L’évêque d’Anvers Mgr Johan Bonny [Photo ci-dessus], candidat favori à la succession de Mgr Léonard [1], plaide samedi 27 décembre 2014, dans le journal flamand De Morgen [2], pour une reconnaissance ecclésiastique des relations bi et homosexuelles. Partant du constat qu’il existe aujourd’hui, même parmi les catholiques, d’autres types de relations que le mariage entre un homme et une femme il estime qu’ il est dès lors important que ces autres types de relation puissent bénéficier d’une certaine forme de reconnaissance dans l’Eglise.
Rappelons à nos lecteurs que cet évêque, jamais désavoué ou même rappelé à l’ordre par Rome, avait déjà, dans une lettre écrite à l’occasion du synode sur la famille, interpellé le Vatican afin qu’il ouvre les portes aux homosexuels et aux couples divorcés.. Dans cet entretien, il va beaucoup plus loin en demandant une bénédiction ecclésiastique pour les « holebis » (NDLR de LPL : contraction des trois mots gays : homosexuels, lesbiennes, bisexuels) et en remettant en cause le dogme même du mariage.
Il est incontestable que l’arrivée du Pape François a donné des ailes à cet évêque très engagé dans la démolition de l’Eglise. C’est ainsi qu’à la veille du synode sur la famille, venant à la rescousse du très progressiste cardinal Kasper, il avait commis une lettre de 24 pages – publiée le 4 septembre 2014 – dans laquelle il exprime ses « attentes personnelles » et ses arguments en faveur d’une évolution du magistère. Que ce soit sur l’accueil des divorcés remariés, des jeunes vivant en couple sans être mariés ou toutes autres « situations irrégulières », l’Église doit, à ses yeux, « quitter son attitude de défense ou antithétique » et « chercher à nouveau le chemin du dialogue ». L’évêque attendait du synode qu’il ne soit pas « platonique », « qu’il ne se retire pas sur une île rassurante de discussions doctrinales ou de normes générales, mais qu’il ait l’œil ouvert sur la réalité concrète et complexe de la vie ».
Il préconisait d’ouvrir « sous certaines conditions à des divorcés remariés l’accès à la communion », en s’inspirant de la tradition juridique de l’Orient chrétien, « avec la possibilité d’un règlement exceptionnel au nom de la miséricorde ».
Alors que l’indissolubilité du mariage est comparée à l’indissolubilité de l’amour que le Christ porte à l’Église, il rappellait qu’« aucun signe ne peut représenter de manière définitive la réalité de son alliance définitive avec l’humanité et l’Église ». Sur la participation à l’Eucharistie, il soulignait qu’elle est à la fois « signe d’unité » et « moyen de grâce ». En ce sens, « des divorcés remariés ont aussi besoin de l’Eucharistie pour croître en alliance avec le Christ… » Plus largement, il souhaitait « que l’Église puisse reconnaître le bon et le valable également dans d’autres formes de vie commune que le classique ».
Interrogé par De Morgen sur cette lettre, il est satisfait de la non-réponse de Rome qui signifie pour lui une approbation tacite :
De Morgen – En septembre, vous avez écrit une lettre au Vatican dans laquelle vous exprimez que l’église doit montrer plus de respect pour l’homosexualité, les personnes divorcées et les relations modernes. Quelle fut l’étincelle qui vous a décidé à envoyer cette lettre à travers le monde ?
Mgr Bonny – « Personne ne m’a demandé d’écrire cette lettre, cela vient de moi. On m’a confié un évêché avec des personnes qui y vivent. Pour le dire en langage biblique : on a confié un troupeau au berger et c’est mon devoir de m’en occuper le mieux possible. Cela veut notamment dire que je dois exprimer ce qui se vit à l’intérieur de la communauté des croyants. Quels sont leurs soucis ? Quelles sont leurs joies ?
Naturellement, ce qui est important pour moi est que le pape François a déplacé des balises. Cela a beaucoup réveillé en moi. Je ne peux pas rester un spectateur neutre à ces changements, je veux y participer. Par ailleurs, tout le monde à un moment donné de sa vie est confronté à des relations, des amitiés, de la famille et à l’éducation des enfants. Nous ne devons pas nier qu’il existe au sein de l’Église des traumatismes à ce propos. Beaucoup trop de gens se sont sentis exclus pendant un long moment. Cette rupture de confiance, L’Église ne peut la réparer qu’en parlant de manière ouverte et sincère des thèmes qui préoccupent vraiment les gens. »
Beaucoup réagissent avec soulagement et se réjouissent du fait que vous parliez de manière ouverte des relations et des formes familiales modernes. Mais autant de personnes se demandent pourquoi cela a pris autant de temps.
» Je comprends parfaitement. Comme évêque, nous avons trop longtemps cru qu’il était impossible de discuter de certains enseignements ou règles disciplinaires. Pour ne pas rejeter nos croyants, nous agissions avec pragmatisme. C’est ainsi qu’un fossé de plus en plus grand s’est installé entre l’enseignement officiel de l’Église et la pratique quotidienne.
Mais il y a une autre raison pour laquelle cette nouvelle ouverture a pris autant de temps (réfléchissez un peu). Je veux le formuler en des termes positifs. Le pape Paul VI et surtout le pape Jean-Paul II étaient des personnes éminentes et des grands papes. Ils ont avec justesse misé sur le mariage. Il y avait beaucoup de côtés positifs à leur histoire, mais en même temps cela ne correspondait pas totalement à ce que les gens aujourd’hui pensent ou ressentent par rapport à ce genre de thématiques. Avec le pape François, il y a eu du mouvement. Dans sa lettre : « la joie de l’Évangile », paru fin 2013, il a réellement déplacé des balises quant à ce qui pouvait être discuté. Il a rendu l’enseignement de l’église plus proche de la réalité vécue et donne plus de place pour la diversité dans le débat. »
Avez-vous eu une réaction à votre lettre ?
« Non, je n’ai eu aucune réponse officielle de Rome. »
Est-ce bon signe ou mauvais signe ?
« On m’a toujours dit que pas de nouvelles, bonnes nouvelles. Non, sérieusement : en novembre, j’étais à Rome pour une réunion, c’est alors que différents cardinaux, évêques, et théologiens sont venus me dire qu’ils avaient lu ma lettre avec beaucoup d’intérêt et m’ont remercié. J’ai senti que les mêmes questions les préoccupaient et qu’ils voulaient participer activement au débat. »
Même s’il n’a pas été déçu par le résultat catastrophique contenu dans la « Relatio post disceptationem », il pense que l’Eglise doit aller encore plus loin dans l’accueil des « holebis ».
Ses réponses à De Morgen sont sans équivoque :
Au synode des évêques en octobre, aucun consensus n’a été trouvé concernant les holebis et les divorcés. Ce sont surtout les évêques d’Afrique et d’Asie qui tenaient aux points de vue conservateurs. Une défaite ?
« Pas du tout. Avant François, il y avait un statu quo officiel à propos de ces thèmes et très peu de possibilités de discussion. En moins de deux ans, le pape a réussi à mettre une discussion en route à propos de ce dossier. Croyez-moi : à l’intérieur d’une communauté mondiale très diversifiée qu’est l’Église catholique, cela n’est pas évident. »
Qu’est-ce qui est selon vous possible à long terme ? L’Église donnera-t-elle sa bénédiction à des couples croyants holebis ?
« Personnellement, je trouve que dans l’Église il devrait y avoir plus d’ouverture pour la reconnaissance de la qualité de fond d’un couple holebi. Cette forme de vie à deux doit alors répondre aux mêmes exigences que le mariage religieux. Les valeurs de fond sont pour moi plus importantes que la forme institutionnelle. L’Éthique chrétienne défend la relation durable ou l’exclusivité, la fidélité et le soin pour l’autre sont centraux. À côté de cela il y a encore l’ouverture pour la vie nouvelle, ou du moins la responsabilité que les partenaires prennent pour être généreux dans ce que l’on donne aux enfants et aux jeunes. Il faut accepter que ces critères-là puissent être présents dans une diversité de relation et il faut chercher à donner une forme à ces relations. »
Pensez-vous qu’il soit possible que des couples holebis qui ont l’ambition de vivre selon l’éthique de l’Église aient la chance de pouvoir se marier religieusement ?
« Je ne veux pas dénier que la particularité d’une relation homme femme est un élément stable de notre tradition chrétienne. Dans un premier temps, nous allons privilégier cette relation homme femme dont la fécondité peut donner vie à un enfant. Cette relation gardera au sein de l’Église son caractère sacramentel et sa liturgie propre. Mais cette particularité ne doit pas rester exclusive et n’exclut pas qu’il existe une diversité de relation dont l’Eglise peut reconnaître la qualité fondamentale.
Nous devons, en effet, chercher une reconnaissance formelle de la « relationalité » présente chez beaucoup de couples holebis croyants. Cela doit-il être une reconnaissance sacramentelle du mariage ? Peut-être que l’Église devrait plutôt réfléchir à la diversité de forme de reconnaissance. Cette discussion est la même pour le mariage civil. En Belgique, il existe le même modèle pour les relations hommes femmes que pour les relations homosexuelles. Mais il existe d’autres possibilités, qui selon moi, sont autant valables. Il n’est peut-être pas nécessaire de mettre toutes les relations dans le même modèle. »
Afin que ce soit clair : vous dites que l’Église doit reconnaître formellement les relations holebis ?
« Comme il existe dans notre société une diversité de cadres légaux pour les partenaires, il devrait également, au sein de l’église, y avoir une diversité de forme de reconnaissance. De cette manière, on s’empêche de tomber dans l’engrenage des discussions idéologiques complexes. Je suis un partisan d’une diversité de formes de reconnaissances qui partent de la pratique pastorale ou de la pensée pastorale plutôt que des discussions de principe. Parce que ces derniers apportent très souvent des différends et génèrent souvent la discorde. Plusieurs grands-parents m’ont expliqué qu’ils étaient contents que j’écrive une telle lettre. Ils ne sont pas non plus intéressés par une discussion de principe. Ils veulent tout d’abord garder leurs enfants et petits-enfants unis, holebis ou pas. Parce qu’ils les aiment tous tout autant.
À Noël, ils veulent également inviter leur petite fille avec son amie lesbienne sans que cela crée des tensions. La vie est à ce point concrète, n’est-ce pas ? Des questions aussi concrètes sont seulement solvables avec beaucoup d’humanité et de compréhension, mais pas avec des discussions de principe. La même dynamique est active dans l’église. La communauté ecclésiale est une grande famille et ma première préoccupation est de savoir comment favoriser ce réflexe. En effet, je ne veux pas minimiser la signification des questions doctrinales, mais comme évêque je me reconnais surtout dans ses grands-parents. Moi aussi je veux garder la famille unie. Je veux que tous les membres de la famille continuent à se fréquenter, à fêter Noël ensemble et à former une communauté solidaire. »
Mgr d’Anvers n’a pas beaucoup d’opposants ! Les seuls qui ont osé protester officiellement sont les jeunes de l’Union des étudiants catholiques flamands » dont le Président n’est autre que Wouter Jambon, le fils du vice-Premier ministre Jan Jambon.
Dans un communiqué l’association étudiante estime que « l’évêque d’Anvers Johan Bonny a franchi une limite en proposant la reconnaissance ecclésiastique des relations bi- et homosexuelles » et qu’avec ses propos, l’évêque dépasse une limite « de dogmatique et de morale ». Le sacrement du mariage doit demeurer l’union d’un homme et d’une femme, écrivent les étudiants catholiques : « Dieu désire que la sexualité se passe dans le cadre du mariage. De cette manière, l’objectif de la sexualité, la reproduction de l’homme, est la fondation d’une famille ». Mgr Bonny « semble vouloir considérer les relations sexuelles se produisant en dehors du mariage comme n’étant pas des péchés » […] Cela a pour conséquence que tout le monde, homosexuels et personnes mariées, pourrait entretenir des relations sexuelles en dehors du mariage sans que cela soit considéré comme un péché par l’Eglise. »
En revanche, il a de nombreux et puissants soutiens. En premier lieu celui du cardinal Kasper, dont il fut un proche collaborateur au Conseil pontifical pour l’Unité des chrétiens. En second lieu celui des milieux progressistes[3] de Rome où l’on pense sérieusement à le placer à la tête de l’Eglise belge… ce qui serait un atout supplémentaire pour François qui vient d’obtenir la palme du pape le plus populaire chez les Français de gauche avec 93% d’opinions favorables…[4]
Mgr Bonny, s’il n’est plus catholique[5], a au moins le mérite de la clarté et l’audace de nous dire crument ce qui va se passer au synode d’octobre 2015 : le renoncement officiel de l’Eglise « concilaire » au titre de « catholique ».
Sources : De morgen/Infocatho.be/Belgicatho/La Croix/Riposte Catholique/
- Mgr André Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles et donc Primat de Belgique, est la cible des lobbies Gays qui lui reprochent ses positions sur la sexualité conformes à la doctrine de l’Église catholique, basée à la fois sur la tradition et sur la Bible. Cette dernière condamne en effet explicitement le comportement homosexuel (voir les versets Lévitique 18.22 et 20.13, épître aux Romains 1.27, et première épître à Timothée 1.10). Dans un livre d’entretiens que lui consacre Louis Mathoux publié en août 2006, il déclare : « Je comprends que, dans certains milieux, on se montre prudent quant à l’engagement de personnes homosexuelles pour des missions éducatives concernant des jeunes. » Le 23 avril 2013, alors qu’il donne une conférence à l’Université libre de Bruxelles, Mgr Léonard est agressé par quatre membres des Femen qui l’aspergent d’eau en criant des slogans tels que « Stop Homophobia » et « Léonard y’en a marre » [↩]
- De Morgen du 27/12/2014 : « Bonny wil kerkelijke erkenning holebi’s »[↩]
- Le Professeur Luc Perrin [Faculté Théologique de Strasbourg], dans un message du 2 janvier 2015 sur le FC, écrit à ce propos : « Je pense plutôt que Mgr Bonny joue le rôle de « poisson-pilote » en chape et mître pour Mgr Bruno Forte, théologien italien d’une autre stature, très en cour auprès du pape François et installé dans les instances dirigeantes du Synode de 2014 et 2015. Ce point aurait été lancé au Synode sous l’influence directe dudit Mgr Forte. C’est à lui qu’il faut s’intéresser, ce sont ses écrits qu’il faut regarder : l’évêque d’Anvers est le « leurre », le pêcheur c’est Mgr Forte qui en amont tient la canne à pêche ». [↩]
- Sondage Odoxa pour iTélé et Le Parisien-Aujourd’hui en France du 19 décembre 2014[↩]
- Par le fait même qu’il enseigne autre chose que le Magistère de l’Eglise catholique[↩]