Les profondes déficiences doctrinales de la nouvelle messe

Le plus grand reproche fait au mis­sel de Paul VI touche la pro­fes­sion de la foi catho­lique. Le rite lui-​même, dans ses gestes et ses paroles, dans l’ensemble comme dans le détail, altère la foi catho­lique. Il ne la contre­dit pas fron­ta­le­ment, il l’escamote, il la tait, il la noie.

1) Quant au mystère chrétien

Le rite a pour tâche d’instruire prêtres et fidèles et de les dis­po­ser au culte de Dieu par ce rap­pel des véri­tés de foi. Or, le nou­veau rite s’accompagne d’un appau­vris­se­ment consi­dé­rable de ces rap­pels. Nombre de véri­tés sont alté­rées et mises sous le bois­seau moyen­nant la sup­pres­sion de prières dont le nombre et la pré­ci­sion ne sont pas remplacés :

Le péché : le NOM [1] ne contient plus les prières de l’Indulgentiam, de l’Aufer a nobis, de l’Oramus te, du Deus qui humanæ, du sus­cipe sancte Pater qui toutes, rap­pe­laient la condi­tion péche­resse de l’homme.

Le mépris des choses de ce monde : « On a chan­gé dans ce mis­sel nou­veau toutes les orai­sons, toutes les prières qui parlent du mépris des choses de ce monde pour nous atta­cher aux choses célestes. Quelle idée ont eue ceux qui ont chan­gé ces choses-​là ? Est-​ce que vrai­ment les choses célestes ne sont pas telles que nous devons mépri­ser les choses ter­restres, qui sont pour nous une occa­sion de péché » [2] ?

Le com­bat spi­ri­tuel : « On a sup­pri­mé dans les orai­sons tout ce qui indi­quait la lutte, le com­bat spi­ri­tuel. Les termes ‘per­sé­cu­teurs, enne­mis’ , tout cela est sup­pri­mé sans rai­son. Par exemple saint Jean de Capistran : ‘[Dieu qui…] avez fait triom­pher [vos fidèles] des enne­mis de la Croix (…) faites, nous vous en prions, que, par son inter­ces­sion, ayant vain­cu les pièges de nos enne­mis spi­ri­tuels » » [3].

Le mys­tère de la Rédemption : on parle de « salut » d’une manière très vague.

La vir­gi­ni­té per­pé­tuelle de la Vierge Marie : dans le NOM, il est pos­sible (sui­vant le choix des prières pro­po­sées) de ne pas par­ler de la Vierge Marie. Et l’on sait que la vir­gi­ni­té per­pé­tuelle de Marie est une pierre d’achoppement pour les pro­tes­tants… Du reste, le mot « per­pé­tuelle » n’est pré­sent que dans une seule des quatre prières eucha­ris­tiques. A l’inverse, l’ancien rite répé­tait ce dogme au moins cinq fois.

La Royauté du Christ-​Roi : « A pro­pos du Christ-​Roi, on a sup­pri­mé deux strophes qui parlent du Règne social de Notre Seigneur Jésus-​Christ » [4].

La foi dans les fins der­nières : « Le rite des défunts a été modi­fié. Le mot ani­ma a fré­quem­ment dis­pa­ru de nom­breuses orai­sons pour les défunts, parce qu’avec les nou­velles phi­lo­so­phies on ne sait plus vrai­ment s’il y a une dis­tinc­tion réelle entre l’âme et le corps. Alors il ne faut plus par­ler d’âme. C’est incroyable, inima­gi­nable ! Il n’y a plus de dévo­tion pour les défunts, il n’y a plus le sens du pur­ga­toire » [5].

2) Quant à l’aspect sacré des mystères

Les rubriques mêmes du mis­sel ins­ti­tu­tion­na­lisent cette perte du sens du sacré à tra­vers la muta­bi­li­té per­ma­nente du rite et un relâ­che­ment litur­gique général.

La muta­bi­li­té per­ma­nente du rite déna­ture son carac­tère sacré, ne serait-​ce que par la diver­si­té des messes : la pre­mière par­tie de la messe compte 3 for­mules, la deuxième 3, et le canon 4. On peut donc construire « sa » messe selon 3x3x4 pos­si­bi­li­tés. Cela en se limi­tant aux paroles, sans par­ler des gestes et autres céré­mo­nies que l’on peut ajou­ter et inven­ter à sa guise au gré des conseils parois­siaux. Donner au prêtre et à son conseil parois­sial une liber­té de gestes quasi-​totale et une très large part à l’initiative col­lec­tive pour les textes de la messe engendre méca­ni­que­ment une perte du res­pect dû au rite lui-​même. Il est rare que l’imagination ou la fan­tai­sie aille de pair avec le sens du respect.

A l’inverse, l’utilisation d’un rite sta­bi­li­sé depuis une quin­zaine de siècles et codi­fié dans le détail de ses paroles et de ses gestes engendre un pro­fond res­pect du prêtre et des fidèles. La moindre des règles péda­go­giques pour ensei­gner le carac­tère sacré d’un objet, c’est de ne pas le mettre entre toutes les mains et d’interdire de le trans­for­mer à son gré.

Un relâ­che­ment litur­gique géné­ral engen­dré par l’abandon et la sup­pres­sion d’une grande par­tie des marques de res­pect, en particulier :

  • de l’obligation de la pierre d’autel, ain­si que du carac­tère pré­cieux des vases sacrés, d’une des trois nappes d’autel ou encore de cer­tains orne­ments (le mani­pule, l’amict, le cor­don, le voile de calice et la bourse voire la cha­suble elle-même) ;
  • des génu­flexions dont le nombre passe de 12 à 2, des signes de croix qui passent de 47 à 7–8,
  • du nombre de prières qui réduisent le temps de la messe – en pre­nant au plus court – à 10/​12 minutes.

Lucide, Mgr Lefebvre l’observait :

« La désa­cra­li­sa­tion a lieu d’abord :

Par la langue ver­na­cu­laire. La sup­pres­sion de la langue sacrée qu’était le latin a en quelque sorte ren­du pro­fane la sainte messe et en a fait quelque chose qui n’est plus vrai­ment sacré.

Par la pro­non­cia­tion de cette tra­duc­tion à haute voix pen­dant toute la sainte messe. Il n’y a plus de moment silen­cieux, il n’y a plus de paroles dites à voix basse par le prêtre (…) qui invitent à la médi­ta­tion sur le grand mys­tère qui s’y réalise.

Par l’introduction de la table au lieu de l’autel. (…)

Par la posi­tion du prêtre. La messe face au peuple n’invite pas du tout au recueille­ment face au mys­tère qui se déroule. Le prêtre est lui-​même dis­trait par les per­sonnes qu’il a devant lui. Et les gens sont dis­traits par le prêtre, sur­tout si celui-​ci agit d’une manière un peu vive, un peu désor­don­née, ou d’une manière qui n’est pas très respectueuse. (…)

Par la dis­tri­bu­tion de l’Eucharistie par les fidèles ».

Mgr Lefebvre, le 1er octobre 1979.

3) Suppression de l’aspect sacrificiel

« La messe n’est pas un sacri­fice… appelons-​la béné­dic­tion, eucha­ris­tie, cène du Seigneur… qu’on lui donne tout autre titre qu’on vou­dra, pour­vu qu’on ne la souille pas du titre de sacri­fice. Cette abo­mi­na­tion […] qu’on appelle Offertoire. C’est de là qu’à peu près tout résonne et res­sent le sacri­fice ». (1)

Luther, Formulæ missæ et com­mu­nio­nis, 1523

Malheureusement, le NOM s’infléchit dans le sens d’un repas et non d’un sacri­fice. Cette évo­lu­tion se tra­duit de quatre manières :

a) Par la sup­pres­sion de l’offertoire

Dans la doc­trine catho­lique, l’offertoire a pour fina­li­té de pré­ci­ser le but sacri­fi­ciel de la messe, à savoir l’offrande du Corps et du Sang en expia­tion de nos péchés. L’offertoire est ain­si l’offrande (1) anti­ci­pée du Corps et du Sang de Jésus-​Christ (2) faite à Dieu le Père (3), pré­sen­tée par le prêtre (4) en expia­tion de nos péchés (5). C’est pour­quoi l’offertoire tra­di­tion­nel déve­loppe ces 5 points sans aucune équi­voque pos­sible. Ce n’est plus le cas du nou­vel offer­toire qui n’est pas l’offrande anti­ci­pée du corps et du sang du Christ mais une prière conçue à par­tir d’un béné­di­ci­té juif [6].

b) Par la sup­pres­sion de la men­tion de sacri­fice propitiatoire

« Les prières qui expri­maient expli­ci­te­ment l’idée de pro­pi­tia­tion comme celles de l’offertoire et celles pro­non­cées par le prêtre avant la com­mu­nion ont été sup­pri­mées (…) [7]. Le terme de sacri­fice est tota­le­ment absent du Canon n° 2, dit de saint Hippolyte [8].

La dimi­nu­tion de la notion du sacri­fice est donc évi­dente dans le nou­veau rite, car le terme lui-​même de sacri­fice est rare­ment employé, et quand il est employé, il l’est à la manière des pro­tes­tants, parce que les pro­tes­tants acceptent le terme de sacri­fice pour la messe, mais uni­que­ment comme sacri­fice de louange ou eucha­ris­tique, mais sur­tout pas propitiatoire. »

c) Par le style nar­ra­tif de la consé­cra­tion fai­sant pen­ser davan­tage à un récit com­mé­mo­ra­tif qu’à une action liturgique.

d) Par les gestes litur­giques eux-mêmes

« Par ailleurs, pour ana­ly­ser le nou­veau rite, je pense qu’il ne faut pas consi­dé­rer seule­ment les textes, il faut prendre en compte éga­le­ment toutes les atti­tudes, les gestes nou­veaux qui sont com­man­dés : les génu­flexions, les signes de la croix, les incli­na­tions (…) et même le chan­ge­ment dans les objets » [9].

« Tout a été trans­for­mé ! Plus de génu­flexions, plus de signe de croix ! C’est abo­mi­nable ! Le signe de croix mon­trait bien qu’il s’agissait du sacri­fice de la Croix. Ne disons pas que ce sont des détails. Ce ne sont pas des détails. Ce sont des gestes qui ont leur signi­fi­ca­tion, qui ont leur valeur. » [10]

4) Diminution de la foi dans la présence réelle

Le plus grand reproche fait au mis­sel de Paul VI touche la pro­fes­sion de la foi catho­lique. Le rite lui-​même, dans ses gestes et ses paroles, dans l’ensemble comme dans le détail, altère la foi catho­lique. Il ne la contre­dit pas fron­ta­le­ment, il l’escamote, il la tait, il la noie.

« … Il est impos­sible de ne pas remar­quer l’a­bo­li­tion ou l’al­té­ra­tion des gestes par les­quels s’ex­prime spon­ta­né­ment la foi en la Présence réelle. Le nou­vel ORDO MISSAE élimine :

  • les génu­flexions, dont le nombre est réduit à trois pour le prêtre célé­brant, et à une seule (non sans excep­tions) pour l’as­sis­tance, au moment de la consécration ;
  • la puri­fi­ca­tion des doigts du prêtre au-​dessus du calice et dans le calice ;
  • la pré­ser­va­tion de tout contact pro­fane pour les doigts du prêtre après la consécration ;
  • la puri­fi­ca­tion des vases sacrés, qui peut être dif­fé­rée et faite hors du corporal ;
  • la pale pro­té­geant le calice ;
  • la dorure inté­rieure des vases sacrés (…)
  • la consé­cra­tion de l’au­tel mobile ;
  • les trois nappes d’au­tel, réduites à une seule ;
  • l’ac­tion de grâces à genoux (…) ;
  • les pres­crip­tions concer­nant le cas où une Hostie consa­crée tombe à terre, réduites au numé­ro 239 à un « reve­ren­ter acci­pia­tur » presque sarcastique.

Toutes ces sup­pres­sions ne font qu’ac­cen­tuer de façon pro­vo­cante la répu­dia­tion impli­cite du dogme de la Présence réelle » [11].

Abbé François-​Marie Chautard

Source : Le Chardonnet n°346

Notes de bas de page
  1. Novus Ordo Missæ, c’est-​à-​dire le nou­veau rite de la Messe. Nous uti­li­se­rons cette abré­via­tion dans le reste de notre docu­ment. []
  2. Mgr Marcel Lefebvre, Mantes-​la-​Jolie, 2 juillet 1977[]
  3. Mgr Marcel Lefebvre, Conférence spi­ri­tuelle, Écône, 25 juin 1981[]
  4. Ibidem[]
  5. Ibidem[]
  6. C’est la fameuse prière : « Tu es béni, Dieu de l’univers pour le pain, fruit de la terre et du tra­vail des hommes », etc.[]
  7. Mgr Marcel Lefebvre, Conférence spi­ri­tuelle, Écône, 26 octobre 1979.[]
  8. Le NOM laisse le choix entre quatre Canons dont celui dit de saint Hyppolite. Mgr Marcel Lefebvre Lettre aux catho­liques per­plexes, p. 33.[]
  9. Mgr Marcel Lefebvre, Conférence spi­ri­tuelle, Écône, 26 octobre 1979.[]
  10. Mgr Marcel Lefebvre, Conférence spi­ri­tuelle, Écône, 25 juin 1981.[]
  11. Bref Examen Critique du N.O.M. des car­di­naux Bacci et Ottaviani.[]

FSSPX

M. l’ab­bé François-​Marie Chautard est l’ac­tuel rec­teur de l’Institut Saint Pie X, 22 rue du cherche-​midi à Paris.