Réactions à la prière israélo-​palestinienne dans les jardins du Vatican

Le numé­ro de juin de Pagine Ebraiche, le men­suel de la com­mu­nau­té juive en Italie, rap­porte des paroles du grand rab­bin de Rome, Riccardo Di Segni, fai­sant part de sa per­plexi­té face à la prière pour la paix orga­ni­sée par le pape, le dimanche de Pentecôte 8 juin 2014, avec l’Israélien Shimon Peres et le Palestinien Mahmoud Abbas. « S’agissant d’une ren­contre reli­gieuse, affirme-​t-​il, le sens de la pré­sence d’une figure clai­re­ment laïque comme celle de Shimon Peres m’é­chappe ». « Il ne me semble pas être un habi­tué des lieux de prière », ajoute-​t-​il. A ses yeux, la moda­li­té de cette prière est « curieuse et même dan­ge­reuse ». « Quant aux résul­tats, le temps nous le dira », poursuit-​il. Dans un entre­tien accor­dé le mois pré­cé­dent au quo­ti­dien israé­lien Haaretz, il avait esti­mé que « du point de vue théo­lo­gique », juifs et catho­liques « n’ont rien à dis­cu­ter », tout en se disant mal­gré tout favo­rable à des « rela­tions de bon voisinage ».

Mais ce qui a sus­ci­té un vif émoi dans les milieux catho­liques, ce fut la décou­verte dans la soi­rée du 8 juin que la prière pro­non­cée en arabe par le musul­man par­ti­ci­pant à cette réunion, ne cor­res­pon­dait pas entiè­re­ment à celle qui figu­rait dans le livret offi­ciel. A la prière impri­mée furent ajou­tés ora­le­ment les der­niers mots de la deuxième sou­rate, dite « de la vache », (ver­sets 284 à 286) : « Tu es notre Maître, accorde-​nous la vic­toire sur les peuples infi­dèles ».[Voir image ci-dessus]

Le mot « infi­dèles » peut rece­voir deux inter­pré­ta­tions. La pre­mière consiste à n’y voir que les mécréants n’ayant aucune foi reli­gieuse. La seconde, la plus sûre, est celle que donne le Coran lui-​même, dont la sou­rate 109, dénom­mée les « infi­dèles » (el-​kafiroun) tranche le débat : « Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.1. Dis : « Ô vous les infi­dèles ! 2. Je n’a­dore pas ce que vous ado­rez. 3. Et vous n’êtes pas ado­ra­teurs de ce que j’a­dore. 4. Je ne suis pas ado­ra­teur de ce que vous ado­rez. 5. Et vous n’êtes pas ado­ra­teurs de ce que j’a­dore. 6. A vous votre reli­gion, et à moi ma reli­gion ». – On voit clai­re­ment ici que les « kafi­roun » sont ceux qui n’a­dorent pas comme le musul­man. Donc tous les non-​musulmans sont « kafi­roun », y com­pris les juifs et les chré­tiens. Ainsi ce musul­man a intro­duit subrep­ti­ce­ment dans la ren­contre vou­lue par le pape François, une prière pour « obte­nir la vic­toire sur d’autres qui n’a­dorent pas comme moi »…

En France, La Croix du 23 juin tente de mini­mi­ser les faits, en don­nant la parole à Malek Chebel, anthro­po­logue des reli­gions et phi­lo­sophe algé­rien : « Je ne vois aucune rai­son de sou­le­ver cette polé­mique insi­gni­fiante. » Et de citer le P. Rafiq Khoury, prêtre de l’é­quipe ani­ma­trice du sémi­naire patriar­cal de Beit Jala en Cisjordanie : « Les musul­mans ont l’ha­bi­tude de réci­ter cette prière en toutes cir­cons­tances, dès l’en­fance, de la même manière que nous réci­tons le Notre Père (sic)… Cela n’a rien d’hos­tile contre les chré­tiens (sic). C’est bles­sant et pénible que l’on res­sasse tou­jours des pro­pos néga­tifs à l’é­gard des musul­mans (sic). »

Le 27 mai, La Croix four­nis­sait à ses lec­teurs l’ex­pli­ca­tion de cette prière pour la paix, don­née par Marco Impagliazzo, pré­sident de la Communauté de Sant’Egidio : « Cette ini­tia­tive du pape François est inédite pour le conflit israélo-​palestinien, mais elle n’est pas nou­velle : elle s’en­ra­cine dans la grande pro­phé­tie de Jean-​Paul II en 1986 lors­qu’il convo­qua les reli­gions du monde à Assise pour prier pour la paix. (…) Tout notre tra­vail, à Sant’Egidio, depuis plus de 25 ans, consiste à dif­fu­ser cet esprit d’Assise. » – C’est ain­si que l’on avance, depuis plus de 25 ans, de l’œ­cu­mé­nisme (et du dia­logue inter­re­li­gieux) à l’a­po­sta­sie silen­cieuse. Voir le docu­ment De l’œ­cu­mé­nisme à l’a­po­sta­sie silen­cieuse, adres­sé par Mgr Bernard Fellay à tous les car­di­naux en 2004, il y a 10 ans, et res­té jus­qu’à ce jour sans réponse.

Sources : Apic/​Clair et net/​La Croix/​LPL – du 04/​07/​14