Synode des évêques et rapports avec la FSSPX : comment arriver à comprendre le pape François ?- 6 octobre 2014

Le pape François peut-​il être consi­dé­ré comme vou­lant allier tra­di­tion et modernisme ?

Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.

François, pape « pas­to­ral » Comment les nou­veaux pro­gres­sistes, actuel­le­ment au pou­voir dans l’Eglise, ne veulent pas chan­ger la doc­trine, mais « tra­vailler autour ». Et com­ment, avec la FSSPX, est liqui­dée l’her­mé­neu­tique de la réforme dans la conti­nui­té chère à Benoît XVI. (1)

Rorate Coeli (2) donne une tri­bune à un invi­té, un ecclé­sias­tique qui garde l’a­no­ny­mat et se fait appe­ler Don Pio Pace. Ce der­nier « tente de déchif­frer François, en pre­nant éga­le­ment en consi­dé­ra­tion les enjeux du Synode des évêques qui débute ce dimanche et l’é­trange cor­dia­li­té envers la Fraternité Saint-​Pie X. »

Le Pape François vient tout juste d’être frap­pé par le non pos­su­mus expri­mé par un total de dix car­di­naux de la Sainte Eglise Romaine, et pas par­mi les moindres, s’é­le­vant contre la remise en cause de l’in­dis­so­lu­bi­li­té du mariage.

Avec ce débat ouvert par le Pape lui-​même, des jour­na­listes comme Sandro Magister, Marco Tosatti, entre autres, ont contri­bué à cana­li­ser une oppo­si­tion car­di­na­lice et clé­ri­cale qui, après le conclave de 2013, avait tar­dé à se faire entendre, à la dif­fé­rence de l’op­po­si­tion à Benoît XVI, qui avait sur­gi dès l’ins­tant sui­vant le conclave de 2005. 

Antonio Socci ajoute : « Jamais aupa­ra­vant dans l’his­toire de l’Eglise, il n’é­tait arri­vé que la majo­ri­té des car­di­naux dussent prendre publi­que­ment posi­tion contre une inver­sion du Magistère et de la dis­ci­pline de l’Église, qui avait été pro­po­sée par le car­di­nal Kasper, mais qui en réa­li­té étaient venue de Bergoglio lui-​même ». (Libero du 22 Septembre 2014)

Mais la féro­ci­té de Socci montre que les oppo­sants se trompent de che­min, jus­qu’à un cer­tain point. 

Le Pape ne veut pas « chan­ger la doc­trine » c’est-​à-​dire atten­ter à la Tradition et au Magistère. Mais, d’un autre côté, il estime que, pas­to­ra­le­ment, afin de répondre aux attentes de l’homme de cette époque, il est néces­saire de trou­ver de nou­velles moda­li­tés de « misé­ri­corde ». Pas une seconde union sacra­men­telle, mais la coexis­tence de cette seconde union avec une vie sacramentelle.

Au fond, avec François, nous arri­vons au plein épa­nouis­se­ment de cette « prio­ri­té de la pas­to­rale », chère à Yves Congar, qui avait vu le jour dès l’ou­ver­ture du der­nier Concile : sans tou­cher au Magistère infaillible, on peut « aller de l’a­vant » plus libre­ment dans un registre qui est en des­sous de celui du dogme, qui est celui du tra­vail « pas­to­ral », afin de s’a­jus­ter aux modes de pen­sée et aux sen­ti­ments du monde moderne. Plutôt que de fon­cer dans l’op­po­si­tion tête bais­sée, on le fait en « tra­vaillant autour ».

Toutefois, jus­qu’à pré­sent, il res­tait le sou­ci d’é­ta­blir une conti­nui­té entre nou­veau­tés pas­to­rales et Tradition dog­ma­tique : ce sou­ci de l’af­fir­ma­tion de la conti­nui­té est d’ailleurs la clé de l’œuvre de Joseph Ratzinger/​Benoît XVI. 

Mais désor­mais, avec le pape Bergoglio, nous décou­vrons une dyna­mique que même Paul VI, le pape sans repos (res­t­less), ne connais­sait pas.

Nous devons prendre François très au sérieux quand il se pré­sente comme le pre­mier [pape] à avoir véri­ta­ble­ment inté­gré Vatican II, ce Concile qui « pro­dui­sit un mou­ve­ment de renou­veau qui venait sim­ple­ment de l’Evangile lui-​même … une chose est claire : la dyna­mique de la lec­ture l’Evangile, en actua­li­sant son mes­sage pour aujourd’­hui, qui est typique de Vatican II est abso­lu­ment irré­ver­sible » (Interview de Antonio Spadaro, SJ, pour Civiltà Cattolica).

Ce que confirme la grave chasse aux sor­cières contre ceux consi­dé­rés (à juste titre ou non) comme conser­va­teurs, qui sont même légè­re­ment « resta­tion­nistes » (le car­di­nal Piacenza, les Franciscains de l’Immaculée, le car­di­nal Burke, tel pré­lat de la Curie, puis tel autre …) 

A pro­pos, les véri­tables « pro­gres­sistes », au moins à Rome, craignent autant que les rat­zin­ge­riens les nou­velles purges à venir : les hommes qui sont aujourd’­hui au pou­voir à Rome pour­raient être qua­li­fiés non pas de « pro­gres­sistes à l’an­cienne », mais de « centre-​gauche ». Pas par­ti­sans d’une rup­ture dog­ma­tique, mais de « tra­vailler autour » des choses.

En ce qui concerne cer­tains tra­di­tio­na­listes, déjà encore plus mar­gi­na­li­sés depuis la démis­sion de Benoît XVI, ils sont pro­fon­dé­ment déso­rien­tés, mais pas déses­pé­rés. Ils suivent les évé­ne­ments, mais d’une manière com­plè­te­ment dif­fé­rente de celle du temps de Benoît XVI, qui vou­lait les voir adhé­rer de force à l”«herméneutique de la continuité ». 

Avec l’ac­cord de François, et même avec son encou­ra­ge­ment posi­tif, les négo­cia­tions avec la Fraternité Saint-​Pie X en vue de sa régu­la­ri­sa­tion cano­nique se pour­suivent sur cette base : la Fraternité n’est pas en rup­ture de com­mu­nion.

De là on peut com­prendre le ton de la très cha­leu­reuse ren­contre qui a eu lieu le 23 Septembre, au Palais du Saint-​Office, entre le car­di­nal Müller et l’é­vêque Fellay (mal­gré tout, un abou­tis­se­ment est encore peu pro­bable à court terme : en lisant le com­mu­ni­qué plus déta­ché de la FSSPX après la ren­contre, et l’in­ter­view de Mgr Fellay publiée le 3 Octobre, nous com­pre­nons que l’é­vêque suisse fait son maxi­mum pour que ces bons sen­ti­ments durent plus long­temps). On peut même dire que les contacts entre les supé­rieurs de la FSSPX et les bureaux romains en charge du dos­sier de la FSSPX n’a­vaient jamais atteint un tel niveau de cor­dia­li­té. Jean-​Marie Dumont, cor­res­pon­dant du men­suel catho­lique fran­çais Famille chré­tienne, men­tionne même une visite dis­crète de Mgr Guido Pozzo, secré­taire de la Commission Ecclesia Dei, à Écône (il veut pro­ba­ble­ment par­ler de la Maison géné­rale de la Fraternité Saint-​Pie X à Menzingen, éga­le­ment en Suisse).

En fait, cette façon de consi­dé­rer la « ques­tion lefeb­vriste » est elle-​même « pas­to­rale ». Demander à Mgr Fellay, comme cela a été fait sous Benoît XVI, de signer de labo­rieuses « décla­ra­tions doc­tri­nales » était essen­tiel seule­ment dans la mesure où la FSSPX devait se trou­ver en confor­mi­té avec l”«herméneutique de la conti­nui­té ». Mais, aus­si para­doxal que cela puisse paraître à un pre­mier regard non aver­ti, libre de toute fixa­tion ou de tout scru­pule « res­tau­ra­tion­niste », il n’y a pas de nou­veau malaise à pro­pos du déca­lage entre pas­to­rale et dogme.

Tant et si bien que la cri­tique du Concile au nom du dogme de la part de la Fraternité Saint-​Pie X, qui avait tel­le­ment per­tur­bé Benoît, ne per­turbe pas du tout François. Dans le pire des cas, elle le renforce.

Sources : Rorate-​Coeli/​Benoit-​et-​Moi/​

Notes de LPL

(1) In Benoit-​et-​Moi : blog fran­co­phone d’ac­tua­li­tés tou­chant à la Tradition
(2) Blog anglo­phone d’ac­tua­li­tés tou­chant à la Tradition : An International Traditional Catholic Weblog