
En Angleterre, nous concluons chaque messe chantée du dimanche par une prière à la reine : alors oui, God Save the Queen !