Le 16 octobre 2017 est a date du centième anniversaire de la fondation de la Milice de l’Immaculée du Père Kolbe. Il était impossible de laisser cet évènement sans le fêter. Le samedi 14 octobre a eu lieu une « Journée centenaire » à Paris, dans les locaux du prieuré Notre-Dame de Consolation, organisée par la Fraternité Saint Pie X en partenariat avec les Pères Capucins du couvent Saint-François de Morgon si dévoués à cette œuvre.
Elle sest tenue sous la présidence de M. l’abbé Christian Bouchacourt, Supérieur du District de France de la FSSPX, qui a célébré la messe dans la magnifique église de Notre-Dame de Consolation.
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Texte : introduction à la Journée Centenaire de la Milice de l’Immaculée
Pierre Blanchard, professeur à la Faculté catholique de Lyon, écrivait avant le concile Vatican II : « Il n’y a pas de philosophie de l’histoire. Il y a une théologie de l’histoire, un mystère de l’histoire. » En effet, « qui dit philosophie de l’histoire, suppose un point de départ qui soit un commencement et une intention, une fin qui soit un terme et un but, ensuite un centre de perspectives d’où jaillit l’intelligibilité de la totalité, enfin des lois générales qui se dégagent de ce déroulement des faits. » Or, « seule la Révélation peut apporter à chacune de ces questions une réponse claire et distincte » (Sainteté aujourd’hui, Desclée de Brouwer, 1954, pp. 186–187).
Cette affirmation lapidaire nous fait faire un saut qualitatif : « Nous sommes transportés dans le domaine de la foi. Une création, au début ; un jugement, à la fin ; au centre, le Christ vers qui le passé s’achemine et à partir de qui l’avenir se construit ; une Providence paternelle qui conduit, par les chemins les plus imprévisibles, les hommes et les évènements pour réaliser des desseins de sagesse et de miséricorde ; des forces antagonistes qui créent des tensions agonistiques inévitables ; enfin une faute commise à l’origine et dont les effets se prolongent, rend compte des dissonances, des discontinuités, des ruptures dans une trame qui aurait dû être harmonieuse. Dieu seul, parce qu’Il est transcendant au devenir, parce que, tout en respectant souverainement la causalité propre de ses créatures, en dirige l’évolution, avant d’en sanctionner les résultats. » C’est pourquoi, « Dieu seul - dit Pierre Blanchard – a pu écrire, écrit avec les hommes, une philosophie de l’histoire qui est La philosophie de l’Histoire. » Notre auteur précise ensuite : « De ces causalités qui s’exercent sur la marche de l’histoire, il en est deux dont l’influence apparaît à tout esprit attentif : la causalité de Satan et la causalité des saints. La causalité de Satan, Jésus l’a souvent évoquée dans l’Évangile ; saint Paul était préoccupé de ce Mysterium iniquitatis (II Thess., II, 7). » Avec cette Journée Centenaire de la Milice de l’Immaculée, nous rentrons dans ce Mysterium iniquitatis.
Avec la première conférence, nous étudierons un cas particulier de ce que Pierre Blanchard appelle la « causalité des saints ». Le Père Diego-Joseph, capucin de Morgon, nous présentera la grande figure du Père Kolbe, mort en camp de concentration le 14 août 1941 dans l’exercice héroïque de la confession de la Foi, de son ministère sacerdotal et de la charité surnaturelle.
Avec la deuxième conférence, nous serons confrontés à ce que Pierre Blanchard appelle « la causalité de Satan ». En effet, le Mystère d’iniquité s’incarne, pour ainsi dire, dans la franc-maçonnerie. Et c’est avec raison que le Père Emmanuel du Mesnil-Saint-Loup (mort en 1903) a écrit : « Depuis que notre Saint-Père le pape Léon XIII a dénoncé la franc-maçonnerie dans une récente encyclique (Humanum genus du 20 avril 1884), avec tant de gravité, de force, et de modération dans cette force même, aucun croyant ne niera plus que ce soit elle le mystère d’iniquité » (La sainte Église, Clovis, 1997, p. 240). C’est moi-même qui vous parlerai de ce sujet.
Avec la troisième conférence, nous verrons comment la Milice de l’Immaculée du Père Kolbe est une réalisation concrète de la prophétie du Protévangile, au chapitre 3 du Livre de la Genèse, verset 15 : « Je mettrai des inimitiés entre toi et la Femme, et ta race et la sienne ; elle-même t’écrasera la tête, et tu mettras des embûches à son talon. »
Le Père de Montfort, maître spirituel marial du Père Kolbe, en donne, dans son Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, le grand commentaire traditionnel. Voici son introduction : « C’est principalement de ces dernières et cruelles persécutions du diable qui augmenteront tous les jours jusqu’au règne de l’Antéchrist, qu’on doit entendre cette première et célèbre prédiction et malédiction de Dieu, portée dans le paradis terrestre contre le serpent. » Le thème général porte donc bien sur la lutte entre les deux cités ou, en d’autres termes, sur la conjuration antichrétienne.
La première partie de ce commentaire concerne le rôle personnel de la Vierge Marie elle-même dans les derniers temps : « Jamais Dieu n’a fait et formé qu’une inimitié, mais irréconciliable, qui durera et augmentera même jusques à la fin : c’est entre Marie, sa digne Mère, et le diable, entre les enfants et serviteurs de la Sainte Vierge, et les enfants et suppôts de Lucifer ; en sorte que la plus terrible des ennemies que Dieu ait faite contre le diable est Marie, sa sainte Mère. Il lui a même donné, dès le paradis terrestre, quoiqu’elle ne fût encore que dans son idée, tant de haine contre ce maudit ennemi de Dieu, tant d’industrie pour découvrir la malice de cet ancien serpent, tant de force pour vaincre, terrasser et écraser cet orgueilleux impie, qu’il l’appréhende plus, non seulement que tous les anges et les hommes, mais en un sens, que Dieu même. Ce n’est pas que l’ire, la haine et la puissance de Dieu ne soient infiniment plus grandes que celles de la Sainte Vierge, puisque les perfections de Marie sont limitées ; mais c’est premièrement parce que Satan, étant orgueilleux, souffre infiniment plus d’être vaincu et puni par une petite et humble servante de Dieu, et son humilité l’humilie plus que le pouvoir divin ; secondement parce que Dieu a donné à Marie un si grand pouvoir contre les diables, qu’ils craignent plus, comme ils ont été souvent obligés d’avouer, malgré eux, par la bouche des possédés, un seul de ses soupirs pour quelque âme, que les prières de tous les saints, et une seule de ses menaces contre eux que tous leurs autres tourments. »
La deuxième partie, concerne le Corps mystique du Christ dans sa lutte avec les méchants. La voici : « Non seulement Dieu a mis une inimitié, mais des inimitiés, non seulement entre Marie et le démon, mais entre la race de la Sainte Vierge et la race du démon ; c’est-à-dire que Dieu a mis des inimitiés, des antipathies et haines secrètes entre les vrais enfants et serviteurs de la Sainte Vierge et les enfants et esclaves du diable ; ils ne s’aiment point mutuellement, ils n’ont point de correspondance intérieure les uns avec les autres. Les enfants de Bélial, les esclaves de Satan, les amis du monde (car c’est la même chose), ont toujours persécuté jusqu’ici et persécuteront plus que jamais ceux et celles qui appartiennent à la très sainte Vierge, comme autrefois Caïn persécuta son frère Abel, et Esaü son frère Jacob, qui sont les figures des réprouvés et des prédestinés. » Montfort précise le dénouement de cette lutte des derniers temps : « Mais l’humble Marie aura toujours la victoire sur cet orgueilleux, et si grande qu’elle ira jusqu’à lui écraser la tête où réside son orgueil ; elle découvrira toujours ses mines infernales, elle dissipera ses conseils diaboliques, et garantira jusqu’à la fin des temps ses fidèles serviteurs de sa patte cruelle. »
Enfin, dans une troisième partie très importante de son commentaire, il démontre le rôle que devra jouer tout véritable disciple de Jésus-Christ et tout vrai dévot de la Sainte Vierge, et donc tout Chevalier de l’Immaculée (pour prendre le langage du Père Kolbe), dans ce dénouement final : « Mais le pouvoir de Marie sur tous les diables éclatera particulièrement dans les derniers temps, où Satan mettra des embûches à son talon, c’est-à-dire à ses humbles esclaves et à ses pauvres enfants qu’elle suscitera pour lui faire la guerre. Ils seront petits et pauvres selon le monde, et abaissés devant tous comme le talon, foulés et persécutés comme le talon l’est à l’égard des autres membres du corps ; mais en échange, ils seront riches en grâce de Dieu, que Marie leur distribuera abondamment ; grands et relevés en sainteté devant Dieu, supérieurs à toute créature par leur zèle animé, et si fortement appuyés du secours divin, qu’avec l’humilité de leur talon, en union de Marie, ils écraseront la tête du diable et feront triompher Jésus-Christ. »
Le Père Kolbe était un fils spirituel du Père de Montfort dont nous venons de célébrer le tricentenaire de sa mort, en 2016. Il ne fait aucun doute que la Milice de l’Immaculée s’insère dans cette grande vision montfortaine de l’Histoire du Salut, et qui annonce la Victoire de l’Immaculée sur la franc-maçonnerie et sur l’Antéchrist. C’est le Père Paul-Marie, capucin de Morgon, qui nous présentera la Milice de l’Immaculée d’obédience traditionnelle.
Je termine cette introduction en signalant la coïncidence de plusieurs centenaires : celui de la révolte de Luther en 1517, celui de la fondation de la franc-maçonnerie en 1717, celui de la révolution communiste en octobre 1917, celui de la publication du Code de Droit canonique de 1917, et, enfin, celui que nous célébrons : le Centenaire de la Milice de l’Immaculée du Père Kolbe. Il y a comme un nœud qui relie tous ces centenaires.
La franc-maçonnerie est née officiellement le 24 juin 1717 à Londres à l’initiative de deux ministres protestants. C’est donc avec raison que Mgr Jouin, grand spécialiste en la question, a affirmé que « la franc-maçonnerie est fille de la Réforme » protestante. C’est ainsi que l’année 1717 possède un lien logique avec celle de 1517, année de la révolte de Luther contre l’Église catholique.
Par ailleurs, les instruments qui déchaînèrent la Révolution communiste en Russie furent les sociétés secrètes d’esprit maçonnique, les obédiences maçonniques internationales et les financiers internationaux. Ceci établit également l’étroite dépendance qu’il y a entre les années 1717 et 1917.
Il y a donc un lien très réel entre protestantisme, maçonnerie et communisme. En 1917, l’Église catholique publie son premier Code de Droit canonique qui consacre dans ses lois le magistère romain sur la franc-maçonnerie. C’est cette même année 1917 que le Père Kolbe fonde son œuvre mariale et antimaçonnique. Voilà quelle est la connexion des centenaires de 2017 entre eux. Ces trois conférences la mettront en lumière.
Abbé Guy Castelain, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, aumônier de la MI pour la France
Sources : Photos et texte de M. l’abbé Castelain