Dimanche 26 avril 2020 : Les catholiques ne sont pas des moutons

TEXTE DU SERMON

Version pdf imprimable

Mes biens chers frères,

Il est éton­nant et para­doxal de prê­cher pour les voca­tions sacer­do­tales – puisque c’est la cou­tume à l’occasion du dimanche du Bon Pasteur, deuxième dimanche après Pâques – dans une église qui est vide.

Les prêtres prient pour vous dans la journée

Pourtant le prêtre ne se défi­nit pas uni­que­ment par le nombre de fidèles pré­sents, le prêtre conti­nue l’œuvre du Christ, et c’est une souf­france pour le prêtre d’être sépa­ré des âmes que Dieu lui confie, d’être sépa­ré de vous, mes biens chers frères. Le prêtre est l’homme de la prière, il consacre sa vie à prier, prier Dieu pour le louer, pour l’honorer, et prier pour l’Eglise, au nom de l’Eglise, pour cha­cun d’entre vous, quand vous êtes à votre tra­vail, quand vous êtes à vos occu­pa­tions, prier à vos inten­tions. Tout au cours de la jour­née, un laïc dans le monde n’a pas le temps de prier ; le prêtre sanc­ti­fie la jour­née par son bré­viaire, l’Office divin, les réci­ta­tions des psaumes, par la célé­bra­tion de la messe, et ain­si il fait des­cendre sur l’Eglise les grâces de Dieu pour res­ter fidèle jusqu’à la mort à nos pro­messes de bap­tême (aujourd’hui nous avons eu l’occasion de faire un bap­tême, un nou­veau petit parois­sien, mal­gré les temps dif­fi­ciles, la vie sur­na­tu­relle conti­nue). Oui, le Christ est prêtre, pro­phète et roi, et le prêtre qui conti­nue l’œuvre du Christ qui est un autre Christ, mais pas un Christ dif­fé­rent, le prêtre, par sa voca­tion sacer­do­tale, conti­nue le sacer­doce du Christ, qui est un sacer­doce de prière.

Ah, s’il y avait plus de prêtres

Le Christ inter­cède pour nous, comme il l’a fait tout au cours de sa vie et il conti­nue d’intercéder pour nous par le prêtre. D’ailleurs, vous le savez bien et on l’enseigne dès le caté­chisme, au cours du saint sacri­fice de la messe, le prêtre ne dit pas « Ceci est le corps de Jésus » mais il dit « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang », quand il parle de corps et de sang, ce n’est pas le corps du prêtre en temps qu’homme, mais c’est le corps et le sang de Jésus qu’il consacre. Le prêtre, vous le voyez, par sa parole ne fait plus qu’un avec Jésus et donc son sacri­fice aus­si doit s’unir, le sacri­fice de sa vie, au sacri­fice que le Christ a offert. Cet esprit de sacri­fice est à la base de la vie sacer­do­tale. Si l’on ne conçoit pas la vie comme un sacri­fice offert à Dieu, on ne peut pas com­prendre la voca­tion sacerdotale.

Je vou­drais dire un mot aux jeunes, spé­cia­le­ment à ceux qui nous écoutent, ceux qui nous voient à cet ins­tant, peut-​être beau­coup d’entre vous ont l’occasion de voir des prêtres, sont très fidèles à la Tradition, à la messe tra­di­tion­nelle, ont une vie droite, exem­plaire, mais ils ont les messes faci­le­ment, ils ont accès aux sacre­ments faci­le­ment et fina­le­ment ils ne se posent pas la ques­tion de savoir : est-​ce que je ne devrais pas m’engager moi aus­si pour que ce que j’ai si faci­le­ment à ma por­tée, je puisse le por­ter aux autres ? Donner ma vie pour les autres, pour qu’eux-mêmes reçoivent ce que moi j’ai reçu et qui m’aide à vivre chré­tien­ne­ment. Peut-​être jus­te­ment cette sépa­ra­tion des sacre­ments que la Providence per­met, nous fait tou­cher du doigt com­bien nous nous sen­tons orphe­lins quand nous n’accédons pas au corps eucha­ris­tique de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Ah, s’il y avait plus de prêtres… « Laissez une paroisse sans prêtre, disait le saint curé d’Ars – et il s’y connais­sait en sacer­doce -, et on fini­ra par y ado­rer les bêtes ».

Nous avons besoin de médecins des âmes

Donc par leur sacer­doce, les membres du cler­gé conti­nuent l’œuvre sacer­do­tale de Jésus-​Christ, mais ils conti­nuent aus­si l’œuvre pro­phé­tique. Faisons atten­tion à cette expres­sion, quand nous pen­sons pro­phète, nous pen­sons tou­jours à celui qui annonce l’avenir, celui qui pré­dit les évé­ne­ments à venir, aujourd’hui il y a des pro­phètes, du moins beau­coup de faux pro­phètes. On a l’impression que des gens lisent dans l’avenir comme s’ils connais­saient tout comme Dieu. Non, ce n’est pas cela le pro­phé­tisme du prêtre, le pro­phète c’est celui qui parle au nom de Dieu, celui qui trans­met la parole de Dieu, qui explique la parole de Dieu. Pendant cette période de confi­ne­ment, les prêtres conti­nuent d’approfondir la connais­sance de Jésus-​Christ, la connais­sance de la théo­lo­gie, la connais­sance de l’enseignement qu’il est néces­saire de trans­mettre aux fidèles, c’est pour­quoi nous conti­nuons ces pré­di­ca­tions par ces nou­veaux moyens élec­tro­niques que nous avons, parce que l’Eglise ne peut pas se taire, l’Eglise doit par­ler en toutes circonstances.

Le prêtre doit étu­dier, il consacre son intel­li­gence tout au cours de sa vie à étu­dier non pas les sciences pro­fanes, mais les sciences de Dieu, pour pou­voir éclai­rer les fidèles, les gui­der, leur trans­mettre en véri­té ce que vrai­ment Jésus a ensei­gné, connaître les fausses doc­trines, les poi­sons, comme le méde­cin, on nous parle beau­coup des méde­cins aujourd’hui, les méde­cins doivent connaître les mala­dies et les nou­velles mala­dies, pour pou­voir en pro­té­ger les hommes, pour pou­voir les gué­rir, de même le prêtre doit connaître les erreurs, les erreurs qui se renou­vellent ou qui se déve­loppent pour pou­voir mieux les com­battre, pro­té­ger les fidèles, leur dire atten­tion, n’allez pas à droite, n’allez pas à gauche, là est l’erreur, ce n’est pas conforme au Christ. Aujourd’hui, dans le monde dif­fi­cile dans lequel nous vivons, avec ce pul­lu­le­ment d’erreurs, avec ce moder­nisme, nous avons besoin des prêtres, et nous avons besoin en consé­quence de jeunes qui consacrent leurs intel­li­gences à la défense de la véri­té pour défendre les âmes, pro­té­ger les âmes des mala­dies de l’âme qui sont bien plus graves que les mala­dies du corps.

La bonne herbe pour les brebis

Le Christ est prêtre, pro­phète, il est aus­si roi et le prêtre conti­nue la royau­té du Christ, il éta­blit la royau­té du Christ. Le prêtre est roi, cela ne veut pas dire qu’il est un pacha ou qu’il doit avoir uni­que­ment à s’occuper d’avoir la recon­nais­sance de ses fidèles, non, le roi c’est celui qui règne, c’est-à-dire celui qui régit les choses, celui qui conduit le trou­peau. Aujourd’hui c’est le dimanche du Bon Pasteur, le Christ se défi­nit comme le bon pas­teur, celui qui conduit ses bre­bis sur de bons pâtu­rages. Le prêtre est là pour s’occuper des âmes, pour leur mon­trer ce qu’il faut faire, pour les encou­ra­ger, pour leur don­ner la bonne nour­ri­ture spi­ri­tuelle, les sacre­ments. C’est pour cela que c’est une souf­france par­ti­cu­lière pour les prêtres aujourd’hui de ne pas avoir accès aux fidèles, ou d’avoir dif­fi­ci­le­ment accès aux fidèles, et cela ce n’est pas de leur volon­té, cela leur est imposé.

Bien chers frères, vous avez besoin des prêtres et les prêtres ont besoin des fidèles parce que les fidèles sont aus­si leur rai­son d’être, non pas que les fidèles doivent se mettre à la place du prêtre ou le prêtre à la place des fidèles, mais l’Eglise est un peuple, un peuple qui avance vers son Dieu, conduit avec une hié­rar­chie à laquelle les fidèles, pour le bien de leur âme sont sou­mis. Le Christ d’ailleurs défi­nit les âmes qu’il conduit comme des bre­bis qu’il conduit vers de verts pâtu­rages, il choi­sit la bonne herbe pour elles, il les pro­tège des loups ravis­seurs, de ceux qui veulent s’emparer des bre­bis ou de ceux qui pro­tègent les loups avec leurs crosses. C’est pour cela que leur prêtre est un homme d’autorité et qu’il doit savoir prê­cher à temps et à contre-temps.

Les catholiques ne sont pas des moutons

Malheureusement aujourd’hui, et même dans l’Eglise, il y a un silence de mort, c’est le silence des auto­ri­tés. Au moment des évè­ne­ments du Vietnam, quand le Vietnam est tom­bé dans les mains du com­mu­nisme, un évêque a fini par être expul­sé du Vietnam, qui défen­dait les catho­liques ; un évêque a écrit un très beau livre de témoi­gnage et il avait appe­lé ce livre Le temps des chiens muets : les chiens muets, c’est ceux qui avaient comme rôle de dénon­cer les per­sé­cu­teurs et qui ne le fai­saient pas. Mes bien chers frères, aujourd’hui nous sommes arri­vés aus­si au temps des chiens muets, il y a une véri­table oppo­si­tion qui se fait, sans qu’on ne com­prenne pour­quoi, au fait que les catho­liques puissent assis­ter dans des condi­tions tout à fait rai­son­nables, saines, aux offices de l’Eglise et cela ce n’est pas juste. Mes biens chers frères, les fidèles de l’Eglise catho­lique sont des bre­bis, ce ne sont pas des mou­tons que l’on mène n’importe com­ment, n’importe où.

Un gou­ver­ne­ment doit être res­pec­té dans ses mesures qui touchent le bien com­mun tant qu’il donne des rai­sons rai­son­nables à ces mesures, et c’est cela que nous atten­dons. Si l’on rouvre les salons de coif­fure et les fleu­ristes, les fidèles com­pren­dront qu’ils peuvent reve­nir, parce qu’il y a des biens qui sont autre­ment supé­rieurs aux biens phy­siques et à la déco­ra­tion. Nous avons besoin des sacre­ments, nous avons besoin de venir nous retrou­ver ensemble pour prier notre Dieu. La perte de la confiance de beau­coup de catho­liques vient du fait que beau­coup de mesures sont incom­pré­hen­sibles, on a lais­sé mou­rir des per­sonnes âgées, leur inter­di­sant, sous pré­texte de leur sau­ver la vie, les contacts avec leur famille, ou même la pré­sence du prêtre à l’heure de la mort et on les a tuées. On les a tuées. Aujourd’hui on pro­fite de ces mesures pour impo­ser des choses en douce comme le pro­lon­ge­ment de la pos­si­bi­li­té de l’avortement, deux semaines sup­plé­men­taires, c’est pas­sé pen­dant cette période de confi­ne­ment avec la pos­si­bi­li­té de l’avortement médi­ca­men­teux à domicile.

Dans un silence géné­ral, de l’autorité ecclé­sias­tique aus­si. L’on vou­drait entendre nos pas­teurs crier à l’Etat : laissez-​nous réta­blir le culte pour nos fidèles dans les églises ! Ce n’est pas dans des réunions entre toutes les reli­gions auprès de l’autorité en fai­sant venir aus­si les repré­sen­tants maçon­niques, que l’on pren­dra les bonnes déci­sions. N’exaspérons pas les âmes, expli­quons, don­nons les rai­sons, mais que ces rai­sons soient cohé­rentes. Les chré­tiens ne sont pas des mou­tons, ils ont des droits, ils ont des droits à leur culte. On ne se moque pas de Dieu. Cela c’est le rôle des évêques de le rap­pe­ler, aujourd’hui les fidèles le réclament de leurs prêtres, les prêtres le réclament de leurs évêques, et les évêques se taisent. Il faut ces­ser ce temps des chiens muets.

Marie, notre refuge

Mes biens chers frères, prions à ces inten­tions, nous allons avoir à la fin de la semaine le mois de Marie qui com­mence, Marie la toute-​puissante, le Cœur Immaculé de Marie qui est le refuge des pécheurs, et c’est elle qui triom­phe­ra, demandons-​lui d’être fidèles dans ces temps dif­fi­ciles et demandons-​lui, à elle qui est toute-​puissante sur le cœur de Dieu, de nous obte­nir cette réou­ver­ture du culte aux âmes des fidèles.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Abbé Denis Puga

Sermon pro­non­cé le dimanche 26 avril 2020 en l’église Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet (Paris Ve) pour la messe du 2e dimanche après Pâques

Sources : Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet /​La Porte Latine du 30 avril 2020