Mgr de Proença Sigaud et les fondements de la liberté religieuse

L’enseignement conci­liaire sur la liber­té reli­gieuse appa­raît comme dépour­vu de tout prin­cipe solide, comme le fruit d’une idéo­lo­gie décon­nec­tée tant de la Révélation que d’une saine phi­lo­so­phie. Dès lors, il ne reste plus au Pape actuel qu’à pui­ser de quoi jus­ti­fier sa pen­sée en d’autres sources, telles que la Nature, la Terre, l’Autre, le Démuni, le Migrant.

Mgr Geraldo de Proença Sigaud, de la Société du Verbe divin, fut ordon­né prêtre en 1932. Après avoir été pro­fes­seur au Grand Séminaire de São Paolo (de même que Mgr de Castro Mayer) il fut nom­mé en 1946 évêque de Jacarèzinho (Brésil), puis fut trans­fé­ré en 1960 à l’archevêché de Diamantina. Mgr de Proença Sigaud démis­sion­na de son évê­ché en 1980, il mou­rut le 5 sep­tembre 1999. 

2. Lors du concile Vatican II, il fut un des fon­da­teurs du Cœtus inter­na­tio­na­lis Patrum, l’association des Pères conci­liaires pour la défense de la doc­trine tra­di­tion­nelle. Il en fut le secré­taire et « l’âme », selon le mot de Mgr Lefebvre, qui en était lui-​même le pré­sident. Précisons à cet égard que, dans une lettre datée du 18 avril 1963, Mgr Proença Sigaud demande à Mgr Lefebvre s’il veut conti­nuer à s’engager au sein du Cœtus, en lui don­nant une orga­ni­sa­tion for­melle : « Il me paraît que la pré­sence de Votre Excellence dans le Groupe d’Études est indis­pen­sable, autant par la sagesse de vos conseils que par le pres­tige de votre nom. Il me semble aus­si que notre tra­vail doit sor­tir de son ano­ny­mat, et que les Évêques doivent savoir en rece­vant nos com­mu­ni­ca­tions, de la part de qui proviennent-​elles. Ils sau­ront ain­si à qui se diri­ger dans le cas où ils dési­rent col­la­bo­rer, ou deman­der des éclair­cis­se­ments. De ma part je suis à dis­po­si­tion pour être le Secrétaire du Groupe et pour expé­dier de mon Archidiocèse la cor­res­pon­dance jusqu’à ce qu’on pour­ra expé­dier les lettres et com­mu­ni­ca­tions de Rome ». 

Dans sa réponse du 4 mai 1963 Mgr Lefebvre répond par l’affirmative. « Je ne vois aucun incon­vé­nient à ce que mon nom soit sur une liste de ce genre. Cependant je pense qu’il n’est pas néces­saire de faire de la publi­ci­té autour de cette ini­tia­tive, afin qu’elle ne prenne pas l’allure d’une for­ma­tion de com­bat ! et d’autre part je crois néces­saire que les tra­vaux soient sou­mis au visa du Cardinal Ruffini, par exemple ou du Cardinal Siri, afin que l’autorité soit plus grande ». La pre­mière réunion de tra­vail eut lieu à Solesmes, en juillet 1963. Lors de la 2e ses­sion du Concile (à l’automne 1963), le groupe est mis sur pied, lors de la réunion qui se tint le mer­cre­di 2 octobre, à la mai­son géné­ra­lice de la Société du Verbe divin. 

3. Entre autres com­bats, le Cœtus s’opposa avec force au sché­ma conci­liaire sur la liber­té reli­gieuse (Dignitatis humanæ). Le texte sui­vant, dont nous don­nons pour la pre­mière fois une tra­duc­tion en fran­çais, est une ana­lyse par Mgr de Proença Sigaud du cha­pitre V de ce sché­ma dans laquelle il entend en mon­trer toutes les carences, tant dans les prin­cipes que dans les conclu­sions. Reprenant les argu­ments appor­tés par le sché­ma, il mani­feste avec rigueur que l’enseignement déli­vré à pro­pos de la liber­té reli­gieuse n’est véri­ta­ble­ment fon­dé ni sur la Révélation telle que trans­mise et expri­mée par la Tradition de l’Église, et en par­ti­cu­lier l’enseignement des Papes, ni sur la simple phi­lo­so­phie natu­relle en ce qui concerne la nature humaine, la socié­té ou encore le bien com­mun, en dépit de ce que pré­tend l’auteur du sché­ma. Par suite sa conclu­sion est claire, le sché­ma doit être revu entiè­re­ment et reprendre l’enseignement tra­di­tion­nel de l’Église.

4. L’enseignement conci­liaire sur la liber­té reli­gieuse appa­raît ain­si comme dépour­vu de tout prin­cipe solide, comme le fruit d’une idéo­lo­gie décon­nec­tée tant de la Révélation que d’une saine phi­lo­so­phie. La liber­té reli­gieuse n’est plus une conclu­sion tirée, et en tant que telle dépen­dante, de prin­cipes supé­rieurs mais elle est elle-​même le prin­cipe qui doit gui­der l’agir de l’Église. La liber­té n’est plus un moyen pour les hommes d’obtenir le salut, mais elle est la fin que l’Église et l’État se doivent de recher­cher, serait-​ce au péril du salut des âmes fai­sant ain­si fi du devoir fon­da­men­tal et de l’Église et de l’État de tout mettre en œuvre pour l’obtention de ce dernier. 

5. A pré­sent, le Pape François en arrive à don­ner un nou­veau fon­de­ment à cette liber­té reli­gieuse bien chan­ce­lante, la volon­té divine : « Nous croyons que Dieu a créé les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en digni­té et qu’il les a appe­lés à vivre en frères. (…) La liber­té de conscience et la liber­té reli­gieuse – qui ne se limitent pas à la seule liber­té de culte mais qui doivent per­mettre à cha­cun de vivre selon sa propre convic­tion reli­gieuse – sont insé­pa­ra­ble­ment liées à la digni­té humaine » (Discours à Rabat, 30 mars 2019). « Le plu­ra­lisme et les diver­si­tés de reli­gion (…) sont une sage volon­té divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains. Cette Sagesse divine est l’origine dont découle le droit à la liber­té de croyance et à la liber­té d’être dif­fé­rents » (Déclaration com­mune d’Abou Dhabi le 4 février 2019). 

Cependant, ce nou­veau fon­de­ment en faveur de la liber­té reli­gieuse paraît lui aus­si bien arbi­traire. La Révélation expri­mée dans la Tradition et l’Écriture Sainte ne sau­rait indi­quer rien de tel quant à la volon­té de Dieu, bien au contraire. Dès lors, il ne reste plus au Pape actuel qu’à pui­ser de quoi jus­ti­fier sa pen­sée en d’autres sources, telles que la Nature, la Terre, l’Autre, le Démuni, le Migrant. Mais cette pen­sée nou­velle continue-​t-​elle la Révélation du Verbe Divin ? Le doute suc­cède ici à la perplexité.

Abbé Marc Hanappier

Source : Courrier de Rome n°639

Mgr de Proença Sigaud

Remarques écrites sur le cha­pitre V du sché­ma de Vatican II sur la liber­té reli­gieuse (Dignitatis humanae)