Une liberté blasphématoire

« Liberté de blas­phé­mer ». Voilà un grand prin­cipe que vient d’affirmer, il y a peu de temps, M. le pré­sident de la République.

Evidemment, cette sen­tence offusque gra­ve­ment les oreilles d’un chré­tien. « Comparé au blas­phème, tout péché est plus léger », dit le pro­phète Isaïe. Et saint Thomas com­mente : « le blas­phème est oppo­sé à la pro­fes­sion de foi, c’est pour­quoi il en a la gra­vi­té… et s’il éclate en paroles, il est aggra­vé… le blas­phème est pire que l’homicide parce qu’il est un péché direc­te­ment contre Dieu. »

Le blasphème est pire que l’homicide

Mais plus la rai­son humaine s’émancipe de son Créateur, plus elle s’échappe de la tutelle de la foi, plus elle dérai­sonne. Et bien vite, alors, elle pré­tend que la liber­té est le prin­cipe de la vie humaine : liber­té abso­lue sans plus de réfé­rence à un code d’agir, à des normes qui la puissent régler et l’empêcher de défaillir dans la conduite de la vie ici-​bas. Dieu lui-​même, maître et créa­teur de toutes choses, devient un objet de liber­té et facul­ta­tif. C’est alors la liber­té qui pose Dieu et non plus Dieu qui donne la liber­té. M. Macron a bien pré­ci­sé : « liber­té de croire ou de ne pas croire, liber­té de croire comme on veut à la reli­gion qui est la sienne… » Audace effrayante, fruit empoi­son­né de la sécu­la­ri­sa­tion que montre le dos­sier de ce Fideliter. Mais qu’on soit païen, musul­man, juif ou chré­tien, on est néces­sai­re­ment orien­té vers Dieu, prin­cipe et fin de tous et de tout.

Ces pro­pos simples et lapi­daires du chef de l’Etat ont l’avantage de stig­ma­ti­ser par­fai­te­ment l’erreur que nous ne ces­sons de réprou­ver, à la suite de saint Pie X. La foi n’est pas un aveugle sen­ti­ment de la conscience mais un assen­ti­ment de notre intel­li­gence, de notre volon­té et de tout notre cœur à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ qui est le seul vrai Dieu et sans lequel nul ne peut être sau­vé. Dieu n’est pas une idée, mais une per­sonne. Quelle n’est pas l’acuité de l’enseignement magis­té­riel de saint Pie X ! Dans l’encyclique Pascendi, il condam­nait le moder­nisme pour qui « le besoin du divin sus­cite dans l’âme un sen­ti­ment par­ti­cu­lier… qui unit en quelque façon l’homme avec Dieu… Et la foi ain­si enten­due est le com­men­ce­ment de toute religion. »

La crise de l’Eglise ne se réduit pas au choix d’une messe traditionnelle

Mais cette liber­té du blas­phème van­tée devant les maires à Souillac est aus­si un résu­mé en deux mots du grand débat sur la liber­té reli­gieuse prô­née par le concile Vatican II. D’aucuns pensent aujourd’hui que la fameuse crise de l’Eglise se réduit au choix d’une messe tra­di­tion­nelle, dite de saint Pie V, et puis c’est tout. Eh non ! La récente dis­so­lu­tion de la com­mis­sion Ecclesia Dei montre que l’obtention d’une messe tra­di­tion­nelle n’est que dif­fi­cul­té pra­tique. Comme celle-​ci est désor­mais réglée, dit Rome, et que les béné­fi­ciaires vivent main­te­nant dans la tran­quilli­té rou­ti­nière, cette com­mis­sion n’a plus lieu d’être.

Mais notre Fraternité pose des ques­tions doc­tri­nales et celles-​ci res­tent l’apanage de la Congrégation pour la doc­trine de la foi. Parmi ces dif­fi­cul­tés, et non des moindres, jus­te­ment, la liber­té reli­gieuse. Le concile Vatican II fait droit à la laï­ci­té de l’Etat, c’est-à-dire donne droit à cha­cun dans un espace auto­nome et tant que l’ordre public n’est pas trou­blé, à la liber­té reli­gieuse. M. Macron dit très sim­ple­ment en quoi elle consiste. « La laï­ci­té, c’est une liber­té, c’est la liber­té de croire ou de ne pas croire, c’est la liber­té de croire comme on le veut à la reli­gion qui est la sienne… c’est le devoir abso­lu de res­pec­ter toutes les lois de la République. Et donc nous sommes un pays où nul ne doit être ennuyé parce qu’il croit dans une reli­gion ; où nul ne doit être ennuyé parce qu’il ne croit pas dans une reli­gion ; où la liber­té de cha­cun doit être res­pec­tée, quand bien même il ne par­tage pas la reli­gion de son voi­sin ; nous sommes un pays où il est libre de blas­phé­mer parce que cela fait par­tie de la liber­té de conscience. » Cette décla­ra­tion n’a pas pas besoin de com­men­taires ; elle montre mal­heu­reu­se­ment qu’il n’y a guère de dif­fé­rence entre l’idéologie de l’Église conci­liaire et celle de l’État laïc.

Vatican II fait droit à la laïcité de l’Etat

Mais c’est bien parce que nous sommes fils de l’Eglise, dis­ciples de Grégoire XVI et de Pie IX entre autres, que nous vou­lons mani­fes­ter à Rome le refus de ces faux prin­cipes qui causent la ruine de l’Eglise et de l’Etat. Nous savons, comme dit saint Jacques, que « celui qui conver­ti­ra un pécheur et le reti­re­ra de son éga­re­ment sau­ve­ra une âme de la mort et cou­vri­ra la mul­ti­tude de ses péchés ».

Abbé Benoît de Jorna, Supérieur du District de France de la de la FSSPX

Sources : Fideliter n° 248 /​La Porte Latine du 4 juillet 2019

FSSPX Supérieur du District de France

L’abbé Benoît de Jorna est l’ac­tuel supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Il a été aupa­ra­vant le direc­teur du Séminaire Saint Pie X d’Écône.