Une nouvelle croisade du Rosaire nous invite à une campagne de chapelets et de sacrifices, à la veille du centenaire des apparitions de la très sainte Vierge à Fatima. À quoi bon ? pensera-t-on. Arrêtons-nous tout d’abord aux intentions de cette Croisade. Il s’agit de répondre aux demandes de Notre-Dame. On retient en général que le pape doit lui consacrer la Russie. Mais sait-on que la très sainte Vierge demande aussi que chacun pratique et propage la dévotion à son Cœur Immaculé ? Qu’avons-nous fait jusqu’ici ? Une autre intention a été ajoutée aux précédentes : implorer la protection de Notre-Dame sur la Fraternité et les communautés de la Tradition. On ne peut douter de l’importance de cette intention : une précédente croisade ne nous avait-elle pas préservés, en 2012, d’un accord avec Rome, comme l’avait confié Mgr Fellay peu après ?
Quant aux moyens, ils ne font que reprendre les demandes de Notre-Dame : la pratique et la propagation de la dévotion à son Cœur Immaculé. La pratique de cette dévotion consiste dans la récitation quotidienne du chapelet (Notre-Dame est revenue sur ce point à chacune des six apparitions), ainsi que dans l’esprit de réparation, concrétisé par la dévotion des cinq premiers samedis du mois : seulement cinq mois de suite pour venir consoler Notre-Dame par la communion, la confession, le quart d’heure de méditation (il s’agit de tenir compagnie à notre Mère du Ciel en méditant un ou plusieurs mystères du Rosaire), et la récitation du chapelet.
Est-ce si difficile ? Quel enfant ne tiendrait pas à consoler ainsi sa Mère qui lui ferait cette simple requête ? Peut-être l’avons-nous déjà fait. Mais si cela plaît tant à Notre-Dame, pourquoi ne pas commencer une nouvelle série ? N’oublions pas que Notre-Dame promet le salut à ceux qui embrasseront la dévotion à son Cœur Immaculé.
Cette dévotion exige aussi la pratique du sacrifice : les enfants de Fatima en sont un exemple impressionnant. Relisons leur si belle histoire, racontée par soeur Lucie dans ses Mémoires, ou encore écrite par le chanoine Barthas, Icilio Felici, ou le Frère François de Marie des Anges.
Alors qu’aujourd’hui le combat fait rage, il nous faut résister, parfois héroïquement, aux sirènes du monde : bien-être, confort, plaisir, jouissance…
Contre ces attaques terriblement nocives (elles engourdissent et ramollissent les âmes), le Ciel nous rappelle la salutaire réalité du mérite, de l’effort et de la pénitence. Nos ancêtres les croisés nous ont frayé la voie : neuf cent-vingt ans après la première croisade, il nous est demandé à notre tour, non pas de tout abandonner pour libérer le Saint-Sépulcre, mais de quitter notre petit confort pour délivrer les âmes captives du démon. Soyons dignes de nos aïeux et généreux pour pratiquer la mortification chrétienne qui commence avant tout par l’observance de la Loi de Dieu et du devoir d’état.
Nous ne devons pourtant pas nous limiter à la prière et à la pénitence pratiquées dans cet esprit : il nous faut aussi propager cette dévotion, selon les possibilités que nous offre notre devoir d’état.
À ce point de vue, la distribution de la médaille miraculeuse est un excellent moyen d’aborder le sujet de la religion avec son prochain : si Marie, par son Fiat, nous a donné Notre-Seigneur, c’est encore elle qui lui amène les âmes des pauvres pécheurs. Et si certains avaient encore des objections contre cette forme d’apostolat, nous ne pouvons que leur recommander d’en faire l’expérience à leur tour !
Un dernier point attirera notre attention : faut-il compter systématiquement ses prières et ses sacrifices ? Si cela peut facilement se faire pour les chapelets, que dire au sujet des sacrifices ? Peut-on même les comparer entre eux ? Y a‑t-il équivalence entre les vœux d’une âme consacrée qui renouvelle à tout instant son sacrifice, et une âme qui se prive d’un carré de chocolat ? Que l’on ne s’y méprenne pas : les sacrifices sont offerts à Dieu, qui seul en mesure toute la valeur, qu’il y en ait un ou cent. Le fait de les compter pourra simplement encourager à en faire, à l’exemple des enfants de la Croisade Eucharistique. Mais il ne faudrait pas tomber dans un esprit mercantile avec le bon Dieu. Loin d’un calcul mesquin, Il nous demande de savoir Lui donner avec joie, généreusement, sans compter. C’est la charité qui fait la valeur du mérite et du sacrifice. Quel enfant, parti consoler sa mère éplorée, mesurerait exactement ses marques d’affection et ses bonnes paroles ?
Aux armes catholiques ! Prions le chapelet, sacrifions-nous, en gravant en nous ces paroles de Notre-Dame aux pastoureaux :
« Beaucoup d’âmes vont en enfer, parce qu’elles n’ont personne qui prie et se sacrifie pour elles. »
Abbé Raphaël d’Abbadie d’Arrast, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Sources : Petit Eudiste de Gavrus d’octobre 2016/La Porte Latine du 10 novembre 2016