Lettre n° 49 de Mgr Bernard Fellay aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX d’octobre 1995

Chers Amis et Bienfaiteurs,

omment ne pas rap­pe­ler, à la veille de l’anniversaire des vingt-​cinq ans d’existence de la Fraternité, ce jour de grâce où Monseigneur Lefebvre reve­nait de l’évêché de Fribourg ayant en ses mains le docu­ment de l’érection de notre Fraternité Saint Pie X !

Depuis plu­sieurs années déjà, Monseigneur Lefebvre avait eu, avec une finesse de per­cep­tion extra­or­di­naire, la com­pré­hen­sion de ce qui était en train d’arriver à l’Église : une crise qui, sous Pie XII, cou­vait, gron­dait, allait écla­ter au grand jour, ce qui arri­va avec le concile Vatican II. Dans cette crise, ce qui frap­pait Monseigneur, était sur­tout la déca­dence de l’esprit sacer­do­tal et en même temps la com­pré­hen­sion que notre Mère, la sainte Église, ne se relè­ve­rait de cette épreuve que par et dans la sanc­ti­fi­ca­tion du Sacerdoce :

« Comment réa­li­ser ce qui m’apparaissait alors comme la seule solu­tion de renou­veau de l’Église et de la chré­tien­té ? C’était encore un rêve, mais dans lequel m’apparaissait déjà la néces­si­té non seule­ment de trans­mettre le sacer­doce authen­tique, non seule­ment la sana doc­tri­na approu­vée par l’Église, mais l’esprit pro­fond et immuable du Sacerdoce catho­lique et de l’esprit chré­tien lié essen­tiel­le­ment à la grande prière de Notre-​Seigneur qu’exprime éter­nel­le­ment son sacri­fice de la Croix » (Mgr Lefebvre, Itinéraire spi­ri­tuel, pré­face).

Monseigneur avait sai­si clai­re­ment – dans ce bou­le­ver­se­ment qui ébran­lait la mai­son de Dieu de la cave au gre­nier et qui, ouvrant tout grand les fenêtres, avait fait ren­trer en tem­pête l’esprit du monde, l’esprit de nou­veau­té, l’esprit libé­ral, l’esprit de com­pro­mis – que la seule défense de la foi, de la morale, même et peut-​être sur­tout d’une saine phi­lo­so­phie ne suf­fi­rait pas. Un raz de marée était en train de tout empor­ter, du prin­cipe de non-​contradiction jusqu’à la foi au Mystère de la Très Sainte Trinité : vent de folie, vent blas­phé­ma­teur, vent de rebelles qui éclate aujourd’hui au grand jour dans des entre­prises chi­mé­riques comme ce mirage de l’an 2000 ou dans ses actions anar­chiques des « églises de base » en Autriche, en Allemagne.

Le seul moyen de rele­ver l’Église, c’est le sacer­doce, le moyen de rele­ver le sacer­doce, c’est la sainte Messe, le Sacrifice. Ainsi, à la petite congré­ga­tion qu’il fonde, Monseigneur assi­gne­ra comme but :

« Le sacer­doce et tout ce qui s’y rap­porte, et rien que ce qui les concerne, c’est-à-dire tel que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ l’a vou­lu lorsqu’il a dit : « Faites ceci en mémoire de moi ». Orienter et réa­li­ser la vie du prêtre vers ce qui est essen­tiel­le­ment sa rai­son d’être, le saint Sacrifice de la messe, avec tout ce qu’il signi­fie, tout ce qui en découle, tout ce qui en est le com­plé­ment (Statuts de la Fraternité, chap. III).

Dieu vient au secours de son Église dans les temps dif­fi­ciles, dans la tour­mente, en sus­ci­tant la sain­te­té. Tous les siècles ont vu leurs héros qui ont com­mu­ni­qué à l’Église un nou­vel élan de sain­te­té, de géné­ro­si­té, d’esprit mis­sion­naire pour sau­ver les âmes, pour réfor­mer les mœurs.

Or, toute la sain­te­té de l’Église découle, de par la volon­té du divin Epoux, de la sainte Messe :

« Une connais­sance théo­lo­gique pro­fonde du Sacrifice de la messe les convain­cra tou­jours plus qu’en cette réa­li­té sublime se réa­lise toute la révé­la­tion, le mys­tère de la foi, l’achèvement des mys­tères de l’Incarnation et de la Rédemption, toute l’efficacité de l’apostolat » (Statuts, chap. II).

La sainte Messe est le cœur de l’Église, le Mysterium fidei, le mys­tère de la foi, la mani­fes­ta­tion quo­ti­dienne de la plus grande des cha­ri­tés, la cha­ri­té du Dieu incar­né qui se sacri­fie pour le salut de ses créa­tures. But de l’Incarnation, centre de la vie du Christ, le Sacrifice de la croix, renou­ve­lé sur l’autel, est aus­si le centre de la vie de l’Église. De ce Sacrifice qui, du levant au cou­chant et en tout lieu est offert en obla­tion pure au nom de Dieu (cf. Ml 1, 11), découlent toutes les grâces de salut, de Rédemption, toute la gloire des saints du ciel, toute la louange que l’Église élève vers la Très Sainte Trinité, toute la vie chré­tienne de ver­tus, de patience dans les peines, de cha­ri­té. De l’autel coule encore bien plus abon­dam­ment que du rocher de Moïse ce flot de vic­toire contre le démon et ses sup­pôts, ce flot de lumière pour les intel­li­gences qui les conduit jusqu’à la sou­mis­sion de la foi, ce flot d’Amour divin dési­reux d’enflammer toutes les bonnes volon­tés. De la mort de Notre-​Seigneur, renou­ve­lée, repré­sen­tée sacra­men­tel­le­ment sur l’autel, jaillit jusque dans l’éternité la vie pour toute l’Église, et même pour la société.

« Regnavit a ligno Deus » Dieu a régné par la Croix. Ah, si les hommes savaient, embour­bés dans les marasmes qu’ils se sont eux-​mêmes fabri­qués, pré­ten­dant éta­blir un monde sans Dieu ; s’ils com­pre­naient enfin que tant la pros­pé­ri­té des nations que la paix du monde ne vient que de ce Sacrifice ter­rible du Fils de Dieu fait homme, don­né au monde, cru­ci­fié, mort, ense­ve­li, pour nous et notre salut !

Il valait bien la peine de se battre pour défendre l’Arche de la Nouvelle Alliance, la sainte Messe ; c’est d’elle, vrai­ment, que tout prêtre, toute l’Église doit attendre toute l’efficacité de l’apostolat, tout le bon­heur du ciel, tous les biens tem­po­rels, pour autant qu’ils soient néces­saires ou utiles au salut.

Jamais nous ne pour­rons suf­fi­sam­ment rendre grâce à Dieu de nous avoir fait vivre à cette époque, d’avoir été les témoins de deux évêques qui ont eu le cou­rage de défendre à tout prix la rai­son d’être de leur sacer­doce plé­nier. Que ce qui se passe à l’autel se renou­velle aus­si dans nos cœurs, accom­pa­gnant le Roi des rois dans sa mys­té­rieuse conquête des âmes et des socié­tés. Redoublons de prières et de sacri­fices, unis à notre chef glo­rieux Notre-​Seigneur Jésus-Christ.

Chers fidèles, mer­ci à vous qui avez ren­du pos­sible par votre géné­ro­si­té, le déve­lop­pe­ment admi­rable de l’œuvre de la Fraternité.

Daigne Notre-​Dame, à l’occasion de cet anni­ver­saire, nous obte­nir la grâce d’une fidé­li­té sans faille à la foi de tou­jours, un amour indé­fec­tible envers Dieu. Daigne Notre-​Dame nous bénir de sa mater­nelle pro­tec­tion et faire croître cette œuvre tota­le­ment vouée au ser­vice de l’Église, jusqu’à ce qu’enfin soit réa­li­sé plei­ne­ment le vœu ardent de David :

« Levez-​Vous, Seigneur, pour entrer dans votre repos, Vous et l’arche de votre sain­te­té ; que vos prêtres soient revê­tus de jus­tice et que vos Saints tres­saillent de joie » (Ps 131 8–9).

Le 11 octobre 1995, en la fête de la Maternité de la très sainte Vierge Marie

+ Bernard Fellay

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FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.