30 septembre 2018

Reportage du pèlerinage aux prêtres martyrs de l’Ile Madame organisé par le prieuré Ste-​Marie de Bruges

L’Ile Madame. Petit coin de terre, à ras de l’o­céan, non loin des îles d’Aix et d’Oléron, relié au conti­nent par un pas­sage (la Passe aux bœufs) décou­vert seule­ment à marée basse. C’est en ce lieu que 254 prêtres mar­tyrs des pon­tons de Rochefort seront inhu­més durant l’é­té et l’au­tomne 1794, en pleine Terreur révolutionnaire.

C’est aus­si vers ce lieu qu’en ce 30 sep­tembre 2018 se dirigent des fer­vents pèle­rins. Rendez-​vous est fixé dans l’é­glise de Brouage, haut-​lieu du départ de la chris­tia­ni­sa­tion du Canada fran­çais, où les prêtres dépor­tés seront dépla­cés après leur séjour à l’Ile Madame. Une plaque dans l’église rap­pelle le pas­sage des prêtres dépor­tés et le décès de 36 d’entre eux en ce lieu. Sous le regard des ex-​voto des marins, dans l’é­clat du soleil levant, une prière place notre marche sous la pro­tec­tion de Notre-Dame.

Le pèlerinage vers l’Ile Madame

Puis nous pre­nons la direc­tion de Port-​des-​barques dans le petit matin, et par les sen­tiers à tra­vers les marais salants, nous rejoi­gnons la côte que nous lon­geons jus­qu’à Port-​des-​Barques, petit vil­lage à l’embouchure de la Charente.

Nous médi­tons par­ti­cu­liè­re­ment cette année sur l’exemple de saint prêtre lais­sé par le Padre Pio, dont on com­mé­more le 50e anni­ver­saire du rap­pel à Dieu et le cen­te­naire de la stig­ma­ti­sa­tion. Puisse ce modèle aider à faire lever une nou­velle mois­son d’ouvriers évangéliques.

Les Ave Maria se suc­cèdent, ain­si que les médi­ta­tions sur le sacer­doce et le rôle du prêtre, tan­dis que les péni­tents viennent cher­cher l’ab­so­lu­tion auprès de M. l’abbé de Sainte-​Marie. Cette année encore, on peut éga­le­ment voir les sœurs du Rafflay ain­si que les reli­gieuses de la Fraternité, tou­jours bien pré­sentes pour prier pour les prêtres !

Cette marche dans la nature est l’oc­ca­sion de se rap­pro­cher de Dieu, et de se rap­pe­ler aus­si ce qu’eurent à endu­rer ces pauvres curés et reli­gieux expé­diés là de toute la France, dénués de tout, si ce n’est de leur Foi, de leur amour de l’Église et de leur cha­ri­té sacerdotale.

A Port-​des-​Barques a lieu la pause déjeu­ner, avec ses suc­cu­lentes huîtres de Marennes, appré­ciées des ama­teurs. De nom­breux pèle­rins rejoignent d’ailleurs la colonne à ce moment-​là, dont nos abbés qui étaient en minis­tère le matin. Puis cap sur l’Ile Madame par la Passe-​aux-​Bœufs. Chacun prend soin d’y ramas­ser un galet qui sera pieu­se­ment dépo­sé tout à l’heure à la Croix des Galets.

Passée la stèle à l’en­trée de l’île, nous fai­sons halte à l’o­ra­toire à la Vierge. Celui-​ci rap­pelle que les prêtres, débar­qués sur l’île le 18 août 1794, eurent comme pre­mier soin de la consa­crer à Notre-​Dame de l’Assomption. La marche à tra­vers l’île, au milieu des étangs, des che­vaux et des genêts, nous per­met d’i­ma­gi­ner le sort de ces prêtres, dépouillés même de leurs vête­ments, n’ayant pour se pro­té­ger du soleil d’août comme des tem­pêtes d’é­qui­noxe que de frêles toiles de tente, qui seront même arra­chées par la vio­lence des ouragans.

Notre médi­ta­tion se pour­suit alors à la Croix des Galets, où furent décou­verts au début du XXe siècle les corps de quatre prêtres dis­po­sés en forme de croix. C’est sur ce même empla­ce­ment que la pié­té popu­laire a éri­gé, au fil des décen­nies, cette grande croix que nous pou­vons voir aujourd’­hui, et qui s’é­di­fie encore d’an­née en année.

Monsieur l’abbé Amaury Graff rap­pelle que ces prêtres ont été dépor­tés avec un immense esprit de Foi, et qu’ils ont lais­sé pour les prêtres d’aujourd’hui, un modèle de pau­vre­té, chas­te­té et obéis­sance, ain­si qu’en témoignent les récits lais­sés par plu­sieurs d’entre eux :

« Mais si notre corps souf­frait, quelle joie ne sentions-​nous pas au fond de nos cœurs, d’avoir été trou­vés dignes de souf­frir quelque chose pour Jésus-​Christ. Nous nous rap­pe­lions cette nuit où notre divin Sauveur fut pris dans le jar­din des olives et conduit à Jérusalem… »

Obéissance et sacri­fice de la volon­té : 2ème réso­lu­tion prise par les prêtres du pon­ton ‘Les Deux-Associés’ :

« Si Dieu per­met qu’ils recouvrent, en tout ou par­tie, cette liber­té après laquelle sou­pire la nature, ils évi­te­ront de se livrer à une joie immo­dé­rée, lorsqu’ils appren­dront la nou­velle. En conser­vant une âme tran­quille, ils mon­tre­ront qu’ils ont sup­por­té sans mur­mure la croix qui leur avait été impo­sée, et qu’ils se dis­po­saient à la sup­por­ter plus long­temps encore, avec cou­rage et en vrais chré­tiens qui ne se laissent pas abattre par l’adversité. »

Pauvreté et dépouille­ment : 8ème résolution

« Ils ne mon­tre­ront aucun regret de la perte de leurs biens, aucun empres­se­ment à les recou­vrer, aucun res­sen­ti­ment contre ceux qui les pos­sèdent ; mais ils rece­vront sans mur­mure les secours que la nation pour­ra leur accor­der pour leur sub­sis­tance, tou­jours contents du simple néces­saire, tant pour les vête­ments que pour la nourriture. »

Chasteté et mor­ti­fi­ca­tion : 5ème résolution :

« Ils se com­por­te­ront avec la plus grande modé­ra­tion et la plus exacte sobrié­té dans les auberges ; ils se gar­de­ront bien de faire la com­pa­rai­son, sur­tout devant des étran­gers des mets qu’on leur ser­vi­ra avec leur ancienne nour­ri­ture, et de paraître y mettre trop de jouis­sance ; l’empressement pour la bonne chère devien­drait un grand sujet de scan­dale pour les fidèles qui s’attendent à retrou­ver dans les ministres de Jésus-​Christ les imi­ta­teurs de sa pénitence. »

Enfin, ces prêtres furent rem­plis d’une cha­ri­té sacer­do­tale et fra­ter­nelle admi­rable : 9ème réso­lu­tion :

« Ils ne feront ensemble, dès à pré­sent, qu’un cœur et qu’une âme, sans accep­tion de per­sonnes, et sans mon­trer d’éloignement pour aucun de leurs frères, sous quelque pré­texte que ce soit. Ils ne se mêle­ront point de nou­velles poli­tiques, se conten­tant de prier pour le bon­heur de leur patrie et de se pré­pa­rer eux-​mêmes à une vie nou­velle, si Dieu per­met qu’ils retournent dans leurs foyers, et à y deve­nir un sujet d’édification et des modèles de ver­tu pour les peuples, par leur éloi­gne­ment du monde, leur appli­ca­tion à la prière et leur amour pour le recueille­ment et la piété. »

La messe à Port-des-Barques

Puis nous retour­nons à Port-​des-​Barques pour la messe en plein air, célé­brée par M. l’ab­bé Loïc Duverger, Assistant du District de France, assis­té par les abbés Jean-​Luc Radier (Prieur de Gastines et doyen de Nantes) et Benoît-​Joseph de Villemagne (Directeur des écoles Saint-​Michel et Philibert-​Vrau, et Doyen de Châteauroux), et chan­tée par les reli­gieuses de la Fraternité Saint-​Pie‑X, devant une assis­tance d’environ 300 fidèles.

On peut voir dans le chœur, côté évan­gile, une repro­duc­tion de la sta­tue de Notre-​Dame de Recouvrance, patronne mariale du dio­cèse de La Rochelle-​Saintes et gar­dienne des voca­tions, conser­vée dans l’église Saint-​Vivien de Pons (17). Cette sta­tue fut pré­ser­vée mira­cu­leu­se­ment de la fureur des pro­tes­tants durant les Guerres de reli­gion. A droite de l’autel, on voit une repro­duc­tion agran­die d’une petite croix sculp­tée par l’un des prêtre dépor­tés, et qui ser­vait à assis­ter les prêtres mou­rants. Ces objets litur­giques furent aima­ble­ment à notre dis­po­si­tion par les auto­ri­tés du diocèse.

Les nom­breux pèle­rins sont venus de tout l’Ouest, de Nantes à Lourdes, en pas­sant par les Deux-​Sèvres, la Vendée, Angoulême… Un verre de l’a­mi­tié a ter­mi­né cette belle jour­née dans la convivialité.

Mais avant de par­tir, M. l’ab­bé Amaury Graff nous a lais­sé un der­nier mot d’ordre : reve­nez encore plus nom­breux l’an pro­chain, et sur­tout, conti­nuez de prier pour les prêtres, actuels et futurs !

Que la Vierge Marie, Mère du Souverain Prêtre et Reine du Clergé, bénisse tous les pèle­rins de l’Ile Madame, et les conserve dans la fidé­li­té à la Foi et à l’Église, à l’exemple des prêtres-martyrs !

Sources : Prieuré de Bruges-​Abbé Graff