Peut-​on encore user du Missel traditionnel ?

Statues du Mont Sacré d’Orta, XVIIe siècle, Italie (Piémont)

L’examen des argu­ments appor­tés par les défen­seurs de l’obligation du rite de Paul VI mani­feste clai­re­ment la faus­se­té de leur démonstration.

Après le Motu pro­prio Traditionis cus­todes, peut-​on conti­nuer à user en sûre­té de conscience du Missel révi­sé par saint Pie V, sans avoir besoin de deman­der une quel­conque auto­ri­sa­tion ou permission ?

La ques­tion n’est pas nou­velle : depuis la Constitution Missale roma­num du 3 avril 1969, le pro­blème a été sou­vent posé de savoir sous quel régime de droit se trou­vait la litur­gie romaine tra­di­tion­nelle célé­brée selon le Missel révi­sé par saint Pie V.

L’état de la question

On invoque à ce sujet, outre la Constitution Missale roma­num elle-​même, le 20 octobre 1969 une ins­truc­tion de la Congrégation pour le Culte divin, le 26 novembre 1969 un dis­cours de Paul VI, le 14 juin 1971 une nou­velle ins­truc­tion de la Congrégation pour le Culte divin, le 28 octobre 1974 une noti­fi­ca­tion de ladite congré­ga­tion, le 24 mai 1976 une allo­cu­tion de Paul VI au Consistoire, le 11 juin 1999 une lettre de la Congrégation pour le Culte à l’évêque de Sienne, enfin le récent Motu pro­prio du Pape François.

De ces docu­ments, d’autorité et d’objet très divers, cer­tains pré­tendent infé­rer que le droit litur­gique com­mun de l’Église latine serait le rite de Paul VI, la pos­si­bi­li­té de célé­brer selon le Missel révi­sé par saint Pie V n’étant plus qu’un simple pri­vi­lège pou­vant éven­tuel­le­ment être accor­dé, sous cer­taines condi­tions, dans le cadre des indults et Motu pro­prio successifs.

Cependant, la com­mis­sion car­di­na­lice ins­ti­tuée par le Pape Jean-​Paul II en 1986, pour exa­mi­ner l’application du Motu pro­prio Quattuor abhinc annos, pré­ci­sa à l’unanimité que le Missel révi­sé par saint Pie V n’avait nul­le­ment été abro­gé et qu’un évêque n’était jamais en droit d’interdire à un prêtre d’user de ce Missel. Le Pape Benoît XVI arri­va en 2007 à la même juste conclu­sion : « Ce Missel n’a jamais été juri­di­que­ment abro­gé, et par consé­quent, en prin­cipe, il est tou­jours res­té auto­ri­sé » ; « L’histoire de la litur­gie est faite de crois­sance et de pro­grès, jamais de rup­ture. Ce qui était sacré pour les géné­ra­tions pré­cé­dentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’im­pro­viste se retrou­ver tota­le­ment inter­dit, voire consi­dé­ré comme néfaste. Il est bon pour nous tous de conser­ver les richesses qui ont gran­di dans la foi et dans la prière de l’Église, et de leur don­ner leur juste place » (Lettre aux évêques du 7 juillet 2007).

Effectivement, l’examen atten­tif des argu­ments appor­tés par les défen­seurs de l’obligation du rite de Paul VI mani­feste clai­re­ment la faus­se­té de leur démonstration.

Le Missel révisé par saint Pie V n’a pas été abrogé

Selon le canon 20 du Code de droit cano­nique, une loi plus récente abroge une loi plus ancienne si elle le déclare expres­sé­ment. Or la lettre de la Congrégation pour le Culte divin à l’évêque de Sienne en 1999 recon­naît que « dans la Constitution apos­to­lique Missale roma­num, on ne trouve pas de for­mule expli­cite d’abrogation du Missel romain dit de saint Pie V ».

Le Missel révisé par saint Pie V n’a pas été « obrogé »

Selon le canon 20 du Code de droit cano­nique, une loi plus récente sup­prime ou, comme on dit tech­ni­que­ment, « obroge » une loi plus ancienne si elle orga­nise la matière qu’elle concerne d’une façon entiè­re­ment dif­fé­rente et se sub­sti­tue à elle.

La lettre de la Congrégation pour le Culte du 11 juin 1999 a ten­té de démon­trer que le Missel révi­sé par saint Pie V aurait été sup­pri­mé par une forme d’obrogation. Ses argu­ments ne sont pas pertinents.

  1. Cette lettre affirme d’abord que « si la volon­té du pon­tife avait été de lais­ser en vigueur les formes litur­giques pré­cé­dentes comme une alter­na­tive de libre choix, il aurait dû le dire expli­ci­te­ment ». Le Code de droit cano­nique déclare au contraire que « les lois qui édictent une peine, ou restreignent le libre exer­cice des droits, ou contiennent une excep­tion à la loi sont sou­mises à une inter­pré­ta­tion stricte » (canon 18) et que « dans le doute, la révo­ca­tion de la loi pré­exis­tante n’est pas pré­su­mée, mais les lois pos­té­rieures doivent être rame­nées aux pré­cé­dentes et, autant que pos­sible, conci­liées avec elles » (canon 21).
  2. Cette lettre affirme que la docu­men­ta­tion pos­té­rieure à la Constitution Missale roma­num confirme le carac­tère obli­ga­toire du rite de Paul VI. Mais un simple dis­cours pon­ti­fi­cal ou l’instruction d’une congré­ga­tion romaine ne sont pas aptes à rendre obli­ga­toire un rite que la Constitution apos­to­lique trai­tant direc­te­ment de cette matière n’a pas ren­du tel, puisque « le légis­la­teur infé­rieur ne peut por­ter vali­de­ment une loi contraire au droit de rang supé­rieur » (canon 135 § 2 ; cf. canons 33 § 1 et 34 § 2).
  3. Cette lettre affirme que « l’usage » mani­feste le carac­tère obli­ga­toire du rite de Paul VI. Or, cet usage n’a jamais été uni­ver­sel : bien au contraire, la per­sis­tance de l’usage du Missel révi­sé par saint Pie V est avé­ré dans le monde entier, mal­gré les per­sé­cu­tions et abus de pou­voir dont a pu être frap­pé tel ou tel prêtre usant de ce Missel. « Par la suite, il s’est vite avé­ré que beau­coup de per­sonnes res­taient for­te­ment atta­chées à cet usage du rite romain (…). Ceci s’est pro­duit avant tout dans les pays où le mou­ve­ment litur­gique avait don­né à de nom­breuses per­sonnes une remar­quable for­ma­tion litur­gique, ain­si qu’une fami­lia­ri­té pro­fonde et intime avec la forme anté­rieure de la célé­bra­tion litur­gique. (…) Il est appa­ru clai­re­ment que des per­sonnes jeunes décou­vraient éga­le­ment cette forme litur­gique, se sen­taient atti­rées par elle et y trou­vaient une forme de ren­contre avec le mys­tère de la très sainte Eucharistie qui leur conve­nait par­ti­cu­liè­re­ment » (Lettre aux évêques du Pape Benoît XVI du 7 juillet 2007).
  4. Cette lettre affirme qu’on peut ren­for­cer par ana­lo­gie le carac­tère obli­ga­toire du rite de Paul VI en « se réfé­rant au canon 6 § 1, 4, en rela­tion avec le canon 19 ». Mais, en fait d’analogie, il fau­drait plu­tôt sup­po­ser que le légis­la­teur suprême, agis­sant avec sagesse et équi­té comme son pré­dé­ces­seur saint Pie V, n’a pas vou­lu abro­ger une litur­gie plus que cen­te­naire. De plus, l’interprétation par ana­lo­gie se fait en com­pa­rant une loi nou­velle, dont le sens est dou­teux, aux lois ana­logues anté­rieures : or l’analogie pro­po­sée com­pare une loi dou­teuse de 1969 à une loi pro­mul­guée seule­ment en 1983, puisque le canon 6 § 1, 4 traite du rap­port entre le Code de 1983 et les lois dis­ci­pli­naires anté­rieures. D’ailleurs, s’il s’agissait réel­le­ment d’une abro­ga­tion tacite, c’est le canon 20, trai­tant pré­ci­sé­ment de l’abrogation tacite, qu’il aurait fal­lu citer. Enfin, ce serait bien la pre­mière fois qu’un Pape pose­rait un acte de cette impor­tance (abo­lir un Missel d’au moins quatre siècles) sans le dire explicitement.

Le Missel révisé par saint Pie V est protégé par un indult

Bien plus, saint Pie V a accor­dé à per­pé­tui­té à tous les prêtres un indult spé­ci­fique, leur octroyant le droit abso­lu de célé­brer en public et en pri­vé le rite qu’il avait codi­fié, sans pou­voir jamais être inquié­tés. Voici le texte (impres­sion­nant) de saint Pie V : « En outre, en ver­tu de l’autorité apos­to­lique, par la teneur des pré­sentes concé­dons et don­nons l’indult sui­vant, et cela, même à per­pé­tui­té : que, désor­mais, pour chan­ter ou réci­ter la messe en n’importe quelles églises, on puisse, sans aucune réserve, suivre ce même Missel, avec per­mis­sion et pou­voir d’en faire libre et licite usage, sans aucune espèce de scru­pule, ou sans qu’on puisse encou­rir aucunes peines, sen­tences et cen­sures ; vou­lant ain­si que les pré­lats, admi­nis­tra­teurs, cha­noines, cha­pe­lains et tous autres prêtres sécu­liers de quelque déno­mi­na­tion soient-​ils dési­gnés, ou régu­liers de tout ordre, ne soient tenus de célé­brer la messe en tout autre forme que celle par Nous ordon­née ; et qu’ils ne puissent, par qui que ce soit, être contraints et for­cés à modi­fier le pré­sent Missel. Statuons et décla­rons que les pré­sentes lettres ne pour­ront jamais et en aucun temps être révo­quées ni modi­fiées, mais qu’elles demeu­re­ront tou­jours fermes et valables dans leur por­tée. (…) Ainsi, qu’il ne soit à per­sonne, abso­lu­ment, per­mis d’enfreindre ou, par témé­raire entre­prise, de contre­ve­nir à la pré­sente charte de Notre per­mis­sion, sta­tut, ordon­nance, man­dat, pré­cepte, conces­sion, indult, décla­ra­tion, volon­té, décret et défense. Que s’il avait l’audace de l’attenter, qu’il sache qu’il encour­ra l’indignation du Dieu tout-​puissant, et des bien­heu­reux Apôtres Pierre et Paul » (Bulle Quo pri­mum).

Cet indult ne pou­vait être sup­pri­mé sans men­tion spé­ciale, « car une loi géné­rale ne déroge aucu­ne­ment au droit par­ti­cu­lier ou spé­cial, à moins d’une men­tion expresse » (canon 20). La Constitution apos­to­lique de Paul VI, par son silence sur ce point, laisse donc intact le pri­vi­lège accor­dé à per­pé­tui­té par saint Pie V.

Le Missel révisé par saint Pie V constitue une coutume

Bien avant d’être une loi, la messe romaine est une cou­tume mil­lé­naire : elle exis­tait déjà de longs siècles avant la bulle Quo pri­mum pro­mul­guée par saint Pie V. Or une loi ne peut révo­quer les cou­tumes contraires cen­te­naires et immé­mo­riales sans en faire men­tion expresse (canon 28). La Constitution apos­to­lique de Paul VI, par son silence sur ce point, laisse donc intacte cette cou­tume litur­gique millénaire.

Sortir du « volontarisme juridique »

Nous venons de voir les lois qui s’appliquent au Missel révi­sé par saint Pie V : elles mani­festent que l’usage de ce Missel est tou­jours per­mis, sans aucune réserve. Toutefois, l’ordre juri­dique n’est qu’un ordre second : il exprime la réa­li­té telle que la rai­son éclai­rée par la foi nous la fait connaître, il la codi­fie pour le bien com­mun, mais ne la crée nul­le­ment. Bien au contraire, il n’a de véri­té et de force obli­ga­toire que dans la mesure où il se rat­tache par un lien solide à cette réalité.

En par­tant de la réa­li­té, il faut donc aller plus loin que le simple exa­men des lois (déjà pro­bant, au demeu­rant) : il faut dire que même si, par hasard, la Constitution apos­to­lique de Paul VI pré­voyait l’interdiction de l’usage du Missel tra­di­tion­nel ; même si une loi appa­rente quel­conque pré­ten­dait pros­crire le Missel tra­di­tion­nel ; cette Constitution, cette loi, cette pres­crip­tion cano­nique ne pour­rait tout sim­ple­ment pas être valide, ne pour­rait tout sim­ple­ment pas avoir d’effet. Pour la bonne rai­son que la matière consi­dé­rée, le Missel tra­di­tion­nel, ne peut être l’objet d’une telle interdiction.

L’État moderne, nous ne le savons que trop, pré­tend décré­ter sou­ve­rai­ne­ment, par exemple, que la dif­fé­rence entre l’homme et la femme est pure­ment arbi­traire et peut être modi­fiée à loi­sir ; il pré­tend décré­ter sou­ve­rai­ne­ment que la véri­té his­to­rique est telle sur cer­tains sujets ; il pré­tend décré­ter sou­ve­rai­ne­ment qu’un enfant n’est qu’un vul­gaire amas de cel­lules dont on peut dis­po­ser sans contrainte ; etc. Bref, l’État moderne tend à nous habi­tuer à un « volon­ta­risme juri­dique » tel qu’il pour­rait déci­der à peu près n’importe quoi, et que nous serions tenus de lui obéir. Et, par la force de l’habitude, nous avons ten­dance à encore étendre ce « volon­ta­risme juri­dique », et à consi­dé­rer que toute auto­ri­té (y com­pris ecclé­sias­tique) peut faire ce qu’elle veut, quand elle veut, et que nous sommes tenus de lui obéir.

Ce n’est évi­dem­ment ni vrai, ni juste. Le réel reste le réel, quelles que soient les pré­ten­dues lois (qui ne sont que des « ini­qui­tés », sou­ligne saint Thomas d’Aquin) qui pré­tendent l’abolir. On pour­ra faire toutes les lois qu’on vou­dra, sanc­tion­ner et enfer­mer les récal­ci­trants autant qu’on vou­dra, cela ne chan­ge­ra jamais rien au réel : l’homme res­te­ra dif­fé­rent (et com­plé­men­taire) de la femme, la véri­té his­to­rique ne dépen­dra pas des tri­bu­naux, l’enfant demeu­re­ra un être humain dont la vie doit être pro­té­gée, etc.

L’exemple de la langue

Pour com­prendre ce que nous venons de dire, et l’application que nous allons en faire au Missel tra­di­tion­nel, pre­nons l’exemple de notre langue fran­çaise. Cette langue est un patri­moine com­mun enra­ci­né dans le pas­sé, dans une his­toire, une lit­té­ra­ture, une pra­tique, un état d’esprit, une cer­taine approche de la gram­maire et de l’orthographe, etc. Cette langue appar­tient aujourd’hui à ses locu­teurs, qui la pra­tiquent, la pré­servent, la font vivre, et aus­si évo­luer dou­ce­ment. Cette langue n’appartient cer­tai­ne­ment pas à l’État, ni même à une ins­ti­tu­tion lit­té­raire comme l’Académie fran­çaise. Sans doute, l’État peut, comme l’Académie fran­çaise, et cha­cun dans leur genre, par­ti­ci­per très modes­te­ment à l’évolution de la langue fran­çaise. Ainsi, l’Académie pro­pose des « mots fran­çais de sub­sti­tu­tion » pour les angli­cismes qui tendent à nous enva­hir, comme « cour­riel » plu­tôt que « email » : c’est très bien, même si seul l’usage dira si cette pro­po­si­tion prend racine ou non.

Mais, en aucune manière, l’État ne peut décré­ter sou­ve­rai­ne­ment que les Français vont désor­mais par­ler une nou­velle langue, un genre d’espéranto ou de néo-​volapük, même en pré­tex­tant qu’il en advien­drait des mer­veilles pour la clar­té, la sim­pli­ci­té, la moder­ni­té, que sais-​je. Seul un pays créé arti­fi­ciel­le­ment pour­rait créer une langue arti­fi­cielle pour réunir ses nou­veaux citoyens : ce fut le cas avec l’hébreu moderne dans le cadre du sio­nisme, puis lors de la créa­tion ex nihi­lo de l’État d’Israël en 1948. Mais cette situa­tion est extrê­me­ment rare, voire tota­le­ment inédite en dehors de ce cas excep­tion­nel. Et aujourd’hui, alors que plu­sieurs géné­ra­tions ont déjà par­lé cette langue (l’hébreu), et qu’elle est par­ta­gée désor­mais par des mil­lions de locu­teurs, si l’État israé­lien pré­ten­dait sou­dai­ne­ment en chan­ger, il n’en aurait tout sim­ple­ment pas le droit, sa légi­ti­mi­té sur ce point serait nulle.

La liturgie est notre langue, donc un bien inaliénable

La litur­gie est pré­ci­sé­ment un lan­gage, elle est notre langue spi­ri­tuelle. Issue de l’histoire, reçue de la tra­di­tion, magni­fiée par l’usage des saints, elle est notre patri­moine à tous, notre héri­tage com­mun. Elle appar­tient entiè­re­ment au « Peuple de Dieu », et aucune auto­ri­té ne peut la sup­pri­mer d’un trait de plume ou la modi­fier substantiellement.

Bien sûr, de même que l’État ou l’Académie peuvent inter­ve­nir mar­gi­na­le­ment dans l’évolution de la langue fran­çaise, et pour­vu que l’usage des locu­teurs sanc­tionne ces pro­po­si­tions, l’autorité ecclé­sias­tique est tou­jours inter­ve­nue mar­gi­na­le­ment, et de façon légi­time, dans l’évolution de la litur­gie, ce bien com­mun du « peuple de Dieu ». Mettre en place une nou­velle fête de saint, par­ler de « fête de troi­sième classe » plu­tôt que de « fête demi-​double » : qui a jamais envi­sa­gé de contes­ter à l’autorité ecclé­sias­tique ce genre d’intervention, que l’on trouve tout au long de l’histoire ?

Supposons qu’il ait été légi­time, entre 1965 et 1975, d’avoir inven­té ex nihi­lo et créé de toutes pièces une litur­gie entiè­re­ment nou­velle, non enra­ci­née dans une tra­di­tion vivante (hypo­thèse sur laquelle nous expri­mons tou­te­fois les plus expresses réserves). Mais même si cela avait été par hasard légi­time, il était impos­sible, il était impen­sable, il était défi­ni­ti­ve­ment injus­ti­fiable de pré­tendre sup­pri­mer d’un trait de plume le droit du « Peuple de Dieu » à son lan­gage propre, à une vie litur­gique enra­ci­née dans sa mémoire et sa pra­tique, et en par­ti­cu­lier de pré­tendre inter­dire l’usage de « cet intègre et fécond Missel romain de saint Pie V, (…) si pro­fon­dé­ment véné­ré et aimé du monde catho­lique tout entier » (lettre des car­di­naux Ottaviani et Bacci accom­pa­gnant le Bref exa­men cri­tique de 1969).

Le Missel révisé par saint Pie V ne pouvait pas être supprimé

Autrement dit, dans la réa­li­té, la ques­tion d’une sup­pres­sion de la litur­gie tra­di­tion­nelle ne se pose même pas : cette litur­gie est le bien propre du « Peuple de Dieu », et il n’appartient pas à une auto­ri­té ser­vante du bien des bap­ti­sés de dis­po­ser à son gré de ce bien com­mun ines­ti­mable et inaliénable.

Le Missel révi­sé par saint Pie V ne pou­vait tout sim­ple­ment pas être sup­pri­mé. Le Pape Benoît XVI, à l’instar de la com­mis­sion de 1986, l’a jus­te­ment et défi­ni­ti­ve­ment expri­mé : « Ce Missel n’a jamais été juri­di­que­ment abro­gé, et par consé­quent, en prin­cipe, il est tou­jours res­té auto­ri­sé » ; « L’histoire de la litur­gie est faite de crois­sance et de pro­grès, jamais de rup­ture. Ce qui était sacré pour les géné­ra­tions pré­cé­dentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrou­ver tota­le­ment inter­dit, voire consi­dé­ré comme néfaste. Il est bon pour nous tous de conser­ver les richesses qui ont gran­di dans la foi et dans la prière de l’Église, et de leur don­ner leur juste place » (Lettre aux évêques du 7 juillet 2007).

On peut donc user en toute sûreté du missel révisé par saint Pie V

Le Missel révi­sé par saint Pie V n’a été ni abro­gé ni « obro­gé » par le légis­la­teur : on peut donc en user en toute sûre­té de conscience comme d’une loi litur­gique tou­jours en vigueur.

Le Missel révi­sé par saint Pie V est pro­té­gée par un indult spé­ci­fique et per­pé­tuel : à ce titre éga­le­ment, on peut donc en user en toute sûre­té de conscience.

Le Missel révi­sé par saint Pie V s’inscrit dans le cadre d’une cou­tume mil­lé­naire, tou­jours en vigueur : à ce titre encore, on peut donc en user en toute sûre­té de conscience.

Le Missel révi­sé par saint Pie V est le bien com­mun de tout le « Peuple de Dieu », et ne peut, ni être sup­pri­mé, ni être inter­dit : à ce titre enfin, on peut donc en user en toute sûre­té de conscience.

Ainsi, pour reprendre les mots mêmes de saint Pie V, « à per­pé­tui­té, pour chan­ter ou réci­ter la messe en n’importe quelles églises, on peut, sans aucune réserve, uti­li­ser le Missel tra­di­tion­nel, avec per­mis­sion et pou­voir d’en faire libre et licite usage, sans aucune espèce de scru­pule, ou sans qu’on puisse encou­rir aucunes peines, sen­tences et censures ».

Source : Lettre à nos frères prêtres n°91