Petit catéchisme de la communion dans la main

En ces mois, les auto­ri­tés de l’Eglise « conci­liaire » s’appuient sur l’épidémie de Covid-​19 pour encou­ra­ger ou impo­ser la pra­tique de rece­voir la Sainte Eucharistie dans la main. En sens contraire, beau­coup de publi­ca­tions se dif­fusent qui pré­tendent prou­ver que la com­mu­nion a tou­jours été reçue sur la langue, même dans les pre­miers siècles de l’Eglise. Que faut-​il en pen­ser ? Sur inter­net on trouve beau­coup de docu­ments qui, tout en défen­dant la com­mu­nion sur la langue, le font en s’appuyant sur des argu­ments fal­la­cieux. Il est donc néces­saire d’examiner la ques­tion en pro­fon­deur, sans pour autant aban­don­ner le style simple d’un caté­chisme. C’est pour­quoi nous avons déci­dé de n’insérer dans le texte que les conclu­sions prin­ci­pales, en relé­guant tout l’appareil cri­tique des preuves dans les notes finales.

1. Qu’est-ce que la com­mu­nion dans la main aujourd’hui ?

– La com­mu­nion dans la main est une pra­tique de la litur­gie romaine réfor­mée après le Concile Vatican II. Le prêtre (ou un autre ministre de l’Eucharistie, qui dans la nou­velle litur­gie, peut aus­si être un laïc[1] dépose l’hostie sur la paume de la main gauche du fidèle, qui ensuite la prend de la main droite et la porte à la bouche. 

2. Quand cette pra­tique a‑t-​elle été introduite ?

– La pra­tique actuelle de la com­mu­nion dans la main a été intro­duite offi­ciel­le­ment le 29 mai 1969 par l’Instruction Memoriale Domini de la Sacrée Congrégation pour le Culte Divin[2]. Ce docu­ment, tout en expri­mant une pré­fé­rence pour la com­mu­nion sur la langue, confie aux Conférences Episcopales, après avoir consul­té le Vatican, le pou­voir d’autoriser la com­mu­nion dans la main. 

3. S’agit-il d’une simple tolé­rance ou d’une véri­table autorisation ? 

– Certains auteurs, s’appuyant sur la lettre de l’Instruction Memoriale Domini, voient dans la com­mu­nion dans la main un mal que le Vatican aurait tolé­ré uni­que­ment à cause des cir­cons­tances. En effet, dans cer­tains pays (sur­tout la Belgique, la Hollande, la France et l’Allemagne) la com­mu­nion dans la main avait déjà été intro­duite abu­si­ve­ment. Plutôt que de lais­ser la porte ouverte à une expé­ri­men­ta­tion anar­chique, le Vatican aurait pré­fé­ré l’accepter et la régle­men­ter. Cette inter­pré­ta­tion bien­veillante est cepen­dant contre­dite par les faits. En effet, si ce n’avait été qu’une simple tolé­rance, le Vatican aurait dû décou­ra­ger la com­mu­nion dans la main dans les pays où celle-​ci n’était pas dif­fu­sée. Or, c’est le contraire qui est arri­vé. Par exemple, la com­mu­nion dans la main a été auto­ri­sée en Italie en 1989, en Argentine en 1996, en Pologne en 2005. D’ailleurs, Mgr Annibale Bugnini, secré­taire de la Congrégation pour le Culte Divin, a bien pré­ci­sé les inten­tions du Vatican dans un article publié le 15 mai 1973 sur l’Osservatore Romano et revu par Paul VI lui-​même[3] : ne pas mor­ti­fier « un nombre impor­tant d’évêques, qui se réfèrent à un usage [la com­mu­nion dans la main] éga­le­ment valable dans l’histoire de l’Eglise et qui, dans cer­taines cir­cons­tances, peut s’avérer utile même aujourd’hui ». Or, « valable » et « utile » se disent non pas d’un mal qu’on tolère, mais d’un bien qu’on auto­rise. La conclu­sion s’impose : non pas simple tolé­rance, mais véri­table auto­ri­sa­tion, quoique restreinte. 

4. Le com­mu­nion dans la main a‑t-​elle été pra­ti­quée autre­fois dans l’histoire de l’Eglise ?

– Oui, la com­mu­nion dans la main a été pra­ti­quée autre­fois dans l’histoire de l’Eglise. Comme nous le ver­rons, elle a même été la façon la plus com­mune de rece­voir l’Eucharistie dans les pre­miers siècles. Toutefois, dans l’Eglise ancienne, la com­mu­nion dans la main se fai­sait d’une façon très dif­fé­rente par rap­port à aujourd’hui. De plus, le pas­sage de la com­mu­nion dans la main à la com­mu­nion sur la langue a été géné­ral et se fonde sur des rai­sons déci­sives, de sorte qu’il n’y a aucun motif valable de reve­nir en arrière. 

5. Comment savez-​vous que, dans les pre­miers siècles de l’Eglise, la com­mu­nion était reçue nor­ma­le­ment dans la main ? 

– Nous savons que, dans les pre­miers siècles de l’Eglise, la com­mu­nion était reçue nor­ma­le­ment dans la main, grâce au témoi­gnage de plu­sieurs Pères et écri­vains ecclé­sias­tiques. Par exemple, Saint Cyrille de Jérusalem (313–387) écrit : « Quand tu t’approches de la Sainte Table, ne t’avance pas les paumes des mains éten­dues ni les doigts dis­joints, mais fais de ta main gauche un trône pour ta main droite, puisque celle-​ci doit rece­voir le Roi, et dans le creux de ta main reçois le corps du Christ, disant : “Amen” ». Ce texte est extrait de sa cin­quième Catéchèse mys­ta­go­gique, qui remonte à l’an 348[4]. En Occident, Tertullien (155–230)[5], le pape Saint Corneille (180–253)[6], une ins­crip­tion du début du IIIe siècle[7], Saint Cyprien de Carthage (210–258)[8] et Saint Augustin (354–430)[9] attestent le même usage. « Les anciens témoi­gnages, écrits ou archéo­lo­giques, sont una­nimes sur ce point »[10].

6. N’y a‑t-​il pas des auteurs qui, à la même époque, parlent de la com­mu­nion sur la langue ? 

– On a pro­duit les noms de Saint Basile (329–379), du pape Saint Léon Ier (390–461) et du pape Saint Grégoire le Grand (540–604). Leurs témoi­gnages, cepen­dant, ne semblent pas contre­dire la pra­tique géné­rale de la com­mu­nion dans la main[11].

7. Le rite de la com­mu­nion dans la main dans les pre­miers siècles était-​il le même qu’aujourd’hui ?

– Non, le rite de la com­mu­nion dans la main dans les pre­miers siècles n’était pas le même qu’aujourd’hui. Anciennement, les laïcs devaient se laver les mains juste avant de com­mu­nier[12]. De plus les femmes, au moins en Gaule, ne pou­vaient tou­cher l’hostie que la main recou­verte d’un petit linge blanc[13]. On fai­sait très atten­tion à ce qu’aucun frag­ment ne tom­bât par terre, chose qui était d’autant plus facile qu’à l’époque, le pain eucha­ris­tique était levé. Saint Cyrille de Jérusalem (cf. n. 5) dit expli­ci­te­ment : « Prends garde d’en rien lais­ser tom­ber, car ce qui t’échapperait serait comme quelque chose de tes propres membres qui se per­drait »[14]. Autant de dis­po­si­tions qui ne sont plus pré­vues par le nou­veau rite de la com­mu­nion dans la main. 

8. Quand est-​on pas­sé de la com­mu­nion dans la main à la com­mu­nion sur la langue ? 

– On est pas­sé de la com­mu­nion dans la main à la com­mu­nion sur la langue au cours du IXe siècle[15]. Il est pos­sible que cet usage ait com­men­cé un peu avant, mais les témoi­gnages que nous pos­sé­dons ne sont pas déci­sifs et ne concernent pro­ba­ble­ment que des cas par­ti­cu­liers, comme la com­mu­nion aux malades[16].

9. Pourquoi a‑t-​on rem­pla­cé la com­mu­nion dans la main par la com­mu­nion sur la langue ? 

Premièrement, parce que, plus ou moins à la même époque, en Occident, on a com­men­cé à uti­li­ser pour l’Eucharistie du pain azyme, c’est-à-dire sans levain[17]. Or si d’un côté ce pain, il est plus facile à mani­pu­ler et colle aisé­ment à la langue, de l’autre côté il est sus­cep­tible de pro­duire plus de frag­ments. A cela il faut ajou­ter que la fer­veur des ori­gines avait dimi­nué et que le chris­tia­nisme était deve­nu une reli­gion de masse : c’est entre le Ve et le IXe siècle que l’Eglise « géné­ra­lise l’admission des enfants au bap­tême, leur per­sé­vé­rance ne sus­ci­tant plus aucune inquié­tude »[18]. Le risque de dis­per­sion des frag­ments était donc accru. C’est pour­quoi l’Eglise, aus­si bien en Occident qu’en Orient, est pas­sée assez rapi­de­ment à la pra­tique de la com­mu­nion sur la langue, qui évi­tait ce dan­ger[19].

Deuxièmement parce qu’au cours du IXe siècle, on assiste à une aug­men­ta­tion du res­pect et de la véné­ra­tion à l’égard du Saint Sacrement. Ce phé­no­mène est aus­si témoi­gné par l’introduction, un peu plus tard, de la cou­tume de rece­voir la com­mu­nion à genoux[20]. Or, la com­mu­nion sur la langue s’inscrit dans ce mou­ve­ment de fer­veur eucha­ris­tique. Elle est cen­sée expri­mer de façon plus directe et plus expli­cite le mys­tère de la pré­sence réelle, que les fidèles reçoivent par la main du prêtre ou du diacre, seuls ministres de ce sacrement. 

10. Puisque l’Eglise auto­ri­sait la com­mu­nion dans la main jusqu’au IXe siècle, ne serait-​il pas légi­time de reve­nir aujourd’hui à cet usage ?

– Non, et cela pour deux rai­sons. Premièrement, parce que ce serait faire de l’archéo­lo­gisme. L’archéologisme est l’attitude de « celui qui vou­drait reve­nir aux antiques rites et cou­tumes, en reje­tant les normes intro­duites sous l’action de la Providence, à rai­son du chan­ge­ment des cir­cons­tances ». Ce sont les paroles de Pie XII dans son ency­clique Mediator Dei (20 novembre 1947). Le pape condamne cette men­ta­li­té, en la com­pa­rant à celle de quelqu’un qui vou­drait reve­nir aux for­mules des pre­miers Conciles, en écar­tant les expres­sions plus récentes de la doc­trine catho­lique. « Un usage ancien – pré­cise le pape – ne doit pas être consi­dé­ré, à rai­son de son seul par­fum d’antiquité, comme plus conve­nable et meilleur, soit en lui-​même, soit quant à ses effets et aux condi­tions nou­velles des temps et des choses. Les rites litur­giques plus récents, eux aus­si, sont dignes d’être hono­rés et obser­vés, puisqu’ils sont nés sous l’inspiration de l’Esprit-Saint, qui assiste l’Église à toutes les époques jusqu’à la consom­ma­tion des siècles ; et ils font par­tie du tré­sor dont se sert l’insigne Épouse du Christ pour pro­vo­quer et pro­cu­rer la sain­te­té des hommes »[21].

Deuxièmement, parce que le pas­sage d’un rite qui exprime davan­tage le res­pect à l’égard de l’Eucharistie à un rite qui l’exprime moins affai­blit la foi dans la pré­sence réelle et ouvre la porte aux abus et aux sacri­lèges dus à la dis­per­sion des frag­ments et au vol d’hosties. L’expérience quo­ti­dienne de la litur­gie post­con­ci­liaire ne le montre que trop bien. Pour ne prendre qu’un seul exemple, en 1994 aux Etats-​Unis seule­ment 30% des catho­liques âgés de moins de 45 ans croyaient à la pré­sence réelle[22].

11. Ne serait-​il pas pos­sible d’accorder la com­mu­nion dans la main au moins dans des cir­cons­tances très par­ti­cu­lières, comme dans le cas d’une épidémie ? 

– Il faut d’abord affir­mer qu’il n’existe aucune preuve scien­ti­fique qui démontre que la com­mu­nion sur la langue expose à la conta­mi­na­tion plus que la com­mu­nion dans la main. Même si c’était le cas, il ne serait pas pour autant légi­time de dis­tri­buer la com­mu­nion dans la main. Les rai­sons que nous avons expo­sées au n° 10 l’emportent sur toute consi­dé­ra­tion sani­taire, car évi­ter la dis­per­sion des frag­ments, les sacri­lèges, le dan­ger d’affaiblir la foi dans la pré­sence réelle est un bien plus grand que la san­té du corps. Seulement au cas où il serait scien­ti­fi­que­ment démon­tré que la com­mu­nion sur la langue aug­mente consi­dé­ra­ble­ment le risque de conta­mi­na­tion d’une mala­die très grave, l’autorité ecclé­sias­tique pour­rait envi­sa­ger une solu­tion alter­na­tive, sans jamais per­mettre, cepen­dant, l’usage de la com­mu­nion dans la main.

Abbé Daniele di Sorco

Source : L’Hermine n°61

Notes de bas de page
  1. Présentation géné­rale du Missel romain, nn. 98 et 100.[]
  2. Traduction fran­çaise, com­men­taire et his­toire du docu­ment : cf. La com­mu­nion sur la main, sup­plé­ment à « Itinéraires », n. 163, mai 1972.[]
  3. Cf. « Sì sì, no no », 30 nov. 1989, p. 3.[]
  4. Bien que la plu­part des savants pensent que l’auteur des Catéchèses mys­ta­go­giques est Saint Cyrille, cer­tains pré­fèrent les attri­buer à son suc­ces­seur sur le siège de Jérusalem, Jean († 417). Récemment sur des sites inter­net on a pré­ten­du que, l’orthodoxie de celui-​ci étant sus­pecte, le rite de com­mu­nion sur la main qu’il décrit serait une inno­va­tion de son cru. Certes, Jean de Jérusalem a eu des sym­pa­thies pour Origène et a pro­té­gé Pélage, mais il est pour le moins dou­teux qu’il ait adhé­ré aux doc­trines héré­tiques de ceux-​ci. D’ailleurs, aucune des erreurs que ses contem­po­rains lui attri­buent ne concerne l’Eucharistie. Par consé­quent, même si l’on tient que l’auteur des Catéchèses mys­ta­go­giques est Jean, rien ne prouve que le rite de rece­voir la com­mu­nion sur la main ait été intro­duit par lui en oppo­si­tion avec la pra­tique litur­gique com­mune. Un tel chan­ge­ment n’aurait pas man­qué de sus­ci­ter les cri­tiques de ses adver­saires, spé­cia­le­ment de ceux, comme Saint Jérôme, qui se sont oppo­sés à lui dans la contro­verse ori­gé­niste. On a fait remar­quer que, dans le rite de com­mu­nion décrit dans la cin­quième Catéchèse mys­ta­go­gique, il est ques­tion d’une pra­tique bizarre. Ce serait la preuve que ce texte n’exprime pas la pra­tique nor­male de l’Eglise. Voici le pas­sage en ques­tion : « Après avoir pru­dem­ment sanc­ti­fié tes yeux par le contact du Corps sacré, mange-​le ». L’argument ne vaut cepen­dant pas grand-​chose, car cette cou­tume, pour étrange qu’elle puisse appa­raître, est men­tion­née aus­si par Saint Clément d’Alexandrie (150–215) et par Aphraate de Syrie (280–345). Cf. M. RIGHETTI, Manuale di sto­ria litur­gi­ca, vol. III, Milan, Ancora, 1949, p. 423 ; J.-A. JUNGMANN, Missarum sol­lem­nia, t. III, Paris, Aubier, 1958, p. 312, note 35. – Sur toute cette ques­tion, cf. J. QUASTEN, Initiation aux Pères de l’Eglise, tr. fr., t. III, Paris, Cerf, 1963, pp. 512–517 ; B. ALTANER, Patrologia, tr. it, Turin, Marietti, 1981, pp. 321–322 ; A. FLICHE‑V. MARTIN (dir.), Histoire de l’Eglise, t. IV, Paris, Bloud et Gay, 1937, pp. 31–46 et 94–98.[]
  5. « […] en gémis­sant de voir un chré­tien […] appro­cher du corps de notre Seigneur des mains qui donnent des corps aux démons » (De ido­la­tria, VII). Tertullien parle ici des fai­seurs d’idoles qui deviennent chré­tiens sans aban­don­ner leur métier.[]
  6. « En effet, lorsque [l’hérétique Novat] a fait les offrandes eucha­ris­tiques et qu’il en dis­tri­bue la part à cha­cun et qu’il la lui remet, il oblige les mal­heu­reux à jurer au lieu de rendre grâces ; il prend dans ses deux mains celles de celui qui a reçu sa part, et il ne les lâche pas avant qu’ils n’aient prê­té ser­ment en ces termes – je me sers de ses paroles – : “Jure-​moi, sur le sang et le corps de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, de ne m’abandonner jamais et de ne pas retour­ner à Corneille”. Et le mal­heu­reux ne peut goû­ter [le Saint Sacrement] s’il ne s’est aupa­ra­vant mau­dit lui-​même, et au lieu de dire “Amen”, en rece­vant ce pain, il dit : “Je ne retour­ne­rai pas à Corneille” » (dans EUSÈBE, Historia eccle­sias­ti­ca, VI, 43, 18).[]
  7. Il s’agit de l’inscription de Pretorius, écrite en grec et retrou­vée en 1839 dans un ancien cime­tière d’Autun. On y lit : « Reçois ce mets doux comme le miel du Sauveur des saints, mange avec délices tenant l’Ichtus dans tes mains ». Ichtus est un mot grec qui signi­fie « pois­son », mais qui était uti­li­sé par les chré­tiens comme l’acronyme de « Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur ». Cf. H. LECLERCQ, Autun (archéo­lo­gie), dans Dictionnaire d’archéologie chré­tienne et de litur­gie, t. I/​2, Paris, Letouzey et Ané, 1907, col. 3194–3198.[]
  8. « Un chré­tien, sor­tant des sacri­fices ido­lâ­triques, se pré­sente à l’autel du Seigneur ; il ose, avec les autres, rece­voir l’Eucharistie ; mais il ne peut la por­ter à sa bouche ; en ouvrant ses mains il n’y trouve que de la cendre » (De lap­sis, 26).[]
  9. « Mais alors, pour­quoi donc s’approchait-il pour faire son offrande au Seigneur ? Pourquoi les assis­tants recevaient-​ils sur les mains jointes ce qu’il avait offert mal­gré ses vices et ses souillures ? » (Contra epis­tu­lam Parmeniani, II, 7, 13).[]
  10. M. RIGHETTI, Manuale di sto­ria litur­gi­ca, vol. III, Milan, Ancora, 1949, p. 422.[]
  11. Le pas­sage de Saint Basile invo­qué en faveur de la com­mu­nion sur la langue est le sui­vant : « Ce n’est pas grave si, en dehors des temps de per­sé­cu­tion, en l’absence d’un prêtre ou d’un diacre, quelqu’un se voit obli­gé à com­mu­nier de ses propres mains » (Epist. 93). Ces paroles ne font qu’attester l’usage, encore vivant à l’époque, de se com­mu­nier soi-​même lorsque le ministre sacré fai­sait défaut. Elles ne sug­gèrent aucu­ne­ment que, quand le prêtre ou le diacre étaient là, la com­mu­nion était don­née sur la langue. La suite de la lettre affirme car­ré­ment le contraire : « Même à l’église, lorsque le prêtre donne à cha­cun sa part, celui qui la reçoit la tient en ayant un pou­voir com­plet sur elle, et c’est ain­si qu’il la porte à la bouche de sa propre main ». – Saint Léon se borne à dire : « ce que nous croyons par la foi, nous le rece­vons par la bouche » (De ieiu­nio sep­ti­mi men­sis, 3). Qui ne voit pas la fai­blesse de l’argument ? Même dans le rite actuel de la Messe le célé­brant dit : « Que nous gar­dions dans un esprit pur, Seigneur, ce que nous avons reçu par la bouche ». Et pour­tant il a tou­ché le Saint Sacrement de ses mains ! – Le texte de Saint Grégoire est, par contre, plus per­ti­nent. Il parle d’un miracle accom­pli par le pape Saint Agapet Ier (535–536). On lui pré­sen­ta un homme à la fois boi­teux et muet. Après avoir célé­bré la Messe, le pape « quit­ta l’autel, prit la main du boi­teux, puis, à la vue de tous les assis­tants, il le sou­le­va de terre et le fit tenir debout sur ses jambes. Ensuite il mit dans sa bouche le corps du Seigneur, et sa langue, muette depuis si long­temps, se délia, prête à arti­cu­ler des paroles » (Dialogi, III, 3). Cet épi­sode est cepen­dant trop spé­cial pour témoi­gner d’une pra­tique com­mune. Puisque le boi­teux n’arrivait pas à tenir debout, il eût été impos­sible de lui don­ner la com­mu­nion sur la main. La seule solu­tion était de la mettre direc­te­ment dans sa bouche. Tel devait être l’usage habi­tuel pour les malades. Mais rien ne prouve qu’il en fût de même pour les bien-​portants. – Plus de deux siècles et demi après, Jean Diacre (825–880) affirme que Saint Grégoire refu­sa la com­mu­nion à une dame romaine à cause de son atti­tude irré­vé­ren­cieuse « en ôtant la main de sa bouche » (Vita S. Gregorii, II, 41). Mais la for­mule employée pour don­ner la com­mu­nion, qui ne remonte pas avant le IXe siècle, montre que l’auteur a pro­ba­ble­ment pro­je­té à l’époque de Saint Grégoire les usages litur­giques de son temps. Certains pensent même que tout le récit est légen­daire. Cf. J.-A. JUNGMANN, Missarum sol­lem­nia, t. II, Paris, Aubier, 1952, p. 305, note 2.[]
  12. Cf. J.-A. JUNGMANN, Missarum sol­lem­nia, t. III, Paris, Aubier, 1958, p. 313, où l’on men­tionne, en note (n. 43), les témoi­gnages de Saint Athanase (295–373), Saint Jean Chrysostome († 407) et Saint Césaire d’Arles (470–543).[]
  13. Cf. J.-A. JUNGMANN, Missarum sol­lem­nia, t. III, Paris, Aubier, 1958, p. 313, où l’on men­tionne, en note (n. 47), les témoi­gnages de Saint Césaire d’Arles (470–543) et du synode d’Auxerre (578 ou 585).[]
  14. Catéchèses mys­ta­go­giques, V, 21. – C’est l’enseignement com­mun des Pères de l’Eglise. Pour des réfé­rences pré­cises cf. A. SCHNEIDER, Dominus est, Perpignan, Artège, 2008, II, ch. IV.[]
  15. En rela­tant la vie de Saint Cædmon, frère lai (actif entre 657 e 684), Saint Bède le Vénérable (673–735) parle de la com­mu­nion sur la main comme d’une pra­tique encore nor­male à son époque : « Il dit [Saint Cædmon] : “Apportez-​moi l’Eucharistie”. Après l’avoir reçue sur sa main, il intér­ro­gea les pré­sents s’ils étaient tous en paix avec lui […]. – Les pre­mières attes­ta­tions sûres d’un usage géné­ra­li­sé de la com­mu­nion sur la langue remontent aux pre­mières décen­nies du IXe siècle. « Un synode de Cordoue (839) condamne la secte des Cassianistes qui refu­saient d’admettre que l’Eucharistie fût mise sur les lèvres des com­mu­niants » (J.-A. JUNGMANN, Missarum sol­lem­nia, t. III, Paris, Aubier, 1958, p. 314, note 52). A Rouen un concile célé­bré vers 878 éta­blit que le prêtre « doit dis­tri­buer l’Eucharistie aux laïcs et aux femmes, non pas sur la main, mais seule­ment sur les lèvres » (cf. ibid., texte).[]
  16. Cf. J.-A. JUNGMANN, Missarum sol­lem­nia, t. III, Paris, Aubier, 1958, p. 314, note 51. – On allègue en sens contraire le canon 2 d’un concile célé­bré, dit-​on, à Rouen vers 650 (texte dans G. D. MANSI, Sacrorum Conciliorum nova amplis­si­ma col­lec­tio, t. X, Florence, Zatta, 1764, col. 1199–1200 ; cf. col. 1204–1206). Cependant la data­tion est très dou­teuse et la plu­part des savants récents pensent que l’assemblée en ques­tion n’eut lieu qu’au IXe siècle. Cf. M. AUGÉ, A pro­po­si­to del­la comu­nione sul­la mano, dans « Ecclesia orans » 8 (1991) 293–304.[]
  17. Cf. J.-A. JUNGMANN, Missarum sol­lem­nia, t. II, Paris, Aubier, 1952, p. 306–307[]
  18. R. BÉRAUDY, L’initiation chré­tienne, dans A.-G. MARTIMORT (dir.), L’Eglise en prière, Tournai, Desclée et Cie, 1961, p. 594.[]
  19. Telle est aus­si la pen­sée de J.-A. JUNGMANN, Missarum sol­lem­nia, t. III, Paris, Aubier, 1958, p. 315.[]
  20. Cf. M. RIGHETTI, Manuale di sto­ria litur­gi­ca, vol. III, Milan, Ancora, 1949, p. 425 ; J.-A. JUNGMANN, Missarum sol­lem­nia, t. III, Paris, Aubier, 1958, p. 308–309.[]
  21. On ne sau­rait confondre l’archéo­lo­gisme avec l’atta­che­ment à la tra­di­tion. L’archéologiste refuse le déve­lop­pe­ment homo­gène de la doc­trine et de la litur­gie catho­lique, c’est-à-dire le pro­ces­sus par lequel la foi et le culte, tout en res­tant les mêmes dans leur sub­stance, sont expri­més de façon tou­jours plus claire, expli­cite, défi­nie. En revanche, celui qui est atta­ché à la tra­di­tion refuse le déve­lop­pe­ment non homo­gène de la doc­trine et du culte, déve­lop­pe­ment par lequel on modi­fie la foi et le culte dans leur sub­stance ou bien on les fait pas­ser du plus clair au moins clair, du plus expli­cite ou moins expli­cite, du plus défi­ni au moins défi­ni : c’est le cas des doc­trines et de la litur­gie de Vatican II.[]
  22. K.C. JONES, Index of Leading Catholic Indicators, Roman Catholic Books, 2003.[]