Synode sur la synodalité : l’“Instrumentum laboris” (2)

Illustration graphique de la conversation dans l’Esprit

Qu’est-​ce que « la conver­sa­tion dans l’Esprit », méthode de dia­logue prô­née par l’Église synodale ?

Illustration gra­phique de la conver­sa­tion dans l’Esprit

La manière dont l’IL expose les résul­tats obte­nus est issue de l’immanence, dans laquelle ce n’est pas le résul­tat objec­tif qui compte, mais ce que pensent ou res­sentent les per­sonnes lors d’une dis­cus­sion ou d’un échange sur un sujet don­né. L’assemblage de cette « expé­rience » n’a pas abou­ti à une défi­ni­tion, mais à une des­crip­tion – une appré­hen­sion – de ce qu’est une Eglise synodale.

L’IL pro­pose, tou­jours sous l’angle de la méthode, la sys­té­ma­ti­sa­tion de cette méthode sous le titre : « Une manière de pro­cé­der pour l’Eglise syno­dale : la conver­sa­tion dans l’Esprit ». Il est néces­saire de se pen­cher sur cette méthode et spé­cia­le­ment sur ses pré­sup­po­sés théologiques.

Une méthode découverte par le processus synodal

« Tout au long de la pre­mière phase du synode et sur tous les conti­nents, on a vu et recon­nu la fécon­di­té de la méthode appe­lée ici “conver­sa­tion dans l’Esprit”, adop­tée au cours de la pre­mière phase et appe­lée dans cer­tains docu­ments “conver­sa­tion spi­ri­tuelle” ou encore “méthode syno­dale” » (n° 32).

Le texte essaie d’expliquer la por­tée de cette méthode : « le terme “conver­sa­tion” n’indique pas un simple échange d’idées, mais cette dyna­mique dans laquelle la parole pro­non­cée et écou­tée génère une fami­lia­ri­té qui per­met aux par­ti­ci­pants et par­ti­ci­pantes de deve­nir intimes les uns avec les autres. La pré­ci­sion “dans l’Esprit” iden­ti­fie le pro­ta­go­niste authen­tique (n° 33). »

Puis : « la conver­sa­tion entre frères et sœurs dans la foi ouvre l’espace pour “une écoute com­mune” de l’Esprit » (Ibid.) Ainsi, comme dans un concile, pour lequel le Saint-​Esprit a été pro­mis par le Christ, la conver­sa­tion entre fidèles peut abou­tir à rece­voir une illu­mi­na­tion particulière.

Le docu­ment conti­nue : « Dans les Eglises locales qui l’ont pra­ti­quée au cours de la pre­mière phase, la conver­sa­tion dans l’Esprit a été “décou­verte” comme ce cli­mat d’écoute et de confiance per­met­tant le par­tage des expé­riences de vie et comme cet espace de dis­cer­ne­ment de Eglise syno­dale (n° 34). » La com­mu­nau­té devient donc capable de rece­voir et de dis­cer­ner une nou­velle révé­la­tion, ou du moins d’interpréter la Révélation d’une nou­velle façon.

« Dans les docu­ments finaux des Assemblées conti­nen­tales, cette pra­tique est décrite comme un moment de Pentecôte, une occa­sion de faire l’expérience d’être Eglise et de pas­ser de l’écoute des frères et sœurs en Christ à l’écoute de l’Esprit (Ibid.). » Le terme de Pentecôte réaf­firme cette capa­ci­té de récep­tion de la communauté.

Le but de cette méthode est explicité ensuite

« Concrètement, la conver­sa­tion dans l’Esprit peut être décrite comme une prière par­ta­gée en vue d’un dis­cer­ne­ment en com­mun, auquel les par­ti­ci­pants et par­ti­ci­pantes se pré­parent par la réflexion per­son­nelle et la médi­ta­tion (n° 37). » Le but est donc de dis­cer­ner, mais dis­cer­ner quoi et com­ment ? Cela est pré­ci­sé dans les trois étapes de cette méthode.

« La pre­mière est consa­crée à la prise de parole de cha­cun et cha­cune, à par­tir de sa propre expé­rience per­son­nelle relue dans la prière pen­dant le temps de pré­pa­ra­tion. Les autres écoutent en silence sans entrer dans des débats ou des dis­cus­sions en sachant que chaque per­sonne a une contri­bu­tion pré­cieuse à appor­ter (Ibid.). »

Lors de la deuxième étape « chaque membre du groupe prend la parole : non pas pour réagir et contrer ce qui a été enten­du, en réaf­fir­mant sa propre posi­tion, mais pour expri­mer ce qui, au cours de l’écoute, l’a tou­ché le plus pro­fon­dé­ment et ce par quoi il ou elle se sent le plus inter­pel­lé (Ibid.). »

Enfin la troi­sième étape consiste « à iden­ti­fier les points clés qui ont émer­gé et à déga­ger un consen­sus concer­nant les fruits du tra­vail com­mun (…) dans lequel il peut se sen­tir repré­sen­té. (…) Il faut faire preuve de dis­cer­ne­ment, en prê­tant atten­tion aux voix mar­gi­nales et pro­phé­tiques et en ne négli­geant pas l’importance des points sur les­quels des désac­cords appa­raissent (n° 39). »

La méthode semble capi­tale aux yeux des rédac­teurs. Ainsi : « Compte tenu de l’importance de la conver­sa­tion dans l’Esprit pour ani­mer le vécu de l’Eglise syno­dale, la for­ma­tion à cette méthode, et en par­ti­cu­lier l’enjeu d’avoir des per­sonnes capables d’accompagner les com­mu­nau­tés dans cette pra­tique, est per­çue comme une prio­ri­té à tous les niveaux de la vie ecclé­siale (n° 42). »

La raison théologique profonde de la méthode

Ce qui explique la néces­si­té de cette méthode, c’est d’abord la volon­té inclu­sive pro­fonde : « une Eglise syno­dale est une Eglise ouverte et accueillante. Elle s’adresse à tous et toutes. Ce mou­ve­ment de l’Esprit fran­chit toute fron­tière pour entraî­ner tout le monde dans son dyna­misme. (n° 26) » Tout doit bien être com­pris par tous les humains. Tous peuvent par­ti­ci­per et doivent être écoutés.

Cela est par­ti­cu­liè­re­ment impor­tant pour la dimen­sion œcu­mé­nique de l’Eglise, comme cela est expli­qué plus loin : « dans l’unique bap­tême, tous les chré­tiens par­ti­cipent au sen­sus fidei ou sens sur­na­tu­rel de la foi (cf. Lumen Gentium 12), c’est pour­quoi, dans une Eglise syno­dale, tous doivent être écou­tés atten­ti­ve­ment (B 1.4 a) ».

Cette affir­ma­tion est fon­da­men­tale et pro­fon­dé­ment erro­née. Cette erreur sur le sen­sus fidei est au fon­de­ment de l’idée d’Eglise syno­dale et en fait toute la fra­gi­li­té, voire l’inanité. Tout d’abord Il est tota­le­ment étran­ger à l’Ecriture et à la Tradition de dire que le sen­sus fidei s’étend au-​delà de la juri­dic­tion de l’Eglise – autre­ment dit chez les autres chré­tiens non-catholiques.

La rai­son pro­fonde est que ce sen­sus fidei, que l’on peut tra­duire par « sens de la foi » ou encore « ins­tinct de la foi », dépend direc­te­ment du Magistère de l’Eglise, il ne peut donc se ren­con­trer chez ceux qui n’y sont pas sou­mis et encore moins chez des hérétiques.

Une autre rai­son est que, contrai­re­ment à ce qui est sup­po­sé – et par­fois affir­mé – dans le docu­ment, la foi des fidèles n’est aucu­ne­ment une source du Magistère, ni un lieu théo­lo­gique : c’est avant tout une récep­tion de l’enseignement du Christ à tra­vers l’Eglise, duquel il puise tout ce qu’il est. C’est la foi du fidèle qui a reçu cet enseignement.

Toute l’Eglise et le pro­ces­sus syno­dal appa­raît sus­pen­du à l’apparition d’une « nou­veau­té » dans l’Eglise à tra­vers le sen­sus fidei, certes repris et « dis­cer­né » par la hié­rar­chie, mais nou­veau­té tout de même. C’est une défor­ma­tion du sen­sus fidei ame­née par le concile Vatican II, paral­lè­le­ment à l’élévation du sacer­doce com­mun des fidèles au détri­ment du sacer­doce consacré.

En for­çant à peine le trait, il s’agit d’une trans­po­si­tion de la démo­cra­tie moderne au sein de l’institution de l’Eglise : après une « consul­ta­tion de la base », et une remon­tée par divers canaux, la nou­veau­té sur­gie du Peuple de Dieu doit être dis­cer­née, voire théo­ri­sée ou dog­ma­ti­sée pour « réfor­mer » l’Eglise.

Cette erreur grave ne peut que conduire à l’impasse : le peuple ain­si consul­té et exal­té vient-​il à pro­po­ser des élé­ments contraires ou diver­gents de la foi, que fera le dis­cer­ne­ment épis­co­pal ? S’il refuse, la décep­tion – et la reven­di­ca­tion – seront à la mesure du sen­ti­ment de frus­tra­tion éprou­vé. S’il accepte, il intro­duit alors l’incohérence au sein de la foi… ce qui peut se nom­mer aus­si : l’hérésie.

A suivre…

Source : Saint-​Siège – FSSPX.Actualités
Illustration : © synod​.va