Reportage photos du pèlerinage 2006 de Boulogne

Par le Docteur Jean-​Pierre Dickès au nom des Boulonnais

Une joie immense étrei­gnait le cour des sur­vi­vants du » petit reste » qui en 1975 avaient com­men­cé à Boulogne-​sur-​mer ce long com­bat pour la Messe Traditionnelle dans le salon d’un par­ti­cu­lier. La vie de salon, puis la vie de châ­teau dans de telles cir­cons­tances n’ont rien de réjouissant.

L’achat d’une ancienne cha­pelle il y a 17 ans per­mit à leur petit groupe de se ren­for­cer. Restaurée, trans­for­mée, puis consa­crée sous le nom de Église Saint-​Louis-​les-​Boulonnais eurent enfin un cadre idéal pour prier. Mais des années d’ef­forts viennent ensuite de por­ter enfin leurs fruits. Ce fut une apothéose.

L’opportunité paraît à prio­ri bien minime. Une sta­tue, une simple sta­tue. Mais à la Vierge tout est pos­sible, même des miracles.

L’histoire est la sui­vante. À Boulogne se tint en 1938 un Congrès Marial qui ras­sem­bla 150.000 per­sonnes. Pour l’oc­ca­sion furent confec­tion­nées quatre sta­tues gran­deur nature de la Vierge Nautonière. Or en 1943 un prêtre eut l’i­dée de les envoyer dans toute la France sous le vocable de Notre Dame du Grand Retour. Elles pas­sèrent de villes en vil­lages, de bourgs en hameaux. Des prières innom­brables mon­tèrent vers le Ciel pour deman­der la libé­ra­tion de la France. Il était dit que la guerre serait ter­mi­née quand elle revien­drait à Boulogne. Sauf que l’une d’entre elles par­tit de Bordeaux pour rejoindre la Martinique où un sanc­tuaire à sa gloire fut ensuite édi­fié. Mais avant de quit­ter la France métro­po­li­taine, elle pas­sa à Souilliac où un pieux parois­sien doué pour la sculp­ture en fit une repro­duc­tion en chêne mas­sif qui conti­nua à bénir par sa pré­sence toute l’Aquitaine. La veuve de ce sculp­teur dont hélas nous ne connais­sons pas le nom, en fit cadeau au prieu­ré de la FSSPX de Bordeaux. Puis elle fut récu­pé­rée par l’Abbé Bonneterre de Nantes qui en fit une thé­sau­ri­sa­tion affec­tueuse. Son suc­ces­seur au prieu­ré trou­vant qu’elle occu­pait trop de place la fit s’é­pa­nouir près du radia­teur de la sacris­tie où la pauvre s’en­nuyait pas­sa­ble­ment ; puis il la céda volon­tiers à Boulogne. I

ll fal­lait que nos conci­toyens lui fassent un accueil des plus cha­leu­reux digne d’elle. Une pro­ces­sion par­tant du port, de là même où elle était arri­vée en 636 sous les méro­vin­giens, sem­blait être la meilleure des solutions.

Et en ce dimanche 10 sep­tembre, le soleil rayon­nait sur la ville. Le miracle com­men­çait. Deux de ces magni­fiques che­vaux bou­lon­nais de cou­leur blanche devaient tirer une plate-​forme sur laquelle la Vierge rayon­nait. Le miracle commençait.

Venus de Paris, de Bruxelles, de Pontoise, de Lille, de Calais, d’Arras, d’Amiens, les fidèles s’ag­glu­ti­naient pour com­men­cer la marche après la messe solen­nelle du matin. Le doyen de la cathé­drale Notre Dame de Boulogne avait prê­té pour l’oc­ca­sion chaises et ori­flammes afin de rehaus­ser le lieu d’ac­cueil de la Vierge à l’Église Saint Louis. Le long cor­tège s’é­bran­la len­te­ment après le beau ser­mon pro­non­cé par l’ab­bé de Cacqueray supé­rieur du dis­trict de France, qui avait fait l’hon­neur aux Boulonnais de pré­si­der la procession.

En tête les enfants de chour der­rière la Croix, puis la troupe de scouts de Boulogne, celle de Calais, et celle des guides ren­for­cée par un pelo­ton venant de Lille. Puis la Vierge len­te­ment tirée par les che­vaux un peu rétifs. Ensuite venait un groupe de reli­gieuses de l’é­cole du Hérie-​Lavieville, une longue file de 200 élèves en uni­forme de l’é­cole Saint Jean Baptiste de La Salle à Camblain l’Abbé, le cler­gé et une queue inter­mi­nable de fidèles. Ce fut une longue pro­ces­sion che­mi­nant du port à la rue pié­ton­nière de la Basse-​Ville. Celle-​ci est reliée à la Haute-​Ville par deux axes prin­ci­paux et entre les deux se situe la rue où se trouve l’Église Saint Louis.

Il se pas­sa alors un petit miracle. Jugez-​en ! Au milieu de la rue pié­ton­nière il fal­lait déga­ger à gauche vers l’Église Saint Louis. En effet, la sous-​préfecture avait inter­dit de pas­ser par la Grand’Rue qui mène à la Haute Ville sous pré­texte qu’elle était un axe à grande cir­cu­la­tion. Mais quelque ange dégui­sé en diable ins­pi­ra à un des poli­ciers une bien mau­vaise idée, celle d’ap­puyer incon­si­dé­ré­ment sur le déco­deur élec­tro­nique qui com­mande le plot de fer­me­ture aux voi­tures, lequel était ren­tré nor­ma­le­ment dans le pave­ment. Le plot se déga­gea de manière impromp­tue. Et là, un col­lègue du pre­mier ange inter­ve­nait à son tour. Impossible de ren­trer le plot mal­gré tous les efforts pos­sibles. L’électronique en panne s’é­tait mise au ser­vice de la Vierge. Les gros bras ne furent pas plus effi­caces. Jamais le char de la Vierge n’au­rait pu pas­ser car trop bas. Conjointement, la queue du cor­tège blo­quait par sa pré­sence l’axe de des­cente de la Haute-​Ville. Comme rien n’y fai­sait, et que le char se trou­vait blo­qué, un poli­cier bien­veillant (comme tous ses col­lègues d’ailleurs) prit une déci­sion rapide : il fal­lait pas­ser par la Grand’Rue.

Et là le spec­tacle devint inou­bliable. À droite, la place où se concentre l’ac­ti­vi­té diurne et noc­turne de la ville, puis l’Église Saint Nicolas XIVe siècle, la seule de la ville qui ait résis­té à la fureur révo­lu­tion­naire de 1792 ; puis la façade de la cha­pelle d’une ancienne com­mu­nau­té ven­due comme bien natio­nal en 1794 ; c’est un immense porche en haut duquel trône la sta­tue d’Etienne de Blois, marié à la petite fille de sainte Ide de Boulogne : Mathilde en s’u­nis­sant à ce croi­sé mon­te­ra ensuite sur le trône d’Angleterre en suc­cé­dant à Henri 1er Beauclerc. Mais sur­tout en pers­pec­tive, le superbe dôme de la cathé­drale Notre Dame de Boulogne domi­nant toute la ville.

Un mil­lier de pèle­rins (esti­ma­tion de la police) occu­paient la lon­gueur de la plus belle ave­nue de la cité, sui­vant en chan­tant à tue-​tête la gloire de leur mère dans le Ciel. Spectacle inouï qui étrei­gnait les cours. Certains pas­sants se signaient et retrou­vaient les chants de leur enfance. » Pari gagné » : deux bien pauvres mots pour dési­gner le suc­cès de cette pro­ces­sion qui che­mi­nait pour rejoindre enfin l’Église Saint Louis.

Tant de Foi s’é­tait expri­mé lors de cette magni­fique jour­née se ter­mi­nant par un salut au Saint Sacrement. Une par­tie de la foule, n’ayant pu entrer, était mas­sée devant le porche atten­dant sage­ment et mêlant du dehors leurs voix aux chants, aidés par une excel­lente sono­ri­sa­tion. Puis ceux qui n’é­taient pas trop pres­sés de ren­trer chez eux, par­ti­ci­paient ensuite à un vin d’hon­neur qui blo­qua la rue pen­dant deux bonnes heures supplémentaires.

La Vierge du Grand Retour repre­nait ain­si la place qui lui était due dans sa ville mais aus­si elle répan­dait sa grâce dans les âmes. Alors, les Boulonnais prirent une résolution.

L’an pro­chain, nous pro­cla­me­rons encore la gloire de Marie dans nos rues.

Docteur Jean-​Pierre Dickès au nom des Boulonnais