Sermon de Mgr Lefebvre – Jeudi-​Saint – Messe chrismale – 27 mars 1986

Mes bien chers amis,
Mes bien chers confrères,
Mes bien chers frères,

En ce Jeudi Saint, fête de l’institution du sacer­doce, je m’adresserai par­ti­cu­liè­re­ment à vous, mes chers confrères dans le sacer­doce et à vous, chers sémi­na­ristes qui mon­tez vers le sacer­doce et je vous invi­te­rai à médi­ter par­ti­cu­liè­re­ment sur trois dis­po­si­tions fon­da­men­tales, dont nous avons besoin, spé­cia­le­ment en cette époque de l’Histoire de l’Église, dont nous sommes les serviteurs.

Première dis­po­si­tion . .…: c’est la foi.

Deuxième dis­po­si­tion …: la piété.

Troisième dis­po­si­tion .…: l’esprit de sacrifice.

La foi, mes bien chers amis, vous qui êtes prêtres, qui chaque jour offrez le Saint Sacrifice de la messe, toute votre vie est fon­dée, basée sur la foi. La foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ, c’est vrai­ment le fon­de­ment de notre sanc­ti­fi­ca­tion, de notre sain­te­té : point de sain­te­té sans la foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ. Sans la foi, il est impos­sible de plaire à Dieu : Sine fide impos­si­bile est pla­cere Deo.

Or, s’il est une valeur, s’il est quelque chose qui aujourd’hui est mise en cause et com­bat­tue, c’est bien la foi. Et c’est avec dou­leur que nous consta­tons que le gou­ver­ne­ment de l’Église qui a été fon­dée, consti­tuée par Notre Seigneur Jésus-​Christ, pré­ci­sé­ment pour répandre sa foi, pour la dif­fu­ser, pour la défendre – il suf­fit d’énumérer les dif­fé­rents dicas­tères qui ont été fon­dés à Rome, c’est-à-dire les dif­fé­rents minis­tères du Souverain Pontife – pour s’apercevoir que c’est bien le rôle du gou­ver­ne­ment de l’Église, de pro­pa­ger la foi par la conti­nui­té de l’apostolicité de l’Église, par la Congrégation des évêques, la Congrégation du cler­gé et puis la Propagande – Propagation de la foi – et le Saint-​Office, Office de l’Inquisition pour la défense de la foi. Et on pour­rait ain­si énu­mé­rer tous les dicas­tères de Rome et l’on s’apercevrait que tout est orien­té vers la pro­pa­ga­tion de la foi, vers la dif­fu­sion de la foi et la défense de la foi.

Or, nous sommes bien obli­gé de consta­ter aujourd’hui que ceux qui pré­ci­sé­ment ont la charge de répandre la foi et de la défendre, s’acharnent au contraire à la détruire. Nous sommes bien obli­gé de le consta­ter. Et ce n’est pas sans motif, que des Congrégations romaines comme celle de la Propagation de la foi et celle du Saint-​Office, ont été – en quelque sorte – réduites à néant, par d’autres orga­nismes qui les remplacent.

On a vou­lu intro­duire dans le gou­ver­ne­ment de l’Église, des orga­nismes qui ne pro­fessent plus la foi catho­lique. C’est là un grand dom­mage pour l’Église. Et nous sommes bien obli­gé de consta­ter que cette situa­tion qui se trouve à Rome a des consé­quences dans le monde entier. Et que les évêques, désor­mais, et beau­coup de prêtres n’ont plus la foi catholique.

Les exemples sont innom­brables. Et tous les jours nous appre­nons des choses, tou­jours de plus en plus stu­pé­fiantes, sur­tout en ce qui concerne l’œcuménisme.

Alors nous nous repor­tons à l’Évangile. Nous nous repor­tons à saint Jean, à saint Jean dans ses Lettres, dans les­quelles il est for­mel : Nous ne devons pas avoir de contacts avec l’infidèle. Nous devons nous sépa­rer des infi­dèles. Et en nous disant cela, ces textes nous apprennent que comme il n’y a qu’un seul bap­tême, il n’y a qu’une seule foi et un seul Dieu.

C’est saint Paul qui le dit. Que l’on lise les Épîtres de saint Paul, en par­ti­cu­lier les deux Épîtres aux Corinthiens et l’Épître aux Hébreux. Et l’on trou­ve­ra, avec quelle force, avec quelle éner­gie, avec quel com­man­de­ment, saint Paul insiste auprès des Corinthiens, auprès de ses fidèles, pour leur dire : Pas de mélange avec les infi­dèles. Il n’est pas ques­tion de ceux qui com­mu­nient plus ou moins à notre foi. Cela n’existe pas. Il n’y a pas de com­mu­nion moins pleine, plus pleine, plé­nière, très pleine ! Cela n’existe pas. Il y a la foi et il y a l’infidélité. Il y a un fos­sé entre les deux. Et ceux qui n’ont pas la foi adorent des idoles, parce que n’ayant plus Notre Seigneur Jésus-​Christ vrai­ment comme Dieu, ils n’ont plus le Père non plus. Celui qui n’a pas le Fils, dit saint Jean, n’a pas le Père. Et il n’y a qu’un seul Dieu, comme nous n’avons qu’un seul Dieu et un seul Seigneur, par qui nous sommes, écrit saint Paul, et pour qui nous sommes.

Mais si l’on se sépare de ce Seigneur, on se sépare de Dieu. Et si l’on se sépare de Dieu, on n’adore plus Dieu, on adore des idoles, ce sont des construc­tions de notre esprit, des dieux ima­gi­naires qui sont des idoles, qui sont des démons. C’est ce que dit expli­ci­te­ment l’Évangile, c’est ce qu’écrit expli­ci­te­ment saint Paul.

Eux (saint Jean et saint Paul) au moins étaient clairs, nets dans leurs affir­ma­tions, pas d’hésitation pos­sible. Il n’y a pas d’Église divi­sée. Cela n’existe pas une Église divi­sée, l’Église ne serait plus si Elle était divi­sée. Il n’y a pas une par­tie de l’Église chez les pro­tes­tants et une par­tie de l’Église chez les catho­liques. Il n’y a l’Église catho­lique unique, seule et véri­table Église, véri­table Temple de Dieu. Et comme l’écrit saint Paul : Nous sommes le temple de Dieu.

Or, vous le savez bien, c’est ce que l’on enseigne aujourd’hui cou­ram­ment à Rome, dans les églises, par­tout, dans les évê­chés. Il semble que l’unité de l’Église n’existe plus, que l’Église soit divi­sée. Et c’est pour cela que l’on a fait ce Secrétariat de l’unité des chré­tiens à Rome, pour retrou­ver l’unité de l’Église, per­due. Elle n’a jamais été per­due. Elle n’existerait plus l’Église, elle ne serait plus divine, s’il n’y avait plus d’unité de l’Église.

Alors c’est au ser­vice de cette uni­té de l’Église, au ser­vice de cette foi unique, de ce Dieu unique, que nous avons été consa­crés dans notre sacer­doce. Et nous devons à tout prix, défendre cette véri­té fon­da­men­tale de notre foi et prê­cher Jésus-​Christ et Jésus-​Christ cru­ci­fié. Voilà toute notre pré­di­ca­tion. Voilà tout l’objet de notre foi. Demeurons fidèles à cette foi.

Et si nous vou­lons être fidèles à cette foi, quels sont en nous les effets qu’elle doit pro­duire dans nos âmes ?

La pié­té. En quoi consiste en défi­ni­tive la pié­té ? La pié­té c’est le don de per­fec­tion de la ver­tu de jus­tice et dans la ver­tu de jus­tice, celle qui concerne par­ti­cu­liè­re­ment la pié­té, la ver­tu annexe de la ver­tu de jus­tice, c’est la reli­gion. Alors la pié­té est très connexe avec la ver­tu de reli­gion. Ayons de la reli­gion, mes bien chers confrères, aimons à relire, avec atten­tion, avec médi­ta­tion, les magni­fiques cha­pitres de saint Thomas d’Aquin, sur la ver­tu de religion.

Vous aus­si, chers sémi­na­ristes, qui éle­vés dans un cli­mat dif­fi­cile aujourd’hui dans vos familles, dans les milieux dans les­quels vous avez été éle­vés, dans les­quels vous avez crû, votre pié­té faci­le­ment chan­ce­lante, hési­tante, incer­taine, beau­coup d’hésitations. Non ne soyez pas des hési­tants. Lisez, reli­sez, ce que nous devons être par rap­port à Dieu. La reli­gion éclai­rée par la foi nous décrit les bases fon­da­men­tales de ce que nous devons être : la dévo­tion, l’adoration, la prière, le sacri­fice, voi­là les bases de notre ver­tu, de la ver­tu de reli­gion, qui nous mettent dans une dépen­dance totale de Dieu, dans une révé­rence pro­fonde, com­plète de nous-​mêmes, qui ne bouge jamais, qui ne change jamais. Vous êtes tou­jours des créa­tures ; nous sommes tou­jours des créa­tures ; nous sommes tou­jours des rache­tés ; nous sommes tou­jours des baptisés.

Par consé­quent, il y a dans notre âme des rela­tions fon­da­men­tales avec Dieu, avec Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui ne doivent jamais chan­ger. Sur les­quelles nous ne devons jamais hésiter.

Si au cours de notre vie spi­ri­tuelle, il y a quelques hési­ta­tions, quelques dif­fi­cul­tés, quelques épreuves, cela c’est natu­rel. Le Bon Dieu le veut pour notre sanc­ti­fi­ca­tion. Mais jamais, jamais, jamais nous ne devrions mettre en doute ou en cause, les prin­cipes fon­da­men­taux de notre pié­té, de notre sainte Religion, de notre dévo­tion à Dieu, jamais !

Alors soyez là aus­si fidèles à cette pié­té, à cet amour de Dieu. Car une foi qui n’aboutirait pas à l’amour, à la cha­ri­té, serait une foi morte. Si nous aimons Notre Seigneur Jésus-​Christ, nous aimons l’amour fait Homme, qui est mort sur la Croix, pour l’amour de son Père et pour l’amour des âmes.

Et puis enfin, l’esprit de sacri­fice. Je dirai volon­tiers au lieu de l’esprit de sacri­fice, l’esprit de croi­sade. Le croi­sé est un homme sacri­fié. Celui qui est au com­bat, aban­donne les impe­di­men­ta, tout ce qui peut le gêner pour son com­bat. Souvenez-​vous du com­bat de David et Goliath. On avait essayé de mettre sur le dos de David, une armure pesante et lourde pour essayer de le pro­té­ger contre les coups de Goliath. Et David a dit : « Avec cette armure je ne puis rien faire ; je suis para­ly­sé. Enlevezmoi cette armure. Je prends ma fronde et je vais au com­bat. Avec la grâce de Dieu, j’aurai la victoire. »

Eh bien, c’est cela aus­si les dis­po­si­tions que nous devons avoir dans cette croi­sade effrayante. Jamais croi­sade au cours de l’Histoire n’a été une croi­sade comme celle d’aujourd’hui.

Tout se ligue contre la foi ; tout se ligue contre l’Église : enne­mis de l’extérieur, enne­mis de l’intérieur. Partout, nous avons affaire à des com­bats comme jamais dans l’Histoire de l’Église il n’y en a eus.

Alors nous devons être des croi­sés. Nous ne pou­vons pas, nous ne pou­vons plus être des prêtres à demi. Nous ne pou­vons pas avoir une voca­tion hési­tante et chan­ce­lante. Pour mener ce com­bat, pour mener cette croi­sade, il faut des hommes convain­cus ; des hommes qui ont la foi, qui ont la cha­ri­té, qui ont des convic­tions pro­fondes et qui s’apprêtent par consé­quent à com­battre et à don­ner tout, pour avoir la vic­toire ; pour la vic­toire de Notre Seigneur Jésus-​Christ ; pour concou­rir à la vic­toire et au règne de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Je dirai que c’est une grâce pour vous, mes chers sémi­na­ristes, vous vivez à une époque où il faut être des héros ou rien, Vous avez le choix. Ou aban­don­ner le com­bat, ou com­battre comme des héros. Il vous faut donc les ver­tus de ces héros. On ne peut pas ter­gi­ver­ser. Sinon vous serez abat­tus dans les pre­miers com­bats, vous ne résis­te­rez pas aux mul­tiples attaques du démon. Voyez, voyez, même à l’intérieur de la Fraternité, comme le démon essaye par tous les moyens de nous divi­ser, de nous cor­rompre, de dimi­nuer nos forces par tous les moyens. Très habi­le­ment, il arrive constam­ment à faire des oppo­si­tions, des divi­sions pour essayer d’affaiblir nos forces, d’affaiblir notre com­bat, pour nous dés­unir et ain­si gagner la victoire.

S’il est vrai que, comme le dit saint Paul aux Thessaloniciens, saint Paul annonce l’apostasie géné­rale, avant l’arrivée de l’Antéchrist. S’il est vrai que cette apos­ta­sie géné­rale doit venir, évi­dem­ment le démon sem­ble­ra triom­pher. Pendant com­bien de temps ? Nous n’en savons rien. Mais il aura un sem­blant de vic­toire pen­dant quelque temps, en atten­dant que l’Antéchrist vienne et se fasse ado­rer comme Dieu, dans le temple de Dieu lui-​même (2 Th 2,3–4).

Mais l’Église a les pro­messes de la péren­ni­té et par consé­quent elle ne peut pas dis­pa­raître. Alors, nous avons été appe­lés par Dieu pour main­te­nir la foi catho­lique et pour com­battre ce com­bat extra­or­di­naire. Prions Dieu, bien chers confrères, mes bien chers amis, prions Dieu d’être vrai­ment dignes d’être appe­lés par Lui pour cette croi­sade extra­or­di­naire. Et promettons-​Lui notre fidé­li­té incon­di­tion­nelle, fidé­li­té à la foi.

Bien sûr que le gou­ver­ne­ment de l’Église a été fon­dé éga­le­ment pour la défense de la foi et que – nor­ma­le­ment – nous devrions être fidèles au gou­ver­ne­ment de l’Église pour aider ce gou­ver­ne­ment de l’Église à pro­pa­ger la foi et à conti­nuer la foi catholique.

Mais si ce gou­ver­ne­ment faillit à son devoir, si ce gou­ver­ne­ment aban­donne sa fonc­tion et se retourne contre la foi, qu’est-ce que nous devons faire ? Demeurer atta­chés au gou­ver­ne­ment ou atta­chés à la foi ? Nous avons le choix.

Est-​ce la foi qui prime ? Ou est-​ce le gou­ver­ne­ment qui prime ? Nous sommes devant un dilemme et nous sommes bien obli­gés de faire un choix.

Or, le gou­ver­ne­ment a été fait pour la foi et non pas la foi pour le gou­ver­ne­ment ; parce que la foi c’est Jésus-​Christ ; c’est Jésus-​Christ Lui-​même. Alors nous devons être atta­chés à Jésus-​Christ avant d’être atta­chés au gou­ver­ne­ment même de l’Église fon­dée par Jésus-​Christ sans doute, mais pas fon­dée pour être son enne­mi ! Pas pour Le détruire ; pas pour entraî­ner les âmes vers les idoles, vers les faux-​dieux, vers les démons.

Alors soyons fermes dans cette foi et deman­dons à la Vierge Marie, Notre-​Dame des Victoires, de nous don­ner la force dans le com­bat. De nous aider à rem­por­ter la vic­toire contre cet assaut de l’enfer contre Notre Seigneur Jésus-​Christ, notre doux Sauveur.

Nous allons médi­ter ces jours-​ci, la Passion, les dou­leurs, les souf­frances, l’abandon (de Notre Seigneur Jésus-​Christ) par ses apôtres mais nous sui­vrons et nous nous effor­ce­rons de toute notre âme, de suivre la Vierge Marie, saint Jean et les saintes Femmes, de ne pas suivre les apôtres dans leur aban­don de Notre Seigneur Jésus-​Christ, afin d’être vrai­ment des fils de Jésus et de Marie.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.