Ne mettez pas la prière en vacances

Avec les vacances, il est par­fois dif­fi­cile de tenir des horaires, et la vie de prière peut en pâtir.

Quand nous étions en pre­mière année de sémi­naire, et que les vacances en famille appro­chaient, nos pro­fes­seurs nous met­taient en garde : les vacances sont un bon test pour mesu­rer la fer­veur. Loin de la vie de com­mu­nau­té, sans une par­tie des offices en com­mun, il peut être dif­fi­cile de main­te­nir une vie de prière aus­si fer­vente qu’au sémi­naire. Ce constat peut aus­si se faire pour vous, chers fidèles. Avec les vacances, il est par­fois dif­fi­cile de tenir des horaires, et la vie de prière peut en pâtir. Alors, pour vous aider à ne pas mettre la prière en vacances, nous vou­drions rap­pe­ler quelques véri­tés sur cette « élé­va­tion de notre âme vers Dieu ». 

La pre­mière chose dont il faut se convaincre, c’est que la prière est néces­saire. Autrement dit : elle ne peut pas ne pas être. C’est la res­pi­ra­tion de l’âme. On res­pire pour res­ter en vie. On prie pour res­ter uni à l’Auteur de la Vie. Une objec­tion peut cepen­dant naître dans les esprits : mais pour­quoi prier, par­ler à Dieu, lui faire des demandes, puisqu’Il connaît tout ? Le caté­chisme du Concile de Trente répond. Il dit que nous ne sommes pas des ani­maux sans rai­son ; et que Dieu n’est pas une abs­trac­tion, un être ima­gi­naire. C’est une Personne, c’est notre Père. Il est donc nor­mal que ses enfants lui parlent. Dieu pour­rait bien sûr nous com­bler sans aucune demande, sans aucune prière. Mais si on obte­nait tout sans aucune demande, on fini­rait par oublier Dieu pour lequel nous sommes faits. C’est pour­quoi Notre-​Seigneur Jésus-​Christ dit : Il faut tou­jours prier (Lc 18, 1). Et Il ajoute un argu­ment déci­sif, celui de notre fai­blesse : Sans moi, vous ne pou­vez rien faire (Jn 15, 5) ; Veillez et priez afin que vous ne tom­biez point dans la ten­ta­tion. L’esprit est prompt, mais la chair est faible (Mt 26, 41). 

Le pape Pie XII, dans une allo­cu­tion aux pré­di­ca­teurs de Carême, disait en 1943 : Personne ne peut, sans la prière, obser­ver pen­dant long­temps la loi divine et évi­ter une faute grave. Car la prière, dit le théo­lo­gien Garrigou-​Lagrange, est le moyen nor­mal, uni­ver­sel et effi­cace, par lequel Dieu veut que nous obte­nions toutes les grâces actuelles dont nous avons besoin. Rappelons que ces grâces actuelles sont des secours pas­sa­gers de Dieu, pour faire le bien et évi­ter le mal. 

Donc il faut prier. Mais sur­tout il faut… bien prier. Pour cela, il importe de se rap­pe­ler que prier ne veut pas dire uni­que­ment deman­der. On prie d’abord pour ado­rer Dieu, pour re-​connaître qu’Il est le créa­teur et le maître de toutes choses. On prie ensuite pour le remer­cier. Il faut savoir faire des neu­vaines d’action de grâce. On prie encore pour deman­der par­don. Enfin, on prie pour deman­der les grâces dont on a besoin. Mais il faut d’abord deman­der les biens spi­ri­tuels avant les biens maté­riels. C’est pour­quoi Notre-​Seigneur dit : Cherchez donc pre­miè­re­ment le royaume de Dieu et sa jus­tice, et toutes ces choses [la nour­ri­ture et le vête­ment] vous seront don­nées par sur­croît (Mt 6, 33). 

Bien prier signi­fie aus­si que notre prière doit être accom­pa­gnée de cer­taines qua­li­tés. Il faut tout d’abord y faire preuve d’humilité. Saint Jacques nous pré­vient : Dieu résiste aux orgueilleux, et il accorde sa grâce aux humbles (Jc 4, 6). Le même apôtre nous fait com­prendre qu’il faut prier avec confiance : Mais qu’il demande avec foi, sans hési­ter ; celui qui hésite […] ne rece­vra rien du Seigneur (Jc 1, 6–7). La confiance naît de la foi en la toute-​puissance de Dieu, en sa bon­té et en sa misé­ri­corde. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus disait que la confiance est le vase avec lequel on puise la grâce de Dieu. Plus il est grand, plus on obtient de Dieu. 

Il est éga­le­ment impor­tant de prier avec atten­tion. En effet, on ne peut pas deman­der à Dieu de nous écou­ter… si nous ne prê­tons pas nous-​mêmes atten­tion à ce que nous disons. Notre-​Seigneur a fait ce reproche aux Pharisiens : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi (Mt 15, 8). Bien sûr, nous ne sommes pas des anges, de purs esprits ; les dis­trac­tions sont humaines. Mais elles sont sou­vent très fré­quentes car on oublie de se mettre en pré­sence de Dieu avant de prier. Avant la prière, il faut se rap­pe­ler à qui on s’adresse. Et il faut savoir dépo­ser ses pré­oc­cu­pa­tions au pied du tabernacle. 

Il faut encore prier avec per­sé­vé­rance. Le caté­chisme du concile de Trente affirme : C’est par là sur­tout que la prière est effi­cace. Notre-​Seigneur a une para­bole pour mon­trer l’importance de la per­sé­vé­rance dans la prière, celle de la veuve et du juge inique (Lc 18, 1–8). Une veuve demande à un juge de s’occuper d’une affaire qui la concerne. Ce juge, qui ne craint ni Dieu ni les hommes, ne veut pas inter­ve­nir dans un pre­mier temps. Mais comme la veuve insiste, il dit : Parce que cette veuve m’importune, je lui ferai jus­tice. Et Notre-​Seigneur ajoute : Entendez ce que dit ce juge d’iniquité. Et Dieu ne ferait pas jus­tice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et il tar­de­rait à les secou­rir ? Il faut per­sé­vé­rer et donc prendre l’habitude de la prière quotidienne. 

Il faut éga­le­ment prier avec contri­tion, avec le regret sin­cère de ses péchés. Le caté­chisme du concile de Trente parle des péchés qui font obs­tacles à nos prières. Il cite les crimes, la colère, le refus de par­don­ner, la dure­té envers les pauvres, l’orgueil, le non-​respect des com­man­de­ments. Prenons garde, dit-​il, de res­ter impla­cables envers ceux qui ont eu des torts envers nous. C’est pour­quoi Notre-​Seigneur affirme : Lorsque vous vous tien­drez debout pour prier, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, pardonnez-​lui, afin que votre Père qui est dans les cieux vous par­donne aus­si vos péchés (Mc 11, 25).

Enfin, on ne peut que vous encou­ra­ger, chers fidèles, à la prière en famille. Le pape Pie XII, dans le dis­cours déjà cité aux pré­di­ca­teurs de Carême, se montre insis­tant : Réveillez dans l’âme des fidèles le sen­ti­ment de l’ancienne et pieuse cou­tume de la prière com­mune en famille. Qu’elle soit accom­plie de façon à ce que les enfants n’en éprouvent pas de fatigue ou de dégoût, mais se sentent plu­tôt entraî­nés à l’augmenter. […] Et comme la vie publique, pleine de dis­trac­tions et d’embûches, trop sou­vent au lieu de pro­mou­voir les biens les plus pré­cieux de la famille, la fidé­li­té conju­gale, la foi, la ver­tu et l’innocence des enfants, les met en dan­ger, la prière au foyer domes­tique est aujourd’hui presque plus néces­saire qu’aux temps pas­sés. Le pape explique que les parents qui prient en famille sont des exemples : L’image de la mère de famille en prière est pour son mari et ses enfants une vision de la grâce de Dieu ; et le sou­ve­nir d’un père qui, dans sa pro­fes­sion, fût-​il dans un poste émi­nent, gère de grandes entre­prises en res­tant un homme de pié­té et de dévo­tion, est sou­vent un exemple d’admiration salu­taire pour le jeune homme aux prises avec les dan­gers et les luttes spi­ri­tuelles de l’âge mûr. 

Que ces quelques consi­dé­ra­tions nous rem­plissent tous de fer­veur, car la prière fer­vente du juste a beau­coup de puis­sance (Jc 5, 16).

Abbé Vincent Grave

Source : Lou Pescadou n° 201