Ce Carême très spécial est l’occasion de faire un examen de conscience approfondi, en allant au-delà du bilan superficiel que nous réalisons souvent. Revenir sur son passé est toujours bénéfique, car la démarche invite à réfléchir sur le sens et les priorités de sa vie. Au regard de l’actualité, trois points méritent attention : la docilité à la volonté de Dieu, la participation à la vie liturgique et sacramentelle, les relations familiales et sociales.
La docilité à la volonté de Dieu
Sans doute les événements actuels nous laissent un peu perplexes. Que le Dieu créateur se rappelle au bon souvenir des hommes à travers un virus qui plonge le monde dans le chaos, nous le comprenons sans peine. Le Seigneur entend donner une leçon d’humilité aux sociétés rebelles qui défient sa puissance, violent ses lois et détruisent méthodiquement son règne. Mais que Dieu complique dans le même temps la tâche des âmes qui veulent se sanctifier s’avère plus mystérieux. Et pourtant si d’aventure un bruissement de révolte pénétrait dans notre âme, nous entendrions, comme saint Pierre, ces mots sévères : « tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes » (Mt. 16, 24).
Le plan de Dieu nous laisse souvent songeurs, quand il déjoue nos vues et s’oppose à nos pronostics. S’il est vrai que nous disons à notre Père céleste « Que votre volonté soit faite », ne sommes-nous pas quelque peu réticents, quand ce Dieu prend en main notre vie et cherche à la réorienter par des événements imprévus ? Comment réagissons-nous, quand Dieu contrarie nos projets, défait nos plans et nous sort avec brutalité de notre train-train quotidien ? Jusqu’où acceptons-nous les décrets divins, lorsqu’ils touchent nos affaires et notre mode de vie ?
La surdité profonde des hommes oblige Dieu à prendre les grands moyens pour faire entendre sa voix et rappeler sa souveraineté absolue sur toute la création. Le Seigneur s’exprime par les événements qu’il envoie ou permet. A chacun de discerner ce que Dieu veut lui dire.
La vie liturgique et sacramentelle
Un catholique a le cœur triste, quand il ne peut pas sanctifier son dimanche par la messe. Quand bien même il fait monter vers le Ciel de belles prières pour honorer le Jour du Seigneur, il sait que son offrande reste bien pauvre objectivement à côté du Saint-Sacrifice de la messe et de la riche liturgie qui l’entoure. Il est dur pour un disciple du Christ de ne pouvoir adorer son Maître présent dans le Tabernacle et de rester éloigné de la Sainte Table. Il est pénible pour un pécheur pénitent de ne pouvoir purifier son âme par une bonne confession, quand bien même la contrition parfaite lui remet sans retard ses péchés. Il est préoccupant pour un catholique militant de voir le culte public s’interrompre.
Il est possible pourtant que notre tristesse cache un peu d’incohérence. Certes nous regrettons d’être privés de la sainte messe et des sacrements, mais y recourions-nous vraiment autant que nous le pouvions, quand ces trésors nous étaient aisément accessibles ? Fréquentions-nous avec empressement nos chapelles ? Avions-nous pris conscience que notre âme ne peut se passer du ministère des prêtres ? Surtout avions-nous bien réalisé que l’accès à ces rites sacrés pourrait nous être un jour retiré ?
La situation actuelle qui met notre cœur en émoi a le mérite de nous dévoiler la réalité qui s’imposerait à tous si l’Église n’engendrait plus de prêtres et que la société matérialiste, attentionnée vis-à-vis des corps, refusait toute aide aux âmes qui crient leur détresse. En guise d’avertissement, Dieu révèle aux hommes ce que signifierait concrètement pour eux une Église sans prêtres au sein d’une société sans foi. Le Seigneur nous invite à nous battre pour empêcher que le monde ne nous conduise un jour à une telle indigence. Pour susciter des vocations et défendre le droit de l’Église à exercer sa mission, rien n’est plus efficace que de remplir les lieux de culte où les sacrements sont donnés. Gravons cette maxime dans notre âme, en attendant de l’appliquer.
Les relations familiales et sociales
La rigueur du confinement nous ferait presque regretter le temps ancien des embouteillages en ville et des stationnements difficiles. Encore un peu et nous idéaliserons ce passé. Et pourtant ! Au temps où la vie sociale nous offrait des contacts nombreux, nous râlions sans cesse, en blâmant le sans-gêne de notre prochain, voire sa simple présence. Le Seigneur aurait-il trop bien entendu nos plaintes ? Aujourd’hui, Dieu nous assigne à résidence dans les maisons dont nous avons cherché à nous évader trop souvent, en invoquant mille prétextes.
Avouons-le. Ne sommes-nous pas d’autant plus exigeants envers les autres que nous refusons davantage de nous plier aux contraintes de la vie sociale ? N’avons-nous pas tenté plus d’une fois d’échapper aux exigences et aux rites de la vie familiale, en oubliant que la charité fraternelle devait s’exercer d’abord à l’égard de ceux qui nous sont les plus proches ?
L’expérience du confinement qui oblige chacun à la patience rappelle que la vie sociale est nécessaire à la nature humaine, mais aussi que le microcosme familial est la cellule fondamentale de la société où chacun est en sécurité. Les foyers stables et les familles unies, dont les membres s’entraident dans l’adversité, sont une force pour la société. Les relations amicales et sociales sont bienfaisantes, si elles oxygènent le cercle familial, sans jamais l’étouffer.
En ce temps de la Passion, devant la Croix, nous sommes invités à entrer en nous-même pour examiner nos choix passés, trouver des remèdes à nos faiblesses et envisager sereinement notre avenir. Si nous entrons dans cette démarche avec courage, ce drôle de Carême n’aura pas manqué son but.
Abbé Pierre-Marie Berthe, prêtre de la FSSPX
Sources : La Lettre de Saint Florent n° 268 de avril 2020 /La Porte Latine du 31 mars 2020