On sait la confidence du père de Foucauld à son ami le général Laperrine, le 6 décembre 1915 : « J’avais cru, en entrant dans la vie religieuse, que j’aurais surtout à conseiller la douceur et l’humilité ; avec le temps, je vois que ce qui manque le plus souvent, c’est la dignité et la fierté ! »
Ce constat trouve un écho puissant dans les Notes sur l’honneur de Louis Salleron, en 1936, citées dans la biographie de Dom Aubourg (voir p. 14) qui vient de paraître : « Si vous ne cultivez pas l’honneur, d’autres le cultiveront – contre vous, contre le christianisme. Ils cultiveront la force, la grandeur, l’héroïsme – contre vous, contre le christianisme. Ils seront la vie et vous serez la maladie, la pâleur, la débilité. Ils vous écraseront, ils vous étoufferont, par leur seule marche en avant et leur épanouissement. »
Et le journaliste catholique de souligner le lien profond qui unit le sens de l’honneur et la foi chrétienne : « Bien loin que l’honneur soit aux antipodes du christianisme, il y est au cœur. Car n’étant pas calcul mais foi, n’étant pas prudence mais risque, n’étant pas réserve mais don, il est le plus parfait analogue des vertus théologales. Un analogue qui les contredira, s’il reste lui-même, mais un analogue qui les nourrira s’il se transcende. Cultivez-le donc au lieu de vous acharner contre lui. Car si vous le tuez, vous tuez le christianisme. Il s’agit d’émonder la vigne et non de l’arracher. »
Pourquoi le sens de l’honneur ne doit-il pas rester en lui-même mais se transcender et plus précisément être transcendé par le christianisme ? Parce que, répond Louis Salleron, « Le sentiment de l’honneur, poussé au plus haut point, a ses dangers : violence, injustice, manque de soumission au réel. Tout provoque Don Quichotte ; il relève chaque défi d’une nation qui l’ignore. Il rend impossible une société qu’il veut à son image de perfection. Bref, l’angélisme de l’honneur est comme les autres angélismes : une erreur – quoique plus sympathique. Rassurons-nous ; nous n’en sommes pas menacés. » Non, nous ne sommes pas menacés par ce danger, nous n’avons pas à nous battre contre des moulins à vent, mais contre des erreurs et des vices bien concrets.
Ici se fait entendre l’avertissement du Père de Foucauld à René Bazin, le 29 juillet 1916 : « Si nous n’avons pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront. Le seul moyen qu’ils deviennent Français est qu’ils deviennent chrétiens. »
Encore faut-il que les Français soient eux-mêmes des chrétiens, et non des êtres laïcisés, c’est-à-dire déchristianisés et paganisés ! Comment espérer convertir quiconque à la foi chrétienne et l’ouvrir au trésor du patrimoine chrétien, quand on est soi-même déraciné spirituellement, arraché du sol de ses ancêtres intellectuellement et moralement ?
Comment dès lors ne pas craindre d’être un jour chassé d’une chrétienté qui a elle-même rejeté son héritage ? C’est à cette lumière-là qu’il faut voir la croisade du rosaire lancée par la Fraternité Saint-Pie X jusqu’au Jeudi saint, 1er avril 2021. Croisade de prières pour la messe et pour les vocations, donc croisade pour « tout récapituler en Jésus-Christ ». Afin de ne pas capituler, miné par un à‑quoi-bonisme désabusé, devant l’antichristianisme militant.
Abbé Alain Lorans
Source : Nouvelles de Chrétienté n°187 (Janvier/Février 2021)
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