Alors que le Pape François a publié son Motu proprio Traditionis Custodes contre la messe traditionnelle, il est bon de se rappeler où et quand commença le combat pour défendre la messe face aux abus de pouvoir venus de Rome.
L’été 1976, le célèbre « été chaud »
Le Pape Paul VI fait une allocution au consistoire des cardinaux le 24 mai 1976 qui est largement consacrée à Mgr Lefebvre, lui reprochant de refuser l’autorité d’aujourd’hui au nom de celle d’hier, d’entraîner à la désobéissance « sous prétexte de conserver sa foi intacte » et de refuser la nouvelle messe par « attachement sentimental » à l’ancienne. Et Paul VI affirme que le « nouvel Ordo a été promulgué pour être substitué à l’ancien. » « Ce n’est pas autrement, dit-il, que notre saint prédécesseur Pie V avait rendu obligatoire le missel réformé sous son autorité, à la suite du concile de Trente. »
Mgr Lefebvre est indigné de cette mésinterprétation de son combat pour la foi, et encore plus indigné de la comparaison captieuse que Paul VI ose faire de sa propre réforme avec celle de saint Pie V.[1]
Déjà, on le voit, le nœud autour duquel se joue le bras de fer entre Rome et Ecône est l’acceptation explicite de tout le Concile Vatican II, de toutes ses décisions et des réformes qui en sont issues, en commençant par l’acceptation de la nouvelle messe. Il aurait suffi alors que Mgr Lefebvre acceptât de concélébrer une seule fois dans le nouveau rite, et toute difficulté aurait été aplanie. Pour le bien de toute l’Eglise, Mgr Lefebvre n’a pas cédé.
Les ordinations sacerdotales s’approchant, la fièvre s’empare de Rome : l’archevêque va-t-il oser ordonner des prêtres sans lettres dimissoriales ?
29 juin 1976. A Ecône, dans la prairie attenante au séminaire, est construite une grande chapelle de toile. Le soleil darde ses rayons, plusieurs milliers de catholiques, venus de toute l’Europe, de toute la terre, occupent les places préparées ; on a du mal à discipliner les nombreux photographes et journalistes à l’affut. A 9 heures, la procession s’ébranle et descend la prairie. L’archevêque, mitré, ganté, s’avance la crosse en main, le visage un peu contracté, l’air résolu. Il va ordonner 13 prêtres et 14 sous-diacres. Dans son sermon, il explique sa résistance.
Après l’ordination, Mgr Lefebvre est frappé de « suspens a divinis ». Une sanction qui, observe-t-il avec humour, l’empêche de dire la messe… nouvelle ! Le 29 août 1976, il se rend à Lille pour y célébrer la messe devant des milliers de fidèles. Il y prononcera là aussi un sermon retentissant qui fera la une des journaux.
Sermon des ordinations sacerdotales – Ecône, le 29 juin 1976 Mgr Lefebvre
Mes bien chers amis, mes bien chers confrères, mes bien chers frères,
[Vous] qui êtes venus de tous les pays, de tous les horizons, c’est une joie pour nous de vous accueillir et de vous sentir si près de nous en ce moment, si important pour notre Fraternité et aussi pour l’Eglise. Je pense, en effet, que si des pèlerins se sont permis de faire le sacrifice de voyager nuit et jour, de venir de régions très éloignées pour participer à cette cérémonie, c’est qu’ils avaient la conviction qu’ils venaient assister à une cérémonie d’Eglise, participer à une cérémonie qui réjouira leur cœur, parce qu’ils auront ainsi la certitude, en rentrant chez eux, que l’Eglise catholique continue.
Oh ! je le sais bien, les difficultés sont nombreuses dans cette entreprise que l’on nous dit être téméraire. On nous dit que nous sommes dans une impasse. Pourquoi ? Parce que de Rome nous sont venus, surtout depuis trois mois, en particulier depuis le 19 mars, fête de saint Joseph, des objurgations, des supplications, des ordres, des menaces, pour nous dire de cesser notre activité, pour nous dire de ne pas faire ces ordinations sacerdotales. Elles ont été pressantes ces derniers jours : depuis douze jours, spécialement, nous ne cessons de recevoir des messages ou des envoyés de Rome, nous enjoignant de nous abstenir de faire ces ordinations. Mais si, en toute objectivité, nous cherchons quel est le motif véritable qui anime ceux qui nous demandent de ne pas faire ces ordinations, si nous recherchons leur motif profond, nous trouvons que c’est parce que nous ordonnons ces prêtres, afin qu’ils disent la messe de toujours.
On m’a mis dans les mains un missel nouveau, en me disant : « Voilà la messe que vous devez célébrer et que vous célébrerez désormais dans toutes vos maisons. »
Et c’est parce que l’on sait que ces prêtres seront fidèles à la messe de l’Eglise, à la messe de la Tradition, à la messe de toujours, qu’on nous presse de ne pas les ordonner. Je n’en veux pour preuve que ce fait : six fois depuis trois semaines, six fois on nous a demandé de rétablir des relations normales avec Rome et, comme témoignage, de recevoir le rite nouveau et de le célébrer moi-même. On est allé jusqu’à m’envoyer quelqu’un qui m’a offert de concélébrer avec moi dans le rite nouveau, afin de manifester que j’acceptais volontiers cette nouvelle liturgie, et qui m’a dit que, de ce fait, tout serait aplani entre nous et Rome. On m’a mis dans les mains un missel nouveau, en me disant : « Voilà la messe que vous devez célébrer et que vous célébrerez désormais dans toutes vos maisons. » On m’a dit également que, si en cette date, aujourd’hui, ce 29 juin, devant toute notre assemblée, nous célébrions une messe selon le nouveau rite, tout serait aplani alors entre nous et Rome. Ainsi il est clair, il est net que c’est sur le problème de la messe que se joue tout le drame entre Ecône et Rome.
Avons-nous tort de nous obstiner à vouloir garder le rite de toujours ? Certes, nous avons prié, nous avons consulté, nous avons réfléchi, nous avons médité pour savoir si vraiment c’est nous qui étions dans l’erreur ou si réellement nous n’avions pas de raison suffisante de ne pas nous soumettre à ce nouveau rite. Eh bien, justement, l’insistance que mettent ceux qui nous sont envoyés de Rome pour nous demander de changer de rite, nous fait réfléchir, et nous avons la conviction que précisément ce rite nouveau de la messe exprime une nouvelle foi, une foi qui n’est pas la nôtre, une foi qui n’est pas la foi catholique.
Cette nouvelle messe est un symbole, une expression, une image d’une foi nouvelle, d’une foi moderniste, car si la Sainte Eglise a voulu garder tout au cours des siècles, ce trésor précieux qu’elle nous a donné du rite de la sainte messe canonisée par saint Pie V, ce n’est pas pour rien. C’est parce que dans cette messe se trouve toute notre foi, toute la foi catholique : la foi dans la Sainte Trinité, la foi dans la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la foi dans le Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a coulé pour la rédemption de nos péchés, la foi dans la grâce surnaturelle, qui nous vient du Saint Sacrifice de la messe, qui nous vient de la Croix, qui nous vient par tous les sacrements. Voilà ce que nous croyons en célébrant le Saint Sacrifice de la messe de toujours. Cette messe est une leçon de foi, indispensable pour nous en cette époque où notre foi est attaquée de toutes parts. Nous avons besoin de cette messe véritable, de cette messe de toujours, de ce Sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Cette nouvelle messe est un symbole, une expression, une image d’une foi nouvelle, d’une foi moderniste, car si la Sainte Eglise a voulu garder tout au cours des siècles, ce trésor précieux qu’elle nous a donné du rite de la sainte messe canonisée par saint Pie V, ce n’est pas pour rien. C’est parce que dans cette messe se trouve toute notre foi, toute la foi catholique.
Or, il est évident que ce rite nouveau, sous-tendu – si je puis dire – suppose une autre conception de la religion catholique, une autre religion. Ce n’est plus le prêtre qui offre la messe, c’est l’assemblée. Cela est tout un programme. Désormais, c’est l’assemblée aussi qui remplace l’autorité dans l’Eglise : c’est l’assemblée épiscopale qui remplace le pouvoir des évêques, c’est le conseil presbytéral qui remplace le pouvoir de l’évêque dans le diocèse, c’est le nombre qui commande désormais dans la Sainte Eglise, et cela est exprimé dans la messe précisément en ce que l’assemblée remplace le prêtre, à tel point que maintenant beaucoup de prêtres ne veulent plus célébrer la sainte messe quand il n’y a pas d’assemblée. Tout doucement, c’est la notion protestante de la messe qui s’introduit dans la Sainte Eglise. Et cela est conforme à la mentalité de l’homme moderne, à la mentalité de l’homme moderniste, cela lui est absolument conforme. Car, c’est l’idéal démocratique qui est fondamentalement l’idéal de l’homme moderne : pour lui, le pouvoir est dans l’assemblée, l’autorité est dans les hommes, dans la masse, et non pas en Dieu. Nous, nous croyons que Dieu est tout-puissant, nous croyons que Dieu a toute autorité, nous croyons que toute autorité vient de Dieu : « Omnis protestas a Deo ». Nous ne croyons pas, nous, que l’autorité vient du peuple, que l’autorité vient de la base, comme le veut la mentalité de l’homme moderne. Or, la nouvelle messe n’en est pas moins l’expression de cette idée que l’autorité se trouve à la base et non plus en Dieu. Cette messe n’est pas une messe hiérarchique, c’est une messe démocratique, et cela est très grave. C’est l’expression de toute une nouvelle idéologie : on a fait entrer l’idéologie de l’homme moderne dans nos rites les plus sacrés. Et c’est cela qui corrompt actuellement toute l’Eglise, car par cette idée de pouvoir accordé à la base dans la sainte messe, on détruit le sacerdoce, on est en train de détruire le sacerdoce.
Le prêtre n’aura plus un pouvoir personnel, ce pouvoir qui lui est donné par son ordination, comme vont le recevoir dans un instant ces futurs prêtres. Ils vont recevoir un caractère qui va les mettre au-dessus du Peuple de Dieu. Ils ne pourront jamais plus dire après cette cérémonie qu’ils sont des hommes comme les autres. Ce n’est pas vrai : ils ne seront plus des hommes comme les autres, ils seront des hommes de Dieu. Ils seront des hommes qui participent à la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ en participant à son caractère sacerdotal. Car Notre-Seigneur Jésus-Christ est prêtre pour l’éternité, prêtre selon l’ordre de Melchisédech, parce que la divinité du Verbe de Dieu a été infusée dans cette humanité qu’Il a assumée. Et c’est au moment où Il a assumé cette humanité dans le sein de la Très Sainte Vierge Marie que Jésus est devenu prêtre.
On a fait entrer l’idéologie de l’homme moderne dans nos rites les plus sacrés.
La grâce à laquelle ces jeunes prêtres vont participer n’est pas la grâce sanctifiante, à laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ nous fait participer par la grâce du baptême ; c’est la grâce d’union, cette grâce d’union unique à Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est à cette grâce qu’ils vont participer, car c’est par sa grâce d’union à la divinité de Dieu, à la divinité du Verbe, que Notre-Seigneur Jésus-Christ est devenu prêtre, que Notre-Seigneur Jésus-Christ est roi, que Notre-Seigneur Jésus-Christ est juge, que Notre-Seigneur Jésus-Christ doit être adoré par tous les hommes. Par la grâce d’union, grâce sublime, grâce que jamais aucun être ici-bas n’a pu concevoir, cette grâce de la divinité même, descendant dans une humanité qui est celle de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’oignant en quelque sorte comme l’huile qui descend sur la tête et qui consacre celui qui la reçoit, l’humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ était pénétrée par la divinité du Verbe de Dieu et c’est ainsi qu’il a été fait prêtre, qu’il a été fait médiateur entre Dieu et les hommes, et c’est à cette grâce-là que vont participer ces prêtres, c’est elle qui les mettra au-dessus du peuple de Dieu. Eux aussi, ils seront les intermédiaires entre Dieu et son peuple. Ils ne seront pas seulement les représentants du peuple de Dieu, ils ne seront pas les mandatés du peuple de Dieu, ils ne seront pas seulement les présidents de l’assemblée. Ils seront prêtres pour l’éternité, marqués de ce caractère pour l’éternité. Et personne n’a le droit de ne pas les respecter. Même si eux, ils ne respectaient pas ce caractère, ils l’ont toujours en eux, ils l’auront toujours en eux.
Voilà ce que nous croyons, voilà quelle est notre foi et voilà ce qui constitue notre Saint Sacrifice de la messe. C’est le prêtre qui offre le Saint Sacrifice de la messe. Les fidèles participent, certes, à cette offrande de tout leur cœur, de toute leur âme, mais ce ne sont pas eux qui l’offrent. La preuve : le prêtre, quand il est seul, offre le Sacrifice de la messe de la même manière et avec la même valeur que s’il y avait mille personnes qui l’entouraient ; son sacrifice a une valeur infinie car il n’est autre que le sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Voilà ce que nous croyons, et c’est pourquoi nous pensons que nous ne pouvons pas accepter ce rite nouveau, qui est l’œuvre d’une idéologie autre, d’une idéologie nouvelle.
On a cru attirer à l’Eglise les gens qui ne croient pas, en prenant leurs idées, en prenant les idées de l’homme moderne, de cet homme moderne qui est un homme libéral, un homme moderniste, un homme qui accepte la pluralité des religions, mais n’accepte plus la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Cela, je l’ai entendu par deux fois des envoyés du Saint-Siège, qui m’ont dit que la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ n’était plus possible en notre temps, qu’il fallait accepter définitivement le pluralisme des religions, que l’encyclique Quas primas sur la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, cette encyclique si belle qui a été écrite par le pape Pie XI, ne serait plus écrite aujourd’hui par le pape. Voilà ce que m’ont dit les envoyés officiels du Saint-Siège.
Cela nous est une douleur immense, immense, de penser que nous sommes en difficulté avec Rome à cause de notre foi ! Comment est-ce possible ?
Eh bien, nous ne sommes pas de cette religion, nous n’acceptons pas cette nouvelle religion. Nous sommes de la religion de toujours, nous sommes de la religion catholique, nous ne sommes pas de cette religion universelle, comme ils l’appellent aujourd’hui. Ce n’est plus la religion catholique. Nous ne sommes pas de cette religion libérale, moderniste, qui a son culte, ses prêtres, sa foi, ses catéchismes, sa bible – sa bible œcuménique. Nous ne les acceptons pas, nous n’acceptons pas la bible œcuménique. Il n’y a pas de bible œcuménique, il y a la Bible de Dieu, la Bible de l’Esprit-Saint, qui a été écrite sous l’influence de l’Esprit-Saint ! C’est la parole de Dieu, nous n’avons pas le droit de la mélanger avec la parole des hommes ! Il n’y a pas de bible œcuménique qui puisse exister, il n’y a qu’une parole, la Parole du Saint-Esprit. Nous n’acceptons pas les catéchismes qui n’affirment plus notre Credo. Et ainsi de suite, nous ne pouvons pas accepter ces choses-là. C’est contraire à notre foi, nous le regrettons infiniment, cela nous est une douleur immense, immense, de penser que nous sommes en difficulté avec Rome à cause de notre foi ! Comment est-ce possible ? C’est une chose qui dépasse notre imagination, que jamais nous n’aurions pu penser, que jamais nous n’aurions pu croire, surtout dans notre enfance, alors que tout était uniforme, que l’Eglise croyait en son unité générale, qu’elle avait la même foi, les mêmes sacrements, le même Sacrifice de la messe, le même catéchisme. Voilà que, tout à coup, tout cela est dans la division, dans le déchirement.
Je l’ai dit à ceux qui sont venus de Rome : des chrétiens sont déchirés dans leur famille, dans leur foyer, parmi leurs enfants, ils sont déchirés dans leur cœur à cause de cette division dans l’Eglise, de cette nouvelle religion que l’on enseigne et que l’on pratique. Des prêtres meurent prématurément, déchirés dans leur cœur et dans leur âme de penser qu’ils ne savent plus que faire : ou se soumettre à l’obéissance et perdre en quelque sorte la foi de leur enfance et de leur jeunesse, et renoncer aux promesses qu’ils ont faites au moment de leur sacerdoce, en prêtant le serment anti-moderniste, ou alors avoir l’impression de se séparer de celui qui est notre Père, le pape, de celui qui est le Successeur de Pierre. Quel déchirement pour les prêtres ! Des prêtres, beaucoup de prêtres sont morts prématurément de douleur. Des prêtres sont maintenant chassés de leurs églises, persécutés, parce qu’ils disent la messe de toujours ! Nous sommes dans une situation vraiment dramatique ! Alors, nous avons à choisir entre une apparence – je dirais – d’obéissance – car le Saint-Père ne peut pas nous demander d’abandonner notre foi, c’est absolument impossible – et la conservation de notre foi. Eh bien, nous choisissons de ne pas abandonner notre foi. Car en cela, nous ne pouvons par nous tromper. L’Eglise ne peut pas être dans l’erreur dans ce qu’elle a enseigné pendant deux mille ans, c’est absolument impossible. Et c’est pourquoi nous sommes attachés à cette tradition qui s’est exprimée d’une manière admirable et d’une manière définitive, comme l’a si bien dit le pape saint Pie V, dans le Saint Sacrifice de la messe.
Demain, peut-être, notre condamnation paraîtra dans les journaux à cause de ces ordinations d’aujourd’hui, c’est très possible. Probablement, je serai frappé moi-même d’une suspense, ces jeunes prêtres seront frappés par une irrégularité qui, en principe, devrait les empêcher de dire la sainte messe ; c’est possible. Eh bien, je fais appel à saint Pie V, qui a dit dans la Bulle Quo primum qu’à perpétuité, aucun prêtre ne pourra encourir une censure, quelle qu’elle soit, parce qu’il dit cette messe. Et par conséquent, cette censure, cette condamnation, s’il y en avait une, ces censures, s’il y en avaient, seront absolument invalides, contraires à ce que saint Pie V a affirmé solennellement dans sa Bulle : qu’à perpétuité, que jamais, qu’en aucun temps, on ne pourra infliger une censure à un prêtre parce qu’il dira cette sainte messe. Pourquoi ? Parce que cette messe est canonisée, il l’a canonisée définitivement. Or, un pape ne peut pas enlever une canonisation. Le pape peut faire un nouveau rite, mais il ne peut pas enlever une canonisation. Il ne peut pas interdire une messe qui est canonisée, cela n’est pas possible. Or, cette sainte messe a été canonisée par saint Pie V. Et c’est pourquoi nous pouvons la dire en toute tranquillité, en toute sécurité et même être certains qu’en disant cette messe, nous professons notre foi, nous entretenons notre foi et nous entretenons la foi des fidèles. C’est la meilleure manière de l’entretenir, et c’est pourquoi nous allons procéder dans quelques instants à ces ordinations.
Nous choisissons de ne pas abandonner notre foi. Car en cela, nous ne pouvons par nous tromper.
Certes, nous souhaiterions avoir une bénédiction, comme on en avait autrefois, du Saint-Siège : on avait des bénédictions, venant de Rome, pour les nouveaux ordinands. Mais nous pensons que le Bon Dieu est là qui voit toutes choses et qu’Il bénit aussi cette cérémonie que nous faisons et qu’un jour, Il en tirera les fruits qu’Il désire certainement et qu’Il nous aidera, en tous cas, à maintenir notre foi et à maintenir l’Eglise. Nous le demandons surtout à la Très Sainte Vierge, à Saint Pierre et à Saint Paul, aujourd’hui. Nous demandons à la Très Sainte Vierge, qui est la Mère du sacerdoce, d’obtenir pour ces jeunes la véritable grâce du sacerdoce, de leur obtenir l’Esprit-Saint, qui a été donné par son intermédiaire, aux Apôtres le jour de la Pentecôte. Et nous demandons à Saint Pierre et à Saint Paul de maintenir en nous cette foi en Pierre. Oh ! oui, nous avons la foi en Pierre, nous avons la foi dans le Successeur de Pierre. Mais comme le dit très bien le pape Pie IX dans sa constitution dogmatique sur le Pontife Romain : le pape a reçu le Saint-Esprit non pour faire des vérités nouvelles, mais pour nous maintenir dans la foi de toujours. Voilà la définition dogmatique de l’infaillibilité pontificale faite au moment du premier concile du Vatican par le pape Pie IX. Et c’est pourquoi nous sommes persuadés qu’en maintenant ces traditions, nous manifestons notre amour, notre docilité et notre obéissance envers le Successeur de Pierre.
† Marcel Lefebvre
Images du 29 juin 1976
- Cf. Madiran, revue Itinéraires n° 205, pp 10–11.[↩]