Doté d’une riche expéÂrience pasÂtoÂrale et épisÂcoÂpale, Mgr Lefebvre savait mieux que quiÂconque le poids d’un évêque. Il perÂceÂvait avec l’élévation de son jugeÂment si sûr l’immense carence de l’épiscopat contemÂpoÂrain, ce « lamenÂtable aveuÂgleÂment de tant de confrères dans l’épiscopat » [1]. Pas un évêque ne s’était levé pour dénonÂcer le scanÂdale d’Assise, pas un évêque n’avait parÂlé contre la nouÂvelle messe, pas un évêque n’avait dénonÂcé le concile Vatican II. Des chiens muets qu’aurait stigÂmaÂtiÂsés le proÂphète [2].
L’âge du départ approÂchait. Fallait-​il s’en remettre à la Providence en attenÂdant qu’elle apporÂtât la réponse d’elle-même ? Mgr Lefebvre n’était ni surÂnaÂtuÂraÂliste ni proÂviÂdenÂtiaÂliste ; la Providence avait claiÂreÂment parÂlé par le silence des évêques lors du scanÂdale d’Assise et du synode calaÂmiÂteux de 1985, lequel avait entéÂriÂné les erreurs conciÂliaires : si les évêques s’étaient révéÂlés incaÂpables de défendre l’honneur de Jésus-​Christ outraÂgé, il ne falÂlait pas attendre qu’ils vinssent ordonÂner des prêtres issus d’un « sémiÂnaire sauÂvage ». Hormis Mgr de Castro-​Mayer, Mgr Lefebvre ne pouÂvait compÂter sur aucun de ses confrères dans l’épiscopat. Mysterium iniÂquiÂtaÂtis. Il lui falÂlait aller jusqu’au bout de sa grâce d’évêque et se donÂner des successeurs.
La nécesÂsiÂté des sacres était double. D’une part, il s’agissait de sauÂver les moyens de sancÂtiÂfiÂcaÂtion tels que la Sainte Messe, le Sacerdoce cathoÂlique, les confirÂmaÂtions valides ; d’autre part, il falÂlait donÂner aux fidèles cathoÂliques des princes de l’Eglise qui pussent exerÂcer une vériÂtable autorité.
Sauver le trésor du Saint-​Sacrifice de l’Eglise
La preÂmière nécesÂsiÂté des sacres releÂvait du pouÂvoir d’ordre. Il falÂlait sauÂver la messe de touÂjours. Mgr Lefebvre savait que s’il disÂpaÂraisÂsait sans sacrer des évêques, c’en était fait de l’immense tréÂsor du Saint Sacrifice voué à disÂpaÂraître de l’Eglise pour laisÂser défiÂniÂtiÂveÂment et totaÂleÂment la place à la messe de Luther. Une fois tarie la source du sacerÂdoce, la vraie messe tomÂbeÂrait dans l’oubli.
Dans sa lettre aux évêques du 29 août 1987, c’est le point saillant, juste après le règne de Jésus-​Christ qu’il met en avant : « La chaire de Pierre et les postes d’autorité de Rome étant occuÂpés par des antiÂchrists, la desÂtrucÂtion du Règne de Notre-​Seigneur se pourÂsuit rapiÂdeÂment à l’intérieur même de son Corps mysÂtique ici-​bas, spéÂciaÂleÂment par la corÂrupÂtion de la sainte Messe, expresÂsion splenÂdide du triomphe de Notre-​Seigneur par la Croix, Regnavit a ligno Deus [3], et source d’extension de son Règne dans les âmes et dans les sociétés.
Ainsi appaÂraît avec éviÂdence la nécesÂsiÂté absoÂlue de la perÂmaÂnence et de la contiÂnuaÂtion du sacriÂfice adoÂrable de Notre-​Seigneur pour que ‘son Règne arrive’ ».
Sauver le sacerdoce
L’opération surÂvie de la messe est inséÂpaÂrable de la surÂvie du sacerÂdoce, menaÂcé par l’incompréhensible incuÂrie des autres évêques. « Vous savez bien, mes bien chers frères, disait Mgr Lefebvre dans son serÂmon des sacres, vous savez bien qu’il ne peut y avoir de prêtres sans évêque. Tous ces sémiÂnaÂristes qui sont ici préÂsents, si demain le bon Dieu me rapÂpelle, et ce sera sans doute sans tarÂder, eh bien, ces sémiÂnaÂristes de qui recevront-​ils le sacreÂment de l’ordre ? Des évêques conciÂliaires, dont les sacreÂments sont tous douÂteux, parce qu’on ne sait pas exacÂteÂment quelles sont leurs intenÂtions ? Ce n’est pas possible ! »
Confirmer validement
Une troiÂsième nécesÂsiÂté habiÂtait l’esprit de Mgr Lefebvre : conféÂrer des confirÂmaÂtions cerÂtaiÂneÂment valides et donÂner ainÂsi à l’Eglise de Dieu des athÂlètes de la foi, des bapÂtiÂsés confirÂmés dans la foi. « C’est pourÂquoi nous avons choiÂsi, avec la grâce de Dieu, des jeunes prêtres (…) qui sont dans des lieux et dans des foncÂtions qui leur perÂmettent le plus faciÂleÂment de remÂplir leur minisÂtère épisÂcoÂpal, de donÂner la confirÂmaÂtion à vos enfants » [4].
Sauver l’Eglise
Enfin, Mgr Lefebvre le signiÂfia expresÂséÂment dans sa lettre aux évêques comme dans son serÂmon des sacres : cette céréÂmoÂnie est l’opération surÂvie de l’Eglise et non de la seule Tradition, du sacerÂdoce ou de la messe.
« …en consaÂcrant ces évêques, je suis perÂsuaÂdé de contiÂnuer, de faire vivre la Tradition, c’est-à -dire l’Eglise cathoÂlique » précise-​t-​il dans son homéÂlie du 30 juin. Et un an plus tôt, dans sa lettre aux quatre futurs évêques, le ton était le même : « Je me vois contraint par la Providence divine de transÂmettre la grâce de l’épiscopat cathoÂlique que j’ai reçue, afin que l’Église et le sacerÂdoce cathoÂlique contiÂnuent à subÂsisÂter… » [5]
Le motif est limÂpide : sacrer des évêques, c’est assuÂrer la pérenÂniÂté du sacerÂdoce, du Saint-​Sacrifice de touÂjours, et donc de l’Eglise dans sa finaÂliÂté même : le culte de Dieu dans la proÂfesÂsion publique de la vraie foi.
En conséÂquence, les évêques consaÂcrés par Mgr Lefebvre ne sont pas les évêques de la seule Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X [6] mais des évêques au serÂvice de l’Eglise tout entière, car ce n’est pas le seul bien comÂmun de la FSSPX qui est en jeu mais celui de l’Eglise. Certes, les évêques resÂtent membres de la FSSPX et sont de ce fait souÂmis au supéÂrieur généÂral pour toutes les quesÂtions relaÂtives à celle-​ci [7], mais leur misÂsion dépasse le cadre de la seule Fraternité. Leur épisÂcoÂpat n’appartient ni à leur perÂsonne ni à la FSSPX, ni à un dioÂcèse, mais à l’Eglise tout entière, comme le montre le sacre de Mgr Rangel [8], ou les ordiÂnaÂtions conféÂrées aux membres des comÂmuÂnauÂtés amies
Sacrer
La crise durant, les lieux de culte se mulÂtiÂpliant, la quesÂtion de nouÂveaux sacres se pose de plus en plus presÂsante. Déjà en 1991, Mgr Tissier de Mallerais, entouÂré de NNSS Williamson et de Galarreta, avait sacré Mgr Licinio Rangel (†) pour sucÂcéÂder à Mgr de Castro-​Mayer, décéÂdé le 25 avril 1991, lequel avait fonÂdé l’Union Sacerdotale Saint-​Jean-​Marie-​Vianney des prêtres de Campos.
Dans son homéÂlie, Mgr Tissier de Mallerais s’était expliÂqué de cette déciÂsion : « Aujourd’hui, mes trois confrères dans l’épiscopat et moi-​même venons répondre à votre demande insÂtante d’avoir un évêque cathoÂlique, digne sucÂcesÂseur des Apôtres, pour conserÂver votre foi et les sources de la grâce. (…) Nous proÂcéÂdons à ce sacre dans l’esprit de l’Eglise (…) dans l’esprit de vive solÂliÂciÂtude que le pape Pie XII exiÂgeait de tout évêque cathoÂlique, pour le bien de l’Eglise uniÂverÂselle, actuelÂleÂment en danÂger à Campos. Nous réaÂliÂsons un acte de resÂponÂsaÂbiÂliÂté soliÂdaire [9] pour le bien de l’Eglise, qui nous revient en tant que membre du corps épisÂcoÂpal cathoÂlique » [10].
Le mainÂtien de la foi, le don des vrais sacreÂments, le bien de toute l’Eglise au nom de la solÂliÂciÂtude née du sacre épisÂcoÂpal, tels sont les graves motifs de cette conséÂcraÂtion. Mgr Tissier de Mallerais illusÂtrait la dimenÂsion poliÂtique (ou royale) du seul pouÂvoir d’ordre épisÂcoÂpal [11], entièÂreÂment tourÂné vers le bien comÂmun non de la seule Fraternité mais de l’Eglise uniÂverÂselle, a forÂtioÂri en temps de crise.
En résuÂmé, l’état de nécesÂsiÂté spiÂriÂtuelle appeÂlait à tout le moins la transÂmisÂsion du pouÂvoir d’ordre épisÂcoÂpal. Peut-​on en dire autant du pouÂvoir de gouvernement ?
Un pouvoir de gouvernement des évêques de la Tradition ?
A la quesÂtion de savoir si les évêques de la Tradition jouissent d’un pouÂvoir de gouÂverÂneÂment, il est tenÂtant de répondre par la négaÂtive. L’affirmer ne serait-​il pas un aveu de schisme ? Des préÂciÂsions s’imposent.
En sacrant des évêques, Mgr Lefebvre a tenu à ne pas leur donÂner de juriÂdicÂtion terÂriÂtoÂriale – qu’il ne pouÂvait de toute façon pas leur donÂner. Romain jusqu’au fond de l’âme, Mgr Lefebvre ne vouÂlait absoÂluÂment pas constiÂtuer une Eglise parallèle.
Les évêques de la Tradition sont-​ils pour autant de purs disÂtriÂbuÂteurs de sacreÂments ? La réponse est conteÂnue dans la quesÂtion. Cela pour trois raisons.
La preÂmière est tirée de la nature du pouÂvoir d’ordre épisÂcoÂpal. Comme nous l’avons vu, son exerÂcice est ordonÂné au bien comÂmun de l’Eglise, c’est-​à -​dire qu’il met de l’ordre dans l’Eglise. Ainsi ordonne-​t-​il des ministres – les prêtres – au culte divin.
Le seul exerÂcice de son pouÂvoir sacraÂmenÂtel régit l’Eglise de Dieu. La céréÂmoÂnie des sacres le montre d’une manière éclaÂtante. Sacrer des évêques était l’acte d’un chef qui posait un acte d’autorité en vue de défendre et de conserÂver la Tradition menaÂcée par sa disÂpaÂriÂtion. Tel le bon pasÂteur proÂtéÂgeant son trouÂpeau, Mgr Lefebvre metÂtait à l’abri les fidèles contre les loups déguiÂsés en agneaux.
Au-​delà d’un acte sacraÂmenÂtel, c’était l’acte d’un prince de l’Eglise, au serÂvice du bien commun.
La deuxième est tirée du sacre épisÂcoÂpal. Si l’évêque, en verÂtu de sa seule conséÂcraÂtion épisÂcoÂpale, n’a pas de pouÂvoir de magisÂtère ou de gouÂverÂneÂment [12], il posÂsède néanÂmoins une autoÂriÂté morale ainÂsi qu’une aptiÂtude posiÂtive à receÂvoir ces pouÂvoirs de magisÂtère et de gouÂverÂneÂment [13].
Sa parole a une porÂtée et une autoÂriÂté supéÂrieures à celle d’un simple prêtre, fût-​ce le plus brillant, de même que par leur conséÂcraÂtion épisÂcoÂpale, leur rang et leurs pouÂvoirs épisÂcoÂpaux, les évêques posÂsèdent une autoÂriÂté « natuÂrelle » vis-​à -​vis du bien comÂmun de toute l’Eglise
Qu’on se rapÂpelle le poids de l’autorité docÂtriÂnale de Mgr Lefebvre. A l’issue du Concile, Mgr Lefebvre était un évêque éméÂrite, sans dioÂcèse, sans juriÂdicÂtion terÂriÂtoÂriale. Pourtant, dès qu’on l’entendit, sa voix eut un écho monÂdial. Au milieu de tous les ténors de la Tradition, sa parole d’évêque résonÂnait plus disÂtincÂteÂment. Il ne s’agit éviÂdemÂment pas de dimiÂnuer la valeur intrinÂsèque de ses proÂpos, la persÂpiÂcaÂciÂté, la force, la sagesse surÂnaÂtuÂrelle ou le souffle qui émaÂnaient de ses interÂvenÂtions, mais il est évident que les âmes sacerÂdoÂtales et laïques y disÂtinÂguaient la parole d’un évêque [14].
En sacrant des évêques, Mgr Lefebvre assuÂrait donc la pérenÂniÂté d’un cerÂtain Magistère. Et cela est d’autant plus imporÂtant pour la surÂvie de l’Eglise que la préÂdiÂcaÂtion d’évêques cathoÂliques empêche l’existence d’une préÂdiÂcaÂtion unaÂniÂmeÂment conciÂliaire au sein du corps épisÂcoÂpal actuel. Les sacres revêÂtaient une dimenÂsion émiÂnemÂment docÂtriÂnale [15].
Ce qui est vrai au plan du gouÂverÂneÂment. Si Mgr Lefebvre a touÂjours récuÂsé d’être le chef des traÂdiÂtionÂnaÂlistes, son épisÂcoÂpat, joint à toutes ses émiÂnentes quaÂliÂtés, faiÂsaient de lui le bon pasÂteur que suiÂvaient natuÂrelÂleÂment les âmes droites.
Ce pouÂvoir de gouÂverÂneÂment n’est éviÂdemÂment pas ordiÂnaire, il ne doit pas être pris dans toute la force du terme, mais il est dû à la nécesÂsiÂté. C’est un minisÂtère de supÂpléance [16]. De même que les fidèles, désemÂpaÂrés par le nauÂfrage conciÂliaire, sont allés cherÂcher des prêtres fidèles à la vraie docÂtrine qui ont pris sur eux de les confesÂser sans que les fidèles n’y aient jamais vu la moindre préÂtenÂtion schisÂmaÂtique, de même l’exercice du pouÂvoir d’ordre des évêques de la Tradition et de leur autoÂriÂté docÂtriÂnale et juriÂdicÂtionÂnelle relève de la nécesÂsiÂté dans l’Eglise d’avoir un épisÂcoÂpat cathoÂlique qui prêche la vraie docÂtrine, confère les vrais sacreÂments et pose les actes de gouÂverÂneÂment indisÂpenÂsables au bien des âmes, sans que cela proÂcède ni en droit ni en fait d’une attiÂtude schisÂmaÂtique. A situaÂtion extraÂorÂdiÂnaire, moyens extraordinaires.
La troiÂsième raiÂson est tirée du rapÂport de finaÂliÂté entre le pouÂvoir de juriÂdicÂtion et le pouÂvoir d’ordre. L’autorité n’existe qu’en verÂtu des biens à transÂmettre ; le gouÂverÂneÂment n’a d’autre raiÂson d’être que de conduire la sociéÂté et leurs sujets à leur fin. Dans l’Eglise de Dieu, le pouÂvoir de juriÂdicÂtion orgaÂnise et déterÂmine l’exercice concret du pouÂvoir d’ordre. Il lui est subordonné.
La conséÂquence suit : dès lors qu’existe la nécesÂsiÂté d’exercer le pouÂvoir d’ordre, il est nécesÂsaire qu’une autoÂriÂté y préÂside. L’existence d’un pouÂvoir d’ordre de supÂpléance [17] engendre l’existence d’un pouÂvoir de juriÂdicÂtion de supÂpléance, comme Mgr Lefebvre le laisse claiÂreÂment entendre : « Dans la mesure où les fidèles viennent demanÂder aux prêtres et à l’évêque les sacreÂments et la docÂtrine de la foi, ceux-​ci ont un devoir de veiller à la bonne récepÂtion et au bon usage de la docÂtrine de la grâce du Sacrifice de la messe et des sacreÂments. Les fidèles ne peuvent pas demanÂder les sacreÂments et refuÂser l’autorité vigiÂlante des prêtres et de l’évêque » [18].
Enfin, un arguÂment tiré de l’histoire aideÂra à mieux comÂprendre. Lors des invaÂsions barÂbares, et compte-​tenu de la démisÂsion ou de l’incompétence des autoÂriÂtés civiles, les fidèles se tourÂnèrent natuÂrelÂleÂment vers les autoÂriÂtés capables de prendre en main le salut temÂpoÂrel de la Cité : les évêques. Dès lors, quand ces derÂniers orgaÂniÂsèrent la défense miliÂtaire des cités antiques, ils supÂpléèrent par leur comÂpéÂtence et leur sens du bien comÂmun à la défecÂtion des autoÂriÂtés civiles, sans pour autant préÂtendre deveÂnir les nouÂveaux princes temÂpoÂrels. Telle est la supÂpléance. De même, nos évêques supÂpléent par leurs pouÂvoirs épisÂcoÂpaux aux défiÂciences docÂtriÂnales et pasÂtoÂrales de l’ensemble de l’épiscopat, et comme les évêques de l’Antiquité ont proÂtéÂgé les cités de l’invasion barÂbare, nos évêques ont pour misÂsion de proÂtéÂger prêtres et fidèles de l’invasion conciÂliaire. Et si l’histoire est redeÂvable de ces Défenseurs de la Cité, elle honoÂreÂra la mémoire de ces Défenseurs de l’Eglise.
Une profession de foi, d’espérance et de charité
Enfin, nul doute que cette céréÂmoÂnie du 30 juin 1988 fut une proÂfesÂsion de foi, d’espérance, et de chaÂriÂté.
Profession de foi, ces sacres le furent à l’Eglise, au sacerÂdoce, à la messe et au règne de Notre-​Seigneur. Ils le furent ausÂsi dans leur fonÂdeÂment qui était d’assurer la défense et la transÂmisÂsion de la foi.
Profession d’espérance, ces sacres le furent en assuÂrant la surÂvie de la Tradition et en monÂtrant aux généÂraÂtions monÂtantes qu’elles n’étaient pas orpheÂlines, que tous les chefs n’étaient pas des lâches et qu’il exisÂtait encore des cÅ“urs nobles.
Acte de chaÂriÂté, ces sacres le furent par l’abnégation et l’oubli de soi qu’ils demanÂdèrent aux évêques conséÂcraÂteurs et consaÂcrés, broÂcarÂdés comme schisÂmaÂtiques, excomÂmuÂniés par les autoÂriÂtés, voués aux gémoÂnies de toutes parts. A l’heure où tant d’hommes abanÂdonÂnaient leur misÂsion, le vieil évêque, le vieux lutÂteur de Dieu ne renonÂçait pas. Et pour les évêques nouÂvelÂleÂment consaÂcrés, cette céréÂmoÂnie marÂqua le début d’une vie itiÂnéÂrante et aposÂtoÂlique peu comÂmune dans l’histoire de l’Eglise. Les sacres étaient une leçon de bien commun.
Epilogue
Histoire révoÂlue ? L’état de nécesÂsiÂté demeure, quoi qu’on en dise. Si quelques évêques, faits inédits et encouÂraÂgeants, ont pris la parole, y comÂpris contre les agisÂseÂments inouïs du Saint-​Père, ils demeurent hélas invaÂriaÂbleÂment muets devant la nociÂviÂté de la nouÂvelle messe, le scanÂdale de l’œcuménisme ou la sécuÂlaÂriÂsaÂtion des États.
Trente ans après les conséÂcraÂtions épisÂcoÂpales, leur légiÂtiÂmiÂté pasÂsée et préÂsente n’est plus à démonÂtrer. Trente ans après les sacres, l’acte héroïque de Mgr Lefebvre reste un phare dans la temÂpête, un averÂtisÂseÂment et un encouÂraÂgeÂment donÂné aux âmes de bonne volonÂté. Pour que perÂdure l’Eglise, pour que renaisse la Chrétienté.
Abbé François-​Marie Chautard, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X
Sources : Le Chardonnet n° 339 de juin 2018
Notes de bas de page
- Déclaration de Mgr de Castro-​Mayer lors de la céréÂmoÂnie des sacres.[↩]
- « Les garÂdiens d’Israël sont tous aveugles, ils ne savent rien ; ce sont tous des chiens muets, qui ne peuvent pas aboyer… » Is 56/​10 [↩]
- « Le Seigneur a régné par le bois » extrait du Vexilla regis, hymne des vêpres du temps de la Passion. Le verÂset signiÂfie que le règne de Jésus-​Christ s’opère par le bois de sa croix.[↩]
- Sermon des sacres[↩]
- Le 4 décembre 1990, Mgr Lefebvre écriÂvait à Mgr de Castro-​Mayer au sujet de « la nécesÂsiÂté absoÂlue de contiÂnuer l’épiscopat cathoÂlique pour contiÂnuer l’Eglise cathoÂlique », Fideliter juillet-​août 1991, n° 82, p. 13.[↩]
- Même s’ils sont d’abord au serÂvice de celle-​ci, évêques auxiÂliaires de la FSSPX.[↩]
- « Ce sera au Supérieur Général de prendre les déciÂsions. » Notes prises par Mgr Williamson, Recommandations de Mgr Lefebvre avant les sacres, Sel de la terre nº 28, Printemps 1999, p. 167.[↩]
- Lettre du 4 décembre 1990 de Mgr Lefebvre à Mgr de Castro-​Mayer : « L’appel aux évêques de la Fraternité pour la conséÂcraÂtion évenÂtuelle n’est pas fait en tant qu’évêques de la Fraternité, mais en tant qu’évêques cathoÂliques », Fideliter juillet-​août 1991, n° 82, p. 14.[↩]
- Cette resÂponÂsaÂbiÂliÂté dont parle Pie XII est à disÂtinÂguer de la colÂléÂgiaÂliÂté conciÂliaire. Ici, Pie XII parle de la resÂponÂsaÂbiÂliÂté morale de tous et chaÂcun des évêques vis-​à -​vis de l’Eglise mais non de la resÂponÂsaÂbiÂliÂté perÂsonÂnelle de chaque évêque dans son dioÂcèse.[↩]
- Sermon du 28 juillet 1991, Fideliter septembre-​octobre 1991, n° 83, p. 5[↩]
- Dimension poliÂtique claiÂreÂment enseiÂgnée par saint Thomas : « Le rapÂport du pouÂvoir épisÂcoÂpal au pouÂvoir des ordres inféÂrieurs est semÂblable à celui de la poliÂtique qui pourÂsuit le bien comÂmun (…) La poliÂtique donne leur loi aux arts inféÂrieurs, c’est-à -dire en désigne les dépoÂsiÂtaires, en déterÂmine l’étendue et le mode d’exercice. C’est pourÂquoi il apparÂtient à l’évêque d’appeler les sujets à tous les divins minisÂtères. C’est pourÂquoi seul il confirme – aux confirÂmés est en effet confié, comme un manÂdat, de confesÂser la foi – seul encore il bénit les vierges, qui sont la figure de l’Eglise, épouse du Christ, dont il porte prinÂciÂpaÂleÂment le souÂci ; de même il consacre ceux qui doivent être préÂpoÂsés aux foncÂtions des ordres (…) Ainsi celui qui détient la pléÂniÂtude du pouÂvoir, le roi, déparÂtit dans la cité les offices temÂpoÂrels ». Suppl q 38, 1, c.[↩]
- « …les évêques qui n’ont été ni nomÂmés ni confirÂmés par le Saint-​Siège, qui ont même été choiÂsis et consaÂcrés contre ses disÂpoÂsiÂtions expliÂcites, ne peuvent jouir d’auÂcun pouÂvoir de magisÂtère ni de juriÂdicÂtion ; car la juriÂdiction ne parÂvient aux évêques que par l’inÂterÂméÂdiaire du Pontife romain »,Pie XII, Ad aposÂtoÂloÂrum prinÂciÂpis[↩]
- On parle de puisÂsance posiÂtive, c’est-​à -​dire qu’il ne s’agit pas d’une pure posÂsiÂbiÂliÂté de receÂvoir ce pouÂvoir, mais d’une aptiÂtude posiÂtive et réelle à le receÂvoir. Le raiÂsonÂneÂment vaut tout autant pour le pouÂvoir de gouÂverÂneÂment. Le sacre ne confère qu’en puisÂsance le pouÂvoir de juriÂdicÂtion. « A son sacre, l’évêque reçoit un pouÂvoir inamisÂsible, qui (…) ne l’ordonne pas direcÂteÂment à Dieu, mais au corps mysÂtique du Christ. » Suppl, q 38, 2, ad 2[↩]
- Conscient de ce poids, le Père Calmel écriÂvait en 1967 : « le jour où nous pourÂrons dire : ‘un évêque a pris posiÂtion, notre résisÂtance aux chamÂbarÂdeÂments liturÂgiques dogÂmaÂtiques, disÂciÂpliÂnaires n’est plus le fait de simples laïques, de simples prêtres, mais nous avons un évêque’, ce jour-​là les choses seront claÂriÂfiées » cité par le P. Jean-​Dominique, Le Père Roger-​Thomas Calmel, Clovis, 2012, p. 405.[↩]
- Mgr Lefebvre le souÂliÂgnait d’ailleurs aux quatre futurs évêques quelques jours avant les sacres : « Le rôle des évêques consaÂcrés : les ordiÂnaÂtions, les confirÂmaÂtions et le mainÂtien de la foi [souÂliÂgné dans les notes] à l’occasion des confirÂmaÂtions. Il vous fauÂdra proÂtéÂger le trouÂpeau. (…) Votre rôle, en tant qu’évêques, sera de donÂner les sacreÂments et d’assurer la préÂdiÂcaÂtion de la foi. » Notes prises par Mgr Williamson, « Recommandations de Mgr Lefebvre avant les sacres » Sel de la terre nº 28, Printemps 1999, p. 165 et 167. [↩]
- « … la juriÂdicÂtion du nouÂvel évêque n’est pas terÂriÂtoÂriale, mais perÂsonÂnelle (…) l’autorité juriÂdicÂtionÂnelle de l’évêque ne lui venant pas d’une nomiÂnaÂtion romaine mais de la nécesÂsiÂté du salut des âmes. » Mgr Lefebvre, Note au sujet du nouÂvel évêque sucÂcéÂdant à S. Exc. Mgr de Castro-​Mayer, 20 février 1991, Fideliter juillet-​août 1991, n° 82, p. 16–17.[↩]
- Nous disons bien de supÂpléance, c’est-​à -​dire qu’une nécesÂsiÂté conduit à exerÂcer ce pouÂvoir d’ordre. Nous ne vouÂlons éviÂdemÂment pas dire que le simple fait de jouir du pouÂvoir d’ordre entraîne la posÂsesÂsion d’une juriÂdicÂtion.[↩]
- Mgr Lefebvre, Note au sujet du nouÂvel évêque sucÂcéÂdant à S. Exc. Mgr de Castro-​Mayer, 20 février 1991, Fideliter juillet-​août 1991, n° 82, p. 16–17.[↩]