Santo subito : un miracle subitement explicable donc nullement miraculeux !

La désor­mais « dé-​miraculée » par la science, Mme Floribeth Mora-​Diaz, du Costa-​Rica, le 24 avril 2014 à Rome 

« Qui veut trop prou­ver ne prouve rien » disait déjà Thomas Fuller au XVIIe siècle. Nous pour­rions rajou­ter, avec Pythagore, qu’il faut « craindre, par trop de pré­ci­pi­ta­tion, d’a­voir à rou­gir de sa folie ».

C’est ain­si que les pos­tu­la­teurs de la cause des saints se sont pris les pieds dans le tapis en vou­lant, à marche for­cée et contre toute évi­dence, que Jean-​Paul II soit cano­ni­sé à la vitesse de l’éclair.

En fin de compte c’est la foudre qui vient de tom­ber sur François et sur Rome avec la révé­la­tion que le miracle attri­bué au pape polo­nais n’en était pas un puis­qu’il a une expli­ca­tion scien­ti­fique comme le démontre l’ar­ticle ci-dessous.

La Porte Latine

Ce miracle qui n’en est pas un, par le Dr Jean-​Pierre Dickès

Commentaire à pro­pos du cas de Mme Mora-Diaz

Nous sommes tous por­teurs d’anévrismes (dila­ta­tion d’une artère) dont l’origine est variable sou­vent méta­bo­lique (cho­les­te­rol, tabac). Les rup­tures d’anévrysmes sont de 7 à 11 pour 100 000. Donc raris­simes. Nous en sommes tous porteurs.

La décou­verte d’un ané­vrisme est dans ce cas for­tuite en rai­son de maux de tête variables fina­le­ment assez banaux. D’emblée il n’y a pas de signes de rup­ture dont les signes cli­niques sont gra­vis­simes, même si elles sont très rares. En plus des maux de tête se déclenchent :

- une crise épileptique ;

- une perte de conscience brève ou prolongée ;

- un coma.

Il n’y a rien de tout cela. A prio­ri il n’y a pas d’inquiétude. La preuve est don­née par le texte du Dr Bertin (1) :

« Cependant, les docu­ments envoyés par le Dr Vargas indiquent que le second bilan radio­lo­gique n’a eu lieu que le 11 novembre 2011, c’est-à-dire plus six mois après. Ce qui est étonnant. »

Personne ne s’est affo­lé. Pourquoi ? Tout sim­ple­ment parce que cette affaire appa­raît comme banale. La patiente est gar­dée en obser­va­tion. Mais un des signes de la béni­gni­té que n’a pas men­tion­né le Dr Bertin est don­né par défaut. Nulle part n’est don­née la taille de cet ané­vrisme. En clair cela veut dire qu’il était petit donc bénin. La preuve ? La patiente est ren­voyée à domicile.

Nulle part n’apparaît la notion de sai­gne­ment dans les docu­ments ico­no­gra­phiques. Mais si cela était le cas un resai­gne­ment affecte seule­ment 9 à 15% des patients admis à l’hôpital. Ce qui est rare mais bien sûr grave.

Les images radio­lo­giques montrent une throm­bose, c’est-à-dire la for­ma­tion d’un caillot. Qu’est-ce qu’un caillot dans un orga­nisme : c’est un bou­chon ? C’est le cas par exemple de la peau. Il y a donc un bou­chon à cet endroit.

Bien sûr celui qui ne connaît pas l’anatomie du cer­veau peut pen­ser que cela est grave comme par exemple au niveau du cœur où cela donne un infarc­tus par­fois mortel.

Mais dans le cer­veau la nature a bien fait les choses : il existe à la base du cer­veau tout un sys­tème d’artères impor­tantes appe­lé le Polygone de Willis qui apporte du sang de plu­sieurs endroits…Et il ne se passe rien sinon des maux de têtes qui dis­pa­raissent plus ou moins rapi­de­ment et même peuvent être entre­te­nus par le psy­chisme alors qu’il n’y a plus rien et que le caillot s’est « rétrac­té » ou même dis­sous, ce qui est la gué­ri­son complète.

Quant au cafouillage des publi­ca­tions diverses, il montre bien qu’il y a un flou entre­te­nu par Rome prou­vant bien que cette affaire est une sol­li­ci­ta­tion d’un miracle qui n’existe pas. Notamment la volon­té de refu­ser le dos­sier que le Dr Bertin a obte­nu par la bande et par chance.

Un der­nier mot enfin. Le Dr Puybasset, men­tion­né par le Dr Bertin, est un homme de répu­ta­tion inter­na­tio­nale. C’est lui qui en mars der­nier par l’observation des IRM a mis un sys­tème de lec­ture per­met­tant de savoir si un malade va sor­tir du coma. Catholique de convic­tion il est fon­ciè­re­ment enga­gé dans le com­bat pour la vie. Or il conteste que dans ce cas il y ait eu un « miracle ».

Dr Jean-​Pierre Dickès

Sources : CRC/​LPL du 10 juin 2014

Notes

(1) Lettre du 23 avril 2014 du Dr Bertin au nonce apos­to­lique de France
Monsieur le Nonce,
La gué­ri­son excep­tion­nelle de madame Floribeth Mora-​Diaz au Costa-​Rica a été pré­sen­tée par la Congrégation pour les Causes des Saints comme un miracle, attes­tant une volon­té divine de voir abou­tir la cano­ni­sa­tion du pape Jean-​Paul II .
Cependant, il y a déjà presque un an, en juillet 2013, deux confrères méde­cins émi­nents – le doc­teur François Blin, Président de la Fédération Européenne des Associations de Médecins Catholiques et le pro­fes­seur Louis Puybasset, chef de l’unité de neu­ro­réa­ni­ma­tion chi­rur­gi­cale de l’hôpital de la Pitié-​Salpêtrière ( Paris) – avaient émis de sérieuses réserves sur le carac­tère médi­ca­le­ment inex­pli­cable de cette guérison.
Malheureusement, à cette date, les don­nées de l’imagerie médi­cale rela­tives à ce cas cli­nique n’étaient pas faci­le­ment acces­sibles à la com­mu­nau­té médicale.
Au cours des der­niers mois, nous avons pu, quelques amis méde­cins catho­liques et moi-​même, mener une enquête sur ce sujet, scien­ti­fi­que­ment étonnant.
C’est ain­si que nous sommes fina­le­ment entrés en contact, il y a peu de temps, avec le Dr Alejandro Vargas-​Roman, neu­ro­chi­rur­gien trai­tant de madame Mora-​Diaz. Celui-​ci a bien vou­lu nous com­mu­ni­quer les prin­ci­paux docu­ments d’imagerie médi­cale réa­li­sés avant et après la gué­ri­son de sa patiente.
Au vu de ces docu­ments et au vu des don­nées des der­nières publi­ca­tions médi­cales sur ce cas, nous avons acquis la convic­tion, à notre tour, que cette gué­ri­son – quoique tout à fait excep­tion­nelle – n’est pas médi­ca­le­ment inex­pli­cable. Nous sommes convain­cus qu’elle n’aurait pas été décla­rée mira­cu­leuse sui­vant les cri­tères du Bureau des Constatations Médicales et du Bureau Médical International de Lourdes.
Des expli­ca­tions plus détaillées sont expo­sées sur le site inter­net de la Contre-​Réforme catho­lique au XXie siècle (2). Sur la base des infor­ma­tions scien­ti­fiques objec­tives dont nous dis­po­sons, nous ne pou­vons com­prendre que le Saint-​Siège ait enga­gé son cré­dit pour décla­rer mira­cu­leuse la gué­ri­son de madame Floribeth Mora-Diaz.
Bien que n’étant qu’un simple fidèle de l’Église Catholique Romaine, je tenais à faire savoir aux plus hautes auto­ri­tés de l’Église ma conster­na­tion à ce sujet. Ceci en rai­son de mon désir ardent de voir l’Église prise au sérieux par tous les hommes épris de véri­té, en par­ti­cu­lier la com­mu­nau­té médi­cale à laquelle j’appartiens.
Par avance, soyez très vive­ment remer­cié pour l’attention prê­tée à ma lettre.
J’ai l’honneur, Monsieur le Nonce, de pré­sen­ter à Votre Excellence, l’assurance de ma res­pec­tueuse considération.
Docteur Georges BERTIN, Docteur en méde­cine, spé­cia­liste d’oto-rhino-laryngologie.

(2) Le mou­ve­ment de la CRC qui a publié cette lettre n’est pas recom­man­dé. Ce mou­ve­ment, entre autres délires, consi­dère cette « cano­ni­sa­tion » comme l’aboutissement de l’apostasie et le pape François comme le nou­veau saint Pie X !

Ancien président de l'ACIM † 2020

Décédé en 2020, le doc­teur Jean-​Pierre Dickès fut de 2000 à 2020 pré­sident de l’Association Catholique des Infirmières et Médecins et pro­fes­sion­nels de san­té, qui publie les Cahiers Saint Raphaël. Il a entre autre écrit un livre fameux : La bles­sure, qui retrace la crise moder­niste vue de l’in­té­rieur d’un sémi­naire en 1965.