Le monde d’après

Le Jugement dernier par Jean Cousin. Crédit : wikipédia

On dis­cute beau­coup, y com­pris en haut lieu ecclé­sias­tique, sur ce que devra être et sera le « monde d’après » : com­pre­nons le monde d’après le coro­na­vi­rus. Ce monde, nous dit-​on, sera plus éco­lo­gique, plus res­pec­tueux de la nature, moins gas­pilleur de ses res­sources, moins pol­lueur, moins émet­teur de déchets. Il rejet­te­ra un capi­ta­lisme outran­cier, ultra­li­bé­ral, pré­da­teur, oppres­seur des hommes, au pro­fit d’une éco­no­mie plus humaine, plus atten­tive aux per­sonnes, moins gour­mande en éner­gies fos­siles, etc.

Tout ce pro­gramme est bel et bon, même s’il rap­pelle un peu les années 60 pour ceux qui les ont vécues : « Si tous les gars du monde vou­laient se don­ner la main… ». Il n’est certes pas inter­dit à la socié­té civile de réflé­chir aux moyens d’organiser une socié­té plus juste et plus équi­li­brée, tout en se sou­ve­nant que les suites du péché ori­gi­nel empêchent radi­ca­le­ment l’établissement du Paradis sur terre : « Vous aurez tou­jours des pauvres par­mi vous » (Jn 12, 18).

Mais ce sou­ci du monde (ter­restre) d’après doit-​il être la pré­oc­cu­pa­tion pre­mière des hommes d’Église ? L’Église a‑t-​elle en charge direc­te­ment et pre­miè­re­ment les royaumes ter­restres ? Sa fonc­tion n’est-elle pas plu­tôt au pre­mier chef d’annoncer, de pré­pa­rer et d’anticiper un autre royaume, celui des cieux, un autre monde d’après, le monde à venir, celui de Dieu, du Christ res­sus­ci­té, de l’Esprit-Saint ?

Il est vrai qu’au cours de l’histoire et encore aujourd’hui, l’Église catho­lique a appor­té une contri­bu­tion majeure à la civi­li­sa­tion humaine, dans la mesure où elle pro­meut le bien de l’homme total. Mais cela a été comme un débor­de­ment de sa mis­sion propre, qui est d’orienter les hommes vers Dieu par le Christ Rédempteur et sa Croix sal­vi­fique. C’est en tra­vaillant à rem­plir cette mis­sion gran­diose : « Allez, ensei­gnez toutes les nations, etc. » que l’Église a aus­si, et de plus, ser­vi le bien de l’humanité sur terre. Comme l’avait pré­dit Jésus lui-​même : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa jus­tice [c’est-à-dire la sanc­ti­fi­ca­tion, selon le sens biblique de la « jus­tice »], et le reste vous sera don­né par sur­croît » (Mt 6, 33).

Il est vital, il est capi­tal, il est urgent que l’Église parle aux hommes, avec force, convic­tion et auto­ri­té, de ce « monde d’après » qui les attend, qui leur est pro­mis, et les aide à s’y pré­pa­rer dans le monde d’aujourd’hui, dans ce monde ter­restre avec ses imper­fec­tions, par la conver­sion du cœur, la fuite du péché, la vie selon la grâce, une prière ins­tante, la cha­ri­té comme amour de Dieu par-​dessus toutes choses et amour sur­na­tu­rel du pro­chain par amour de Dieu. C’est sa mis­sion, c’est sa res­pon­sa­bi­li­té propre et directe.

Abbé B. de Jorna, Supérieur du District de France

Sources : Lettre à nos frères prêtres n°86 de juin 2020 /​La Porte Latine du 24 juin 2020

FSSPX Supérieur du District de France

L’abbé Benoît de Jorna est l’ac­tuel supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Il a été aupa­ra­vant le direc­teur du Séminaire Saint Pie X d’Écône.