Parution officielle – janvier 2005

Editorial, par l’ab­bé Régis de Cacqueray

Bien que l’agitation révo­lu­tion­naire for­men­tée par cette asso­cia­tion ne se pro­duise guère qu’à Paris, il est néces­saire de mettre en garde contre ses menées réso­lu­ment diri­gées contre la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X sous cou­vert de lui venir en aide.

Sensu Fidei s’est en effet fixé comme objet

« de coopé­rer avec la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X dans le res­pect des mis­sions qu’elle accom­plit et des fonc­tions qu’elle exerce confor­mé­ment à ses sta­tuts d’origine qui la défi­nissent comme essen­tiel­le­ment apos­to­lique (Statuts du 2 X 2004). »

Il nous est pré­ci­sé par ailleurs qu’

« il est évident que l’association Sensus Fidei , si elle est pro­fon­dé­ment res­pec­tueuse du cler­gé de la Fraternité pris dans son ensemble, est consti­tuée et doit fonc­tion­ner de façon tota­le­ment indé­pen­dante de sa hié­rar­chie, ce qui est d’ailleurs conforme à la lettre et à l’esprit de son objet social ( Yves Amiot, Création de l’Association Sensus Fidei, 22 octobre 2004). »

Cette pré­ten­tion à l’indépendance se trouve en oppo­si­tion radi­cale avec l’obligation d’obéissance et de sou­mis­sion aux auto­ri­tés de l’Eglise rap­pe­lée en par­ti­cu­lier par tous les papes d’avant le concile Vatican II, de Léon XIII à Pie XII sans excep­tion, en appli­ca­tion du « pré­cepte très grave » de l’apôtre saint Paul cité par Léon XIII dans son ency­clique Graves de Communi du 18 jan­vier 1901 :

« Obéissez à vos supé­rieurs et soyez-​leur sou­mis ; car ce sont eux qui veillent comme devant rendre compte de vos âmes (Hebr.XIII,17). »

L’ obli­ga­tion s’applique évi­dem­ment à tous les aspects de l’activité des fidèles. Saint Pie X, qui en sou­ligne l’application au domaine des œuvres de l’apostolat, four­nit les motifs pro­fonds de cette néces­saire dépendance :

« Toutes les œuvres qui viennent direc­te­ment en aide au minis­tère spi­ri­tuel et pas­to­ral de l’Eglise, et qui par suite se pro­posent une fin reli­gieuse visant direc­te­ment le bien des âmes, doivent dans tous leurs détails être subor­don­nés à l’autorité de l’Eglise . »

Et le pape poursuit :

« Mais même les autres œuvres qui sont prin­ci­pa­le­ment fon­dées pour res­tau­rer et pro­mou­voir dans le Christ la vraie civi­li­sa­tion chré­tienne et qui consti­tuent l’action catho­lique, ne peuvent nul­le­ment se conce­voir indé­pen­dantes du conseil et de la haute direc­tion de l’autorité ecclé­sias­tique, d’autant plus qu’elles doivent tout aux prin­cipes de la doc­trine et de la morale chré­tienne, il est bien moins pos­sible de les conce­voir en oppo­si­tion plus ou moins ouverte avec cette auto­ri­té( « Il fer­mo pro­po­si­to » du 11 juin 1905). »

Cette dépen­dance néces­saire est encore rap­pe­lée par le pape Pie XII dans son dis­cours aux par­ti­ci­pants du pre­mier congrès de l’apostolat des laïcs du 14/​10/​1951 :

« Il va de soi que l’apostolat des laïcs est subor­don­né à la hié­rar­chie apos­to­lique. Celle-​ci est d’institution divine ; il ne peut donc être indé­pen­dant vis-​à-​vis d’elle. Penser autre­ment serait saper par la base le mur sur lequel le Christ Lui-​même a bâti Son Eglise. »

Les buts réels pour­sui­vis par Sensus Fidei, pour autant qu’on puisse les appré­hen­der, expliquent cette volon­té d’indépendance. L’association entend, en fait, agir comme un groupe de pres­sion auprès de la hié­rar­chie de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X afin de la contraindre à accep­ter ses objec­tifs. Monsieur Yves Amiot s’en est expli­qué sans ambages à l’occasion de son entre­tien avec mon­sieur Daniel Hamich le 17 novembre 2004 :

« Et plus nous serons nom­breux, plus nous serons impor­tants et plus nous pour­rons faire entendre notre voix pour réus­sir l’opération « Résurrection » de la Fraternité, que nous vou­lons conduire avant tout. »

Si l’on veut savoir où condui­ra la pré­ten­tieuse thau­ma­tur­gie qui consiste à plon­ger la Fraternité dans un nou­veau bain amnio­tique, il est recom­man­dé de se refé­rer à la « Déclaration de fidé­li­té à la Tradition Catholique » dis­tri­buée par Sensus Fidei. Derrière l’idée que « chaque prêtre catho­lique doit pou­voir accé­der à tous les autels catho­liques de la résis­tance », il faut com­prendre une sorte de tradi-​œcuménisme satis­fait de voir un Mgr Rifan ( ral­lié) ou un Mgr Dolan (sédé­va­can­tiste) suc­cé­der à l’un des évêques de la Fraternité pour y célé­brer leur messe…

Avant de ten­ter cette opé­ra­tion « Résurrection », qui res­semble fort à une insur­rec­tion, les diri­geants de Sensus Fidei devraient médi­ter les lignes de Saint Pie X concer­nant la volon­té d’indépendance qu’ils affichent :

« Puissent-​ils entendre cette véri­té, tant d’aveugles qui se pré­tendent catho­liques et cepen­dant réclament une indé­pen­dance abso­lue envers toute auto­ri­té et veulent une liber­té qui ne serait plus celle des fils de Dieu mais des rebelles de Lucifer ! Si l’obéissance est néces­saire en tout ordre des choses, ceux-​là pourraient-​ils s’en affran­chir qui se consacrent à des œuvres dont la dépen­dance est si intime avec la cha­ri­té et la reli­gion (Allocution de saint Pie X en réponse à l’adresse de mon­sieur Jean Lerolle, pré­sident de l’association catho­lique de la Jeunesse Française du 25 IX 1904). »

Mais il est pos­sible que la véri­table clef de l’attitude adop­tée par Sensus Fidei nous soit livrée par leur com­mu­ni­qué « Tentative de dia­bo­li­sa­tion de Sensus Fidei » du 12 jan­vier 2005 qui a déclaré :

« Sensus Fidei ne se situe pas dans le cadre légal de l’Eglise Romaine (sic !) – où les asso­cia­tions laïques sont d’ailleurs très nom­breuses – mais dans celui de la Fraternité Saint Pie X, ins­ti­tu­tion indé­pen­dante ( resic !) où les laïcs ont joué, depuis l’origine, un rôle déterminant. »

Inutile d’épiloguer long­temps sur cette décla­ra­tion véri­ta­ble­ment schis­ma­tique que nous récu­sons abso­lu­ment. La Fraternité Saint Pie X demeure dans le cadre légal de l’Eglise Romaine et n’est nul­le­ment indé­pen­dante d’Elle. Puissent les diri­geants de cette asso­cia­tion prendre conscience qu’appartenir à Sensus Fidei ne per­met pas de dire, d’écrire ou de faire n’importe quoi ni ne confert l’infaillibilité même à ceux qui s’en pré­valent si fort.

Abbé Régis de Cacqueray-Valménier †
Supérieur du District de France