La messe traditionnelle : obscurantisme moyenâgeux ou renouveau de l’Église ?

Le 11 octobre 1962, l’Eglise entrait dans une phase de muta­tions pro­fondes : le concile Vatican II allait don­ner de nou­velles orien­ta­tions théo­lo­giques et pastorales.

En 1969, le pape Paul VI intro­dui­sait un nou­veau rite de célé­bra­tion de la messe. Ce rite, fabri­qué de toutes pièces par des hommes de bureau, rom­pait de façon bru­tale avec la pra­tique litur­gique et l’esprit des siècles pré­cé­dents. Le rite tra­di­tion­nel qui avait sanc­ti­fié des mil­liards de chré­tiens pen­dant plus de 15 siècles fut sou­dai­ne­ment voué aux gémo­nies. Déchirant l’Eglise tout entière, des inno­va­tions litur­giques fan­tai­sistes et trom­peuses entraî­nèrent la déser­tion pro­gres­sive des églises : en 20 ans, la pra­tique domi­ni­cale est tom­bée de dix à un, des dizaines de mil­liers de prêtres ont aban­don­né leur sacer­doce, les sémi­naires se sont vidés et sont aujourd’­hui, pour la plu­part, fermés.

Dans les faits, Vatican II et la messe de Paul VI n’ont donc pas été « le prin­temps de l’Eglise », comme cer­tains digni­taires actuels le pré­tendent. Les faits et les chiffres sont têtus : d’ici 2015, la plu­part des paroisses fran­çaises n’auront plus de prêtres.

Face à cette situa­tion inquié­tante, de nom­breuses voix se sont éle­vées à tra­vers le monde pour deman­der un retour à la messe et aux valeurs tra­di­tion­nelles. De fait, une cer­taine volon­té semble se des­si­ner à Rome en faveur d’une pra­tique plus large de la messe tra­di­tion­nelle, ce qui entraîne bien des réti­cences de la part d’une par­tie du clergé.

Avant de répondre aux argu­ments mis en avant par celui-​ci, un mot sur l’histoire et la véri­table por­tée de la messe traditionnelle.

D’où vient la messe traditionnelle ?

L’essentiel de cette messe nous vient des apôtres, donc du 1er siècle. Contrairement à ce que l’on pour­rait pen­ser, la messe tra­di­tion­nelle, dite de St-​Pie V, n’est pas de saint Pie V (1566–1572). Ce pape, dans le pro­lon­ge­ment du concile de Trente, n’a fait que codi­fier ce qui exis­tait bien avant lui. Ainsi, l’ensemble du canon tel que nous le connais­sons remonte au moins au Vème siècle. Quant au reste de l’ordinaire de la messe, bien des élé­ments existent ain­si dans la forme sanc­tion­née par saint Pie V dès le pon­ti­fi­cat de saint Grégoire (590–604); l’essentiel des prières de l’offertoire seront ajou­tées entre le IXe et le XIe siècles. Enfin, le rite de l’élévation se répan­dit de façon com­mune après les attaques de Bérenger de Tours (998‑1088) contre la pré­sence réelle : ces dif­fé­rents ajouts consti­tuèrent des enri­chis­se­ments et non pas des chan­ge­ments radicaux.

La messe dite de St-​Pie V est donc l’expression de la pié­té et de la foi de l’Eglise depuis les ori­gines ; elle est le fruit de la tra­di­tion apos­to­lique et de la contem­pla­tion du mys­tère de l’eucharistie par nos pères dans la foi.

Une messe interdite ?

Remplacée bru­ta­le­ment par la messe de Paul VI en 1969, inter­dite de fait dans la plu­part des paroisses, la messe tra­di­tion­nelle n’a cepen­dant jamais été abo­lie en droit. « Le rite de St-​Pie V n’a jamais été sup­pri­mé cano­ni­que­ment » affir­mait en 2004 le car­di­nal Medina Estevez, alors Préfet de la Congrégation pour le culte divin et la dis­ci­pline des sacre­ments. « J’ai soi­gneu­se­ment étu­dié la ques­tion de l’abrogation du rite de St-​Pie V après le Concile Vatican II. (…) Sur la base de mes recherches, je ne puis conclure que le rite de St-​Pie V ait jamais été abro­gé. » Cardinal Medina, inter­view avec The latin mass, avril 2003.

En sep­tembre 2005, le car­di­nal Castrillon Hoyos décla­rait dans le men­suel 30 Giorni : « La messe de St-​Pie V n’a jamais été abo­lie ». Il ne fai­sait que reprendre les conclu­sions de la com­mis­sion de neuf car­di­naux convo­quée par Jean-​Paul II, en 1986, pour étu­dier le sta­tut légal de la messe traditionnelle.

Le car­di­nal Stickler avait fait savoir en 1995 que les membres de cette com­mis­sion avaient recon­nu, à huit contre un, que Paul VI n’avait pas sup­pri­mé léga­le­ment la messe tri­den­tine par le seul fait de la pro­mul­ga­tion du nou­veau rite. Et cette com­mis­sion avait recon­nu à l’unanimité que tout prêtre demeu­rait libre d’utiliser l’ancien missel.

Alors pourquoi tant de difficultés et d’oppositions à obtenir dans les faits ce que l’Eglise a toujours reconnu de droit ?

Certains évêques craignent que le retour de l’ancienne messe ne signi­fie la remise en cause du der­nier concile. « La récon­ci­lia­tion ne pour­ra se faire au prix d’un trait tiré sur un concile – Vatican II – qui fait par­tie de la tra­di­tion dog­ma­tique de l’Eglise. » Mgr Defois (Le Figaro du 22 octobre 2006)

Mgr Defois semble oublier que les pères conci­liaires ont affir­mé à de nom­breuses reprises ne pas vou­loir faire un concile dog­ma­tique, mais un concile pas­to­ral [1]. C’est pour­quoi pro­po­ser aujourd’­hui les conclu­sions de Vatican II comme fai­sant par­tie du dogme catho­lique, voire les impo­ser sans lais­ser la moindre place à la dis­cus­sion théo­lo­gique – même celle qui impli­que­rait une remise en ques­tion – est non seule­ment une infi­dé­li­té à l’esprit de ce concile mais aus­si un manque d’honnêteté intel­lec­tuelle. Le « plu­ra­lisme » et la « diver­si­té » tant van­tés aujourd’hui dis­pa­raissent subi­te­ment dès qu’un retour aux valeurs tra­di­tion­nelles est évoqué.

Cela dit, la réflexion de Mgr Defois montre qu’il est conscient de la véri­table por­tée de la messe tra­di­tion­nelle : celle-​ci n’est pas seule­ment une affaire de sen­si­bi­li­té litur­gique, elle est l’expression de la foi de l’Eglise depuis Notre Seigneur Jésus-​Christ, elle est un résu­mé de cette foi, selon l’adage lex oran­di, lex cre­den­di : la forme litur­gique est l’expression du conte­nu de la foi. Un retour de la messe tra­di­tion­nelle est donc per­çu par lui, à juste titre, comme une menace pour les acquis de Vatican II. Nous sommes en face de deux concep­tions oppo­sées de la foi : 

la foi tra­di­tion­nelle, trans­cen­dante, tour­née vers le divin, vers l’autel, pour faire des­cendre le sacré, la grâce divine sur les hommes, leur pro­met­tant un para­dis dans l’au-delà ;

la foi moderne, huma­niste, qui veut faire l’économie de la grâce et du sur­na­tu­rel, tourne le dos à Dieu pour se tour­ner vers l’homme, et lui pro­met un para­dis ter­restre ; cette der­nière a trou­vé une entrée dans l’Eglise à Vatican II. 

L’humanisme laïque et pro­fane est appa­ru dans sa ter­rible sta­ture et a, en un cer­tain sens, défié le concile. La reli­gion du Dieu qui s’est fait homme s’est ren­con­trée avec la reli­gion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu. Qu’est-il arri­vé ? Un choc, une lutte, un ana­thème ? Cela pou­vait arri­ver ; mais cela n’a pas eu lieu.

Discours de Paul VI lors de la der­nière ses­sion du Concile, le 8 décembre 1965

« Jésus n’a jamais célébré en latin ! » (P. Daniel Dewulf, Lille)

Et pour cause : il n’y avait pas encore de langue litur­gique uni­ver­selle, puisqu’Il n’avait pas encore don­né la mis­sion de « prê­cher l’évangile à toute créa­ture », ce qui ne se fera qu’à par­tir de la Pentecôte.

Le latin est la langue litur­gique uni­ver­selle depuis le IIIe siècle ; même le concile Vatican II l’a rap­pe­lé. De fait, cette langue uni­ver­selle, fac­teur d’unité, n’a jamais été un obs­tacle à la com­pré­hen­sion de la foi ; les mis­sels de messe com­portent toutes les tra­duc­tions utiles, si bien que même les enfants suivent la messe tra­di­tion­nelle sans dif­fi­cul­té particulière.

Le latin est le lan­gage du sacré, du divin, comme la langue ver­na­cu­laire est le lan­gage du quo­ti­dien, de l’humain. L’élévation des âmes vers la trans­cen­dance divine se réa­lise au moyen de rites et de sym­boles qui ne sont pas abor­dables de plain-​pied. Vouloir faci­li­ter la par­ti­ci­pa­tion à la litur­gie en sup­pri­mant le latin et la sym­bo­lique mys­tique enlève à la litur­gie toute pos­si­bi­li­té de faire entrer les âmes dans le monde du divin, bana­li­sant, vul­ga­ri­sant la foi et son expres­sion, et reti­rant fina­le­ment à l’homme la pos­si­bi­li­té de com­mu­ni­quer avec Dieu.

Enfin, le latin, deve­nu langue morte depuis un mil­lé­naire et demi, a le grand avan­tage de conser­ver les for­mules de la foi, les pré­ser­vant de la cor­rup­tion pos­sible due aux fluc­tua­tions des langues vivantes. Le latin garan­tit ain­si une uni­té de foi non seule­ment dans l’espace, mais aus­si dans le temps : nous réci­tons le même Credo que nos aïeux, nous célé­brons la même litur­gie, mani­fes­tant ain­si l’immutabilité divine qui se tient au-​dessus du monde chan­geant et instable des humains. Les héri­tiers de Vatican II ne peuvent en dire autant.

« Jésus n’a pas tourné le dos à ses disciples ! »

Il n’a pas eu besoin de se tour­ner vers Dieu, puisqu’Il est Dieu !

Le prêtre, lui, est le média­teur, l’intermédiaire entre Dieu et les hommes. A ce titre, il se tourne vers Dieu, vers la croix, pour offrir au nom des hommes le sacri­fice sal­va­teur : il n’est donc pas ques­tion de « tour­ner le dos au peuple ». Par ailleurs, on n’a pas consta­té que le fait de se tour­ner vers l’assemblée et de ne par­ler qu’en langue ver­na­cu­laire ait per­mis une meilleure com­pré­hen­sion de la litur­gie. A voir la bana­li­té de beau­coup de célé­bra­tions et la déser­tion des églises, c’est plu­tôt l’inverse qui s’est produit… 

De plus, « la posi­tion du prêtre tour­né vers le peuple a fait de l’assemblée priante une com­mu­nau­té refer­mée sur elle-​même », écri­vait en 2003 le pré­fet de la Congrégation de la doc­trine de la foi, le car­di­nal Ratzinger, regret­tant que Dieu soit « de plus en plus absent de la scène » et que la messe devienne un one man show du célé­brant.

Cette dif­fé­rence de posi­tion du prêtre maté­ria­lise l’opposition entre les deux rites : dans le rite de Paul VI, le prêtre se tourne vers l’homme parce qu’il est un ani­ma­teur d’assemblée, d’où la néces­si­té de recou­rir à des expé­dients ori­gi­naux cen­sés ani­mer en même temps qu’ils désa­cra­lisent ; dans le rite tra­di­tion­nel, le prêtre se tourne vers Dieu parce qu’il est sacri­fi­ca­teur : au nom des fidèles et de l’Eglise tout entière, il offre à Dieu le Père le sacri­fice de son Fils.

La dif­fé­rence, voire l’opposition entre les deux rites va encore plus loin : la nou­velle messe se réduit à être « le ras­sem­ble­ment du peuple de Dieu, sous la pré­si­dence du prêtre, en vue de célé­brer le mémo­rial du Seigneur. » (art. 7 de la Présentation géné­rale du nou­veau mis­sel romain) ; l’insistance porte sur le « ras­sem­ble­ment du peuple de Dieu », et le rôle du prêtre se réduit à une pré­si­dence d’assemblée. La messe est en réa­li­té le renou­vel­le­ment non san­glant de la Passion du Christ qui offre à son Père céleste une juste com­pen­sa­tion pour les péchés des hommes ; la messe renou­velle sacra­men­tel­le­ment cet acte sal­va­teur pour appli­quer aux âmes vivant dans le temps les fruits de la Rédemption ; cet acte inouï que fut la Passion doit se pro­lon­ger sur nos autels selon une forme aus­si trans­cen­dante que la Rédemption elle-même.

C’est donc toute la théo­lo­gie du salut qui s’exprime et se réa­lise dans la messe ; c’est pour­quoi il est dan­ge­reux et nui­sible de vou­loir chan­ger ce rite sacré, quin­tes­sence de la foi de l’Eglise.

« Proposer deux missels différents, c’est encourager le subjectivisme, c’est ouvrir la porte à la discorde. » (Père abbé de Ligugé)

C’est la nou­velle messe qui a intro­duit la dis­corde et non une éven­tuelle réin­tro­duc­tion de la messe tra­di­tion­nelle. Depuis 1969, ce n’est pas un nou­veau rite qui est célé­bré dans les églises, mais une varié­té inter­mi­nable de rites fan­tai­sistes, chaque prêtre agré­men­tant à son goût une litur­gie déjà huma­niste et dépour­vue de transcendance.

Quant au sub­jec­ti­visme, il a été intro­duit suite à Vatican II ; dans quelle paroisse trouve-​t-​on aujourd’­hui un prêtre capable de célé­brer la messe en sui­vant fidè­le­ment le mis­sel de 1969 ? Il n’y a pas deux messes qui se res­semblent. Mgr Le Gall, évêque de Toulouse et res­pon­sable de la com­mis­sion litur­gique de la Conférence des évêques de France, estime que les abus litur­giques de l’après-Concile sont chose révo­lue. Il semble qu’il n’ait pas fait le tour des paroisses, pour igno­rer à ce point la bana­li­té et la créa­ti­vi­té sub­jec­ti­viste aux­quelles on expose les quelques fidèles encore atta­chés au devoir domi­ni­cal. « A une époque de l’histoire où le plu­ra­lisme jouit du droit de citoyen­ne­té, pour­quoi ne pas recon­naître le même droit à ceux qui sou­haitent célé­brer la litur­gie selon la manière uti­li­sée durant plus de quatre siècles ? » (Cardinal Medina, inter­view avec The latin mass, avril 2003). Quinze siècles, précisément.

« Certaines prises de positions d’associations réclamant de telles dispositions liturgiques relèvent de choix politiques particuliers, reprenant les conceptions d’une Eglise héritées de l’Action française du siècle dernier. »

Cette affir­ma­tion de Mgr Defois révèle un amal­game politico-​religieux dont le but est de dis­qua­li­fier les tenants de la messe tra­di­tion­nelle et par­ti­cu­liè­re­ment la Fraternité sacer­do­tale St-​Pie X. Il ne s’agit pas d’un argu­ment, mais d’une éti­quette que l’on colle sur le front des indé­si­rables. De fait, son affir­ma­tion est gra­tuite : on ne voit pas en quoi les tenants de la messe tra­di­tion­nelle auraient besoin des argu­ments de l’Action fran­çaise pour faire valoir leur droit à la litur­gie de tou­jours. Il y a confu­sion des domaines : la Fraternité sacer­do­tale St-​Pie X est une congré­ga­tion reli­gieuse et n’a, par consé­quent, pas de mis­sion politique.

Il est à sou­hai­ter qu’après s’être enga­gé dans un mou­ve­ment d’opposition, les adver­saires de la libé­ra­li­sa­tion de la messe tra­di­tion­nelle n’adoptent pas l’attitude qu’ils reprochent à ladite Fraternité.

« Restaurer le rite traditionnel :

• perturberait les fidèles ainsi que les prêtres.

Beaucoup de fidèles sont las­sés des abus litur­giques, voire bles­sés par cer­tains scan­dales ; per­mettre le rite tra­di­tion­nel serait une manière de faire oublier ce pas­sé peu glo­rieux de l’Eglise conci­liaire et de redon­ner confiance.

• dissuaderait la jeunesse de venir à l’église et de suivre l’appel de Dieu dans la vie consacrée.

Les faits démontrent exac­te­ment l’inverse : la plu­part des sémi­naires dio­cé­sains sont vides ; les quelques sémi­naires inter­dio­cé­sains ne regroupent pour la plu­part qu’un petit nombre de can­di­dats pour des régions immenses. Au contraire, dans les ins­ti­tuts qui tiennent à l’ancienne litur­gie, les voca­tions sont jeunes et nombreuses.

• détruirait l’unité de l’Eglise.

C’est la nou­velle litur­gie impo­sée par la force en 1969 qui a détruit l’unité de l’Eglise ; depuis, il existe deux litur­gies pour deux « Eglises » paral­lèles. Restaurer la litur­gie tra­di­tion­nelle serait un retour à l’ordre nor­mal des choses et donc à la véri­table uni­té de l’Eglise ; par sa struc­ture même, la litur­gie tra­di­tion­nelle est fac­teur d’unité, empê­chant l’improvisation, la créa­ti­vi­té et le sub­jec­ti­visme. A l’heure des grands ras­sem­ble­ments, qui ne voit l’avantage de pou­voir faire chan­ter les catho­liques des dif­fé­rents conti­nents sur les mêmes mélo­dies gré­go­riennes ? A l’heure des voyages inces­sants, qui n’apprécierait de trou­ver à l’autre bout du monde la même litur­gie, dans la même langue uni­ver­selle, avec les mêmes prières, les mêmes rites et symboles ?

• On ne peut imposer cela du jour au lendemain. »

En 1969, les nova­teurs au Vatican ont impo­sé du jour au len­de­main une nou­velle litur­gie qui n’avait aucun pas­sé et aucun enra­ci­ne­ment dans l’Eglise, heur­tant beau­coup de fidèles dans leur foi, entraî­nant le désar­roi de beau­coup de prêtres. Nombre d’entre ceux qui vou­lurent res­ter fidèles à la messe de leur ordi­na­tion furent chas­sés de leur paroisse, tra­qués par une hié­rar­chie sans pitié, ni huma­ni­té. Aujourd’hui, ces mêmes hié­rarques s’indignent à la simple pen­sée que la litur­gie tra­di­tion­nelle soit permise.

En 1987, Mgr Thomas, évêque de Versailles fait chas­ser le P. Bruno de Blignières de l’église de Port-​Marly ; les poli­ciers arrachent le prêtre de l’autel durant la célé­bra­tion de la messe !

« Un rite promulgué par le pape a force de loi ; le pape Paul VI n’a pas moins de pouvoir que n’en a eu saint Pie V. »

Un pape ne peut pas défaire ce qu’a fixé un pré­dé­ces­seur qui s’est basé sur toute la Tradition de l’Eglise, les conciles, les théo­lo­giens et les saints. Le pape n’a pas le pou­voir de dis­po­ser du dépôt révé­lé et de son expres­sion litur­gique selon son gré ; il doit trans­mettre ce qu’il a reçu et veiller à la pure­té de la trans­mis­sion. C’est pour­quoi une réforme qui ne s’appuierait pas sur la Tradition écrite et orale est d’emblée sus­pecte, ce qui est le cas de la réforme litur­gique de 1969. D’ailleurs, le pape Paul VI n’a jamais pré­sen­té sa réforme comme infaillible et irré­for­mable ; par consé­quent, nul ne peut l’imposer à coups de dik­tats. « Le rite et les rubriques res­pec­tives ne sont pas en eux-​mêmes une défi­ni­tion dog­ma­tique ; ils sont sus­cep­tibles de qua­li­fi­ca­tion théo­lo­gique de valeur variable, selon le contexte litur­gique auquel ils se réfèrent. » (Discours de Paul VI du 19 novembre 1969, à pro­pos du nou­vel Ordo).

« L’ancien rite n’est plus d’actualité. »

La messe n’est pas comme un mor­ceau de tis­su que l’on adapte aux goûts et aux modes de chaque génération. 

Cardinal Ottaviani

Une com­mu­nau­té qui déclare sou­dain stric­te­ment inter­dit ce qui était jusqu’alors pour elle tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus haut, et à qui l’on pré­sente comme incon­ve­nant le regret qu’elle en a, se met elle-​même en ques­tion. Comment la croirait-​on encore ? Ne va-​t-​elle pas inter­dire demain ce qu’elle pres­crit aujourd’hui ?

Cardinal Ratzinger, Le Sel de la terre, p. 172

« On encouragerait ceux qui ont critiqué le pape pendant des années ! »

Les prêtres fidèles à la Tradition de l’Eglise ont remis en cause les doc­trines et la litur­gie nou­velles qui ont révo­lu­tion­né l’Eglise et vidé les lieux de culte.
La vio­lence ver­bale ne fut pas du côté de ceux qui se sont effor­cés de se situer au niveau de la foi et de la doc­trine, mais plu­tôt du côté de ceux qui se sont per­mis d’user à l’égard d’une par­tie du peuple chré­tien d’épithètes dis­cri­mi­na­toires, telles « inté­gristes », « excom­mu­niés », « schis­ma­tiques », « lefeb­vristes ». De plus, il faut consta­ter qu’à peine le pape Benoît XVI émet-​il le sou­hait d’élargir l’accès à la litur­gie tra­di­tion­nelle, que des voix s’élèvent, celles qui naguère prê­chaient l’obéissance et la sou­mis­sion, pour accu­ser aujourd’­hui le pape de « mécon­naître les pro­grès de Vatican II », de « pro­vo­quer un recul de l’Eglise ».

Mgr Raffin, évêque de Metz, monte au cré­neau contre la volon­té papale d’élargir la litur­gie tra­di­tion­nelle ; c’est pour­tant le pre­mier évêque de France à avoir orga­ni­sé, à deux reprises déjà, une rave par­ty dans sa cathé­drale. De quel côté sont les abus et les insoumissions ?

Conclusion

Il est heu­reux de pou­voir consta­ter que la « marche en avant » de la messe tra­di­tion­nelle ne peut plus lais­ser indif­fé­rent. L’époque de la poli­tique du silence semble défi­ni­ti­ve­ment révo­lue ; les plus hautes auto­ri­tés de l’Eglise sont obli­gées de tenir compte du déve­lop­pe­ment de la Tradition et du poten­tiel qu’elle repré­sente. L’heure vient où ceux qui ont vou­lu par­quer la vraie messe au musée des codi­fi­ca­tions tri­den­tines sont obli­gés de faire marche arrière et de recon­naître leurs erreurs, tel un car­di­nal Médina qui inter­vint très éner­gi­que­ment contre la messe tri­den­tine en 1998, et qui avoue aujourd’hui : « sur la base de mes recherches, je ne puis conclure que le rite de St-​Pie V ait jamais été abro­gé. » Nous le remer­cions pour cet aveu sincère.

Pour l’instant, Rome semble très pré­oc­cu­pée de la réac­tion des évêques. Et il est vrai que le chef de l’Église doit tenir compte de ceux qui sont les pas­teurs des dio­cèses et ont de lourdes res­pon­sa­bi­li­tés vis-​à-​vis des fidèles. Mais que vaut actuel­le­ment leur avis ? Que l’on songe au car­di­nal Sterzinsky qui, le mer­cre­di des Cendres, est allé au temple pro­tes­tant de Berlin pour y rece­voir les cendres d’un pas­teur ; ou au car­di­nal Law, qui s’est ren­du à la mos­quée de Wayland pour s’associer au repas du rama­dan et décla­rer qu’il se sen­tait tout à fait chez lui ; à Mgr Defois qui vient de décla­rer, lors de l’inauguration de la facul­té musul­mane de Lille : « l’Islam fait par­tie de nos racines euro­péennes. J’aimerais que nous les recher­chions ensemble pour faire émer­ger une base phi­lo­so­phique com­mune » ; ou encore à l’ancien évêque d’Orléans qui a cau­tion­né publi­que­ment un livre blas­phé­ma­teur rem­pli d’obscénités. Nous pour­rions, hélas ! allon­ger tris­te­ment cette liste. Si le pape sou­haite la récon­ci­lia­tion avec la Fraternité sacer­do­tale St-​Pie X, il lui faut assu­mer sa fonc­tion de chef de l’Eglise et pas­ser outre aux récri­mi­na­tions d’évêques qui, s’ils étaient fidèles à leur mis­sion de trans­mettre le dépôt de la foi, se réjoui­raient d’une telle mesure de salut public pour l’Eglise et pour le monde.

Après une des­cente aux enfers dans les années 70, après les ten­ta­tives de sau­ve­garde des années 80, après une mul­ti­pli­ca­tion expo­nen­tielle des lieux de culte dans les années 90, la messe tra­di­tion­nelle est plus que jamais d’actualité, et la prise de conscience de son rôle capi­tal pour la revi­ta­li­sa­tion de l’Eglise aug­mente par cercles concen­triques, attei­gnant jusqu’à une par­tie du jeune cler­gé dio­cé­sain. Les ges­ti­cu­la­tions épis­co­pales auront beau inten­ter des manœuvres dila­toires, la messe tra­di­tion­nelle opère un retour qui s’avère de plus en plus iné­luc­table. Dans les temps de crise, les hommes ont beau mettre la lumière divine sous le bois­seau, elle finit tou­jours par réap­pa­raître et éclai­rer l’Eglise, prou­vant, une fois de plus, que « les portes de l’enfer ne pré­vau­dront point contre Elle. »

Notes de bas de page
  1. Un concile dog­ma­tique pré­cise ou défi­nit des véri­tés de foi ; un concile pas­to­ral – Vatican II fut le pre­mier en son genre – est cen­sé n’aborder les véri­tés de foi que sous leur aspect pra­tique.[]