Les évêques français et le passe sanitaire

Mgr Eric de Moulins-Beaufort

Dans une tri­bune datée du 22 juillet, la confé­rence épis­co­pale de France dénonce les réfrac­taires au passe sani­taire et leurs manifestations.

Les évêques reprochent en pre­mier lieu aux mani­fes­tants d’avoir bran­di l’étoile jaune, mais plus encore leur insou­mis­sion aux déci­sions jugées légi­times du gou­ver­ne­ment. Pour eux, ce passe est une chance, voire un sésame sacré : « Cette épi­dé­mie nous fait éprou­ver à tous com­bien nous sommes res­pon­sables les uns des autres. C’est comme une annonce de l’unité du genre humain et de l’union intime avec Dieu ». Le ton est don­né, il sera celui de l’entière dhim­mi­tude à la bien-​pensance du moment. 

Quoi que l’on puisse pen­ser du vac­cin – c’est une chose – voi­ci donc les évêques de France en faveur de la vac­ci­na­tion pour tous – ce qui est tout autre chose. 

Or l’idéologie est aujourd’hui à la vac­ci­na­tion pour tous : « Elle fait par­tie inté­grante, dit le ministre de l’Éducation Nationale, du Contrat Social contem­po­rain ». Quoi que l’on puisse pen­ser du vac­cin – c’est une chose – voi­ci donc les évêques de France en faveur de la vac­ci­na­tion pour tous – ce qui est tout autre chose. 

Nouveaux chantres du passe sani­taire, nos évêques n’ont sans doute pas mesu­ré la por­tée des pro­pos du ministre de l’Éducation Nationale, simple relai par­mi tant d’autres de la volon­té domi­nante. Pour qui rai­sonne encore un tant soit peu, une telle phrase signi­fie que, sous peu, le non-​vacciné sera comme exclu de toute vie sociale ; des cafés et trans­ports tout d’abord, mais bien­tôt des centres com­mer­ciaux, et déjà en cer­tains cas de son tra­vail. Le réfrac­taire sera même consi­dé­ré comme une menace pour la paix sociale. Aussi ce passe infor­ma­ti­sé n’est-il rien d’autre que la mise en place d’une « note sociale » à la chi­noise, et l’on est sur­pris de voir la Conférence Épiscopale de France l’adouber. Quand Jésus pro­po­sait son salut à tout homme, y com­pris au lépreux ; quand pour saint Paul, il n’y a plus au regard du Christ ni grec ni juif, ni maître ni esclave (Ga 3, 28), voi­ci qu’au regard de nos évêques, il y aura désor­mais les vac­ci­nés et les non vac­ci­nés. Est-​ce symp­to­ma­tique ? Lors du voyage que le Pape effec­tue­ra en Slovaquie du 13 au 15 sep­tembre, seuls les vac­ci­nés pour­ront assis­ter aux céré­mo­nies[1]

Est-​ce symp­to­ma­tique ? Lors du voyage que le Pape effec­tue­ra en Slovaquie du 13 au 15 sep­tembre, seuls les vac­ci­nés pour­ront assis­ter aux cérémonies.

Nouveaux chantres du passe sani­taire, nos évêques n’ont sans doute pas non plus mesu­ré tout l’égoïsme sous-​jacent à la poli­tique vac­ci­nale actuelle. Celui-​ci est sou­li­gné, entre autres, par le phi­lo­sophe Martin Steffens : « Ce qu’il a de nou­veau, c’est qu’on vac­cine aujourd’hui les enfants, non pour leur sur­vie, mais pour celle de leurs grands-​parents. (…) Cela change tout. Un enfant qui attrape le téta­nos meurt en quelques jours. Les enfants étaient les pre­mières vic­times de la polio. Mais un enfant qui attrape la Covid ne meurt pas. » Et le phi­lo­sophe de s’interroger sur ce que l’Histoire retien­dra de ces grands-​parents qui auront livré leurs petits-​enfants à un vac­cin, tou­jours offi­ciel­le­ment en voie d’expérimentation, et dont on ne décou­vri­ra que trop tard les effets. A titre d’exemple, aucune étude n’a été réa­li­sée sur les risques d’infertilité que pour­rait entraî­ner le vac­cin, risques qui inter­rogent plu­sieurs spé­cia­listes. Cela n’empêche en rien la vac­ci­na­tion mas­sive des 12–17 ans, déjà lar­ge­ment éprou­vés par les pre­miers confi­ne­ments. Au confort des baby-​boomers, on n’hésite pas à prendre le risque de sacri­fier les géné­ra­tions à venir – si elles viennent. De cela, les évêques, semble-​t-​il, n’en ont cure, au contraire. Béats, ils concluent : « Cette épi­dé­mie nous fait éprou­ver à tous com­bien nous sommes res­pon­sables les uns des autres. C’est comme une annonce de l’unité du genre humain et de l’union intime avec Dieu. » 

Certains mots réclament d’être répé­tés : « C’est comme une annonce de l’unité du genre humain et de l’union intime avec Dieu ». Pour qui sait l’entendre, cette der­nière phrase est ter­rible. Piquez-​vous vaccinez-​vous, disent-​ils, et vous serez une annonce tant de l’unité du genre humain que de l’union intime avec Dieu ! Si un rieur se deman­dait qui est piqué, l’homme de foi ne peut que déplo­rer deux incom­pa­ti­bi­li­tés graves avec le domaine de la grâce. 

Au salut éter­nel que le Christ pro­pose à ceux qui croient en lui, ils pré­fèrent l’unité tem­po­relle du genre humain. Ce fai­sant, loin d’agir en ser­vi­teurs de Dieu, ils se posent de fac­to en vas­saux du pou­voir temporel.

Tout d’abord, dans la ligne « pas­to­rale » du concile Vatican II, nos hommes d’Église conti­nuent à iden­ti­fier arti­fi­ciel­le­ment la recherche de l’unité du genre humain, sup­po­sé­ment vou­lue par Dieu, et l’union intime avec Dieu. Rien pour­tant ne jus­ti­fie une telle iden­ti­fi­ca­tion, tout au contraire. Annoncé comme pierre d’achoppement (Is 8, 14) et posé en signe de contra­dic­tion (Lc 2, 34), le Christ est en effet l’incarnation même de l’inimitié ori­gi­nelle issue du pre­mier péché : « Je pose­rai une ini­mi­tié entre toi et la Femme, entre ta des­cen­dance et sa des­cen­dance » (Ge 3, 15). Mais les évêques de Vatican II comme ceux d’aujourd’hui, épris de len­de­mains qui chantent, font fi de ces paroles divines. Au salut éter­nel que le Christ pro­pose à ceux qui croient en lui, ils pré­fèrent l’unité tem­po­relle du genre humain. Ce fai­sant, loin d’agir en ser­vi­teurs de Dieu, ils se posent de fac­to en vas­saux du pou­voir tem­po­rel. Car c’est aux puis­sances poli­tiques, et non aux hommes d’Église, qu’a été pre­miè­re­ment confié le soin de la paix tem­po­relle. Apparaît alors le double crime inhé­rent à la nou­velle doc­trine de la liber­té reli­gieuse : non seule­ment leurs tenants ont affran­chi le pou­voir tem­po­rel de ses devoirs envers l’Église mais, en rédui­sant les droits de l’Église au droit com­mun, ils l’ont sou­mise au pou­voir poli­tique. Et quand celui-​ci prend ouver­te­ment comme modèle la Chine com­mu­niste et sa « note sociale » contrô­lée infor­ma­ti­que­ment, nos évêques bénissent, applau­dissent et ren­ché­rissent. De quel dieu sont-​ils donc les messagers ? 

Piquez-​vous, disent-​ils donc en sub­stance, et vous serez ain­si l’annonce vivante tant de l’unité du genre humain que de l’union intime avec Dieu. Dans le gali­ma­tias de leur nou­velle théo­lo­gie, ils auraient tout autant pu dire, tel­le­ment les deux mots sont proches : Piquez-​vous, et vous serez le sacre­ment de l’unité du genre humain. Apparaît alors le second fos­sé qui nous sépare de l’assertion épis­co­pale. Pfeizer ou Moderna sacra­li­sés, le vac­cin pour tous éta­bli comme moyen actuel du salut vou­lu par Dieu ; l’homme de foi ne peut que s’interroger : quel est donc leur dieu ? 

Si l’emploi de l’étoile jaune n’était pas for­cé­ment appro­prié, celui du car­ton rouge s’impose à l’endroit du com­mu­ni­qué de la Conférence Épiscopale de France. 


« Un acte de cha­ri­té. VACCINER. Ce que vous devez savoir ». Un ico­no­clasme qui peut se récla­mer des évêques.
Notes de bas de page
  1. Cf. La Croix du 20 juillet 2021, « En Slovaquie, les fidèles appe­lés à se pré­pa­rer pour la visite du pape François ».[]

FSSPX

M. l’ab­bé Patrick de la Rocque est actuel­le­ment prieur de Nice. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions théo­lo­giques avec Rome entre 2009 et 2011.