Synode sur la synodalité : l’“Instrumentum laboris” (3)

Crédit : Antoine Mekary / Godong

L’étude de l’Instrumentum labo­ris (IL) pour la pro­chaine assem­blée du synode des évêques qui doit se tenir en octobre, peut se faire sous plu­sieurs aspects. Le pre­mier et le deuxième articles ont consi­dé­ré l’élaboration du docu­ment à tra­vers les deux pre­mières phases syno­dales, puis la méthode pré­co­ni­sée pour la suite.

Ce troi­sième article exa­mine les points qui seront pro­po­sés à la dis­cus­sion lors de l’Assemblée du mois d’octobre. Ils sont réunis sous les « trois ques­tions prio­ri­taires pour l’Eglise syno­dale » : com­mu­nion, mis­sion et participation.

Fiches de travail

Ces fiches « ont été pré­pa­rées pour faci­li­ter le tra­vail de dis­cer­ne­ment sur « les trois prio­ri­tés ». Elles doivent être appré­hen­dées selon le « dyna­misme de l’Assemblée ». Ce point est détaillé plus bas.

« Lors de son dérou­le­ment, l’Assemblée pro­cé­de­ra selon la méthode de la conver­sa­tion dans l’Esprit. Ce qui lui per­met­tra de gar­der un lien avec la manière de pro­cé­der qui a carac­té­ri­sé le pro­ces­sus syno­dal, mais sur­tout, en don­nant d’expérimenter direc­te­ment cette manière de faire, l’assemblée pour­ra mettre en lumière com­ment cette méthode pour­rait deve­nir par­tie inté­grante de la vie ordi­naire de l’Eglise et comme une moda­li­té par­ta­gée pour dis­cer­ner ensemble la volon­té de Dieu. »

L’Eglise syno­dale devrait donc sur­gir de l’expérience de l’assemblée syno­dale. Nous sommes en pleine praxis : la méthode syno­dale doit être mise au point par l’expérience, ce qui pour­ra per­mettre de défi­nir cette Eglise, sans doute : il s’agit de créer un agir qui défi­ni­ra l’être. Le monde à l’envers.

Une communion qui rayonne

La pre­mière série de fiches tourne autour de la com­mu­nion. Quelles sont les pré­oc­cu­pa­tions prin­ci­pales de cette Eglise qui doit être syno­dale, dans notre monde laï­ci­sé et déchristianisé ?

« Les Assemblées conti­nen­tales ont indi­qué plu­sieurs direc­tions pour se déve­lop­per en tant qu’Eglise syno­dale mis­sion­naire : (…) les pauvres, (…) le chan­ge­ment cli­ma­tique, (…) les mou­ve­ments migra­toires, (…) être arti­sans de paix, (…) la libé­ra­tion et la pro­mo­tion des pauvres, (…) les divorcés-​remariés, les poly­games ou les LGBT, (…) la dis­cri­mi­na­tion raciale, tri­bale, eth­nique, de classe ou de caste, (…) les per­sonnes han­di­ca­pées » (B 1.1).

Une autre direc­tion est don­née par « un enga­ge­ment œcu­mé­nique renou­ve­lé ». Ainsi « La syno­da­li­té et l’œcuménisme sont deux che­mins à par­cou­rir ensemble, avec un objec­tif com­mun : un meilleur témoi­gnage chré­tien. Celui-​ci peut prendre la forme d’une vie com­mune dans un “œcu­mé­nisme de la vie” à dif­fé­rents niveaux, y com­pris les mariages inter­con­fes­sion­nels. » (B 1.4)

Inviter aux mariages inter­con­fes­sion­nels est tota­le­ment oppo­sé à la Tradition. Mais le pire est à suivre : la jus­ti­fi­ca­tion théo­lo­gique qui en est don­née. « L’engagement de construire une Eglise syno­dale a plu­sieurs impli­ca­tions œcu­mé­niques : a) dans l’unique bap­tême, tous les chré­tiens par­ti­cipent au sen­sus fidei ou sens sur­na­tu­rel de la foi (cf. LG 12), c’est pour­quoi, dans une Eglise syno­dale, tous doivent être écou­tés atten­ti­ve­ment. » (B 1.4)

L’erreur est gra­vis­sime. Prétendre que « tous les chré­tiens » par­ti­cipent au sen­sus fidei révèle la notion de l’Eglise chez les rédac­teurs : ils ne sont pas loin du « pan­chris­tia­nisme » condam­né par l’encyclique Mortalium ani­mos. Une consé­quence en découle : l’œcuménisme obligatoire.

« Tous les docu­ments finaux des Assemblées conti­nen­tales sou­lignent l’étroite rela­tion entre la syno­da­li­té et l’œcuménisme, et cer­tains y consacrent des cha­pitres entiers. Tant la syno­da­li­té que l’œcuménisme sont enra­ci­nés dans la digni­té bap­tis­male de tout le Peuple de Dieu. » (Ibidem)

L’Eglise syno­dale est une Eglise œcu­mé­nique : elle a per­du la vraie notion de l’Eglise catho­lique et la théo­lo­gie du bap­tême. Et cette perte est pro­fon­dé­ment enra­ci­née dans l’esprit des fidèles.

Co-​responsables de la mission

Cette idée se déve­loppe d’abord dans le domaine litur­gique : « Le pro­ces­sus syno­dal res­taure une vision posi­tive des minis­tères, qui ins­crit les minis­tères ordon­nés dans le cadre plus large des minis­tères ecclé­siaux. (Il y a) une cer­taine forme d’urgence à dis­cer­ner les cha­rismes émer­gents et les formes appro­priées d’exercice des minis­tères bap­tis­maux (minis­tères ins­ti­tués, minis­tères extra­or­di­naires et minis­tères recon­nus de fac­to) au sein du Peuple de Dieu. » (B 2.2)

Le fon­de­ment de ce bou­le­ver­se­ment conti­nu de la litur­gie est tou­jours le même : « Une récep­tion sereine du Concile Vatican II émerge, avec la recon­nais­sance de la digni­té bap­tis­male comme fon­de­ment de la par­ti­ci­pa­tion de cha­cun à la vie de l’Eglise. » La suite détaille :

« Comment la célé­bra­tion du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie doit-​elle être vécue pour être l’occasion de témoi­gner et de pro­mou­voir la par­ti­ci­pa­tion et la cores­pon­sa­bi­li­té de tous et toutes en tant que par­ti­ci­pants actifs à la vie et à la mis­sion de l’Eglise ? Quels sont les che­mins (…) pour favo­ri­ser une com­pré­hen­sion de la minis­té­ria­li­té qui ne se réduise pas au minis­tère ordon­né ? » (Ibidem) A quand la confir­ma­tion – voire la messe – par des laïcs ?

La ques­tion des femmes suit immé­dia­te­ment : « les ques­tions à pro­pos de la par­ti­ci­pa­tion des femmes, de leur recon­nais­sance, (…) de la pré­sence des femmes à des postes de res­pon­sa­bi­li­té et de gou­ver­nance sont appa­rues comme des élé­ments cru­ciaux dans la recherche d’une manière de vivre la mis­sion de l’Eglise dans un style plus syno­dal ». (B 2.3) Viennent les pro­po­si­tions pratiques.

« Quelles mesures concrètes l’Eglise peut-​elle prendre pour renou­ve­ler et réfor­mer ses pro­cé­dures, ses dis­po­si­tifs ins­ti­tu­tion­nels et ses struc­tures afin de per­mettre une plus grande recon­nais­sance et par­ti­ci­pa­tion des femmes, y com­pris dans la gou­ver­nance, les pro­ces­sus déci­sion­nels et la prise de déci­sion, dans un esprit de com­mu­nion et en vue de la mis­sion ? » (Ibidem)

En par­ti­cu­lier : « La plu­part des Assemblées conti­nen­tales (…) demandent que la ques­tion de l’accès des femmes au dia­co­nat soit réexa­mi­née. Peut-​on l’envisager et com­ment ? » Aurons-​nous bien­tôt une déci­sion héré­tique ? (Ibidem)

Une autre ques­tion régu­liè­re­ment agi­tée est le céli­bat sacer­do­tal : « Est-​il pos­sible, comme le pro­posent cer­tains conti­nents, d’ouvrir une réflexion sur la pos­si­bi­li­té de revoir, au moins dans cer­tains domaines, la dis­ci­pline sur l’accès au pres­by­té­rat d’hommes mariés ? » (Ibidem)

Vient le tour des évêques : « Il y a une demande pour des struc­tures de gou­ver­nance adé­quates, ins­pi­rées par une plus grande trans­pa­rence et une plus grande res­pon­sa­bi­li­té, ce qui affecte éga­le­ment la manière dont le minis­tère de l’évêque est exer­cé. » Cela « exige des chan­ge­ments cultu­rels et struc­tu­rels ». (B 2.5)

« 2) Comment l’exercice du minis­tère épis­co­pal sollicite-​t-​il la consul­ta­tion, la col­la­bo­ra­tion et la par­ti­ci­pa­tion aux pro­ces­sus déci­sion­nels du peuple de Dieu ? 3) Selon quels cri­tères un évêque peut-​il être éva­lué et s’auto-évaluer concer­nant la manière dont il accom­plit son ser­vice dans un style syno­dal ? » Plus loin, le Pape se retrouve sous le feu de cette ques­tion : « Comment le rôle de l’évêque de Rome et l’exercice de la pri­mau­té doivent-​ils évo­luer dans une Eglise syno­dale ? » (Ibidem)

Participation, gouvernance et autorité

C’est la remise en cause de l’autorité, mais aus­si de ses formes dans l’Eglise : « Quel renou­vel­le­ment de la com­pré­hen­sion et des formes concrètes d’exercice de l’autorité, de la res­pon­sa­bi­li­té et de la gou­ver­nance est-​il néces­saire pour gran­dir en tant qu’Eglise syno­dale mis­sion­naire ? » (B 3.1)

La ques­tion pra­tique suit : « Comment pouvons-​nous envi­sa­ger des pro­ces­sus de déci­sion plus par­ti­ci­pa­tifs, qui laissent place à l’écoute et au dis­cer­ne­ment en com­mun, pro­mus par l’autorité qui a reçu la charge de ser­vir l’unité ? » (B 3.2)

Le point sui­vant roule constam­ment sur la demande de « chan­ger les struc­tures » : conseils pas­to­raux, dio­cé­sains, parois­siaux, conseils pour les affaires éco­no­miques, les synodes dio­cé­sains ou épar­chiaux, avec la mise en œuvre de méca­nismes favo­ri­sant la trans­pa­rence et ouverts à la par­ti­ci­pa­tion de tous. (B 3.3)

Enfin, ce qui mani­feste plus par­ti­cu­liè­re­ment les inten­tions est la demande sui­vante : « Que peut-​on apprendre de la manière dont les ins­ti­tu­tions publiques et le droit public et civil tentent de répondre au besoin de trans­pa­rence et de res­pon­sa­bi­li­té éma­nant de la socié­té (sépa­ra­tion des pou­voirs, organes de contrôle indé­pen­dants, obli­ga­tion de rendre publiques cer­taines pro­cé­dures, limi­ta­tion de la durée des man­dats, etc.) ? » (Ibidem)

Car il est bien connu que notre socié­té civile est d’une trans­pa­rence écla­tante et qu’il n’y a aucune com­bine, entente d’une quel­conque manière dans les diverses démo­cra­ties modernes… Sans oublier un détail : la consti­tu­tion divine de l’Eglise nous a été don­née par Jésus-​Christ, qui est Dieu, et elle est irréformable.

Le der­nier point abor­dé concerne l’autorité des confé­rences épis­co­pales et du synode des évêques en par­ti­cu­lier : deux ins­ti­tu­tions qui n’ont aucun fon­de­ment dans la Sainte Ecriture ou la Tradition et qui n’ont par elles-​mêmes et par essence que qua­li­té de conseil.

L’assemblée doit encore être tenue, mais l’IL par sa simple teneur est déjà une révo­lu­tion : aucune ques­tion n’est refu­sée ou reje­tée, pas même celle qui est déjà héré­tique en soi, ou poten­tiel­le­ment des­truc­trice de l’ordre éta­bli par Dieu dans son Eglise. L’avenir est déjà très sombre.

Source : Saint-​Siège – FSSPX.Actualités
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