Le diable a la cote…


Alors que la litur­gie, au pre­mier dimanche de Carême, nous a remis devant les yeux la ten­ta­tion de Notre Seigneur au désert et la néces­si­té du com­bat contre le démon, le nombre d’adeptes de toutes les formes de magie et d’occultisme ne fait que croître. 

Quelques chiffres ? Entre 1990 et 2008, le nombre d’adeptes de la sor­cel­le­rie aux États-​Unis est pas­sé de 8 000 à 340 000, selon trois enquêtes menées par l’université Trinity College dans l’Etat amé­ri­cain du Connecticut. Un rap­port du jour­nal évan­gé­lique The Christian Post s’alarme en 2018 du fait que la popu­la­tion de sor­cières et de pra­ti­quants de la Wicca (une forme de magie païenne) a dépas­sé le mil­lion et demi d’adeptes, tan­dis que les pro­tes­tants pres­by­té­riens du cou­rant prin­ci­pal ne regroupent que 1,4 mil­lion de pra­ti­quants. En France ? Il y aurait actuel­le­ment 100 000 mediums, désen­voû­teurs, gué­ris­seurs et autres mara­bouts. Le 6 avril 2018, Le Point décla­rait qu’un Français sur trois recon­naît avoir consul­té un gué­ris­seur, un magné­ti­seur ou un conju­reur de sorts. 

D’où vient un tel engoue­ment pour ce qui, il y a quelques décen­nies à peine, était encore un phé­no­mène très mar­gi­nal ? Parmi plu­sieurs causes, il faut men­tion­ner une lente pré­pa­ra­tion des esprits qui s’est opé­rée et s’opère tou­jours par de grandes sagas lit­té­raires et audiovisuelles. 

On connais­sait la saga Harry Potter de Mme Rowling, dont les livres se sont ven­dus à plus de 500 mil­lions d’exemplaires, et qui décrit les aven­tures d’un jeune sor­cier. On sait moins que cette saga (qui contient de très nom­breux élé­ments direc­te­ment emprun­tés au vrai monde de la magie noire) don­na le coup d’envoi à un grand nombre de films et de séries, amé­ri­caines ou anglaises la plu­part du temps, ayant trait à la sor­cel­le­rie ou au moins à l’ésotérisme. Le site Wikipédia, qu’on ne peut soup­çon­ner de rigo­risme, expose sim­ple­ment à l’article Wicca les romans, films et séries en lien avec cette forme de magie, ain­si que la trame de chaque film ou série cité dans les lignes qui suivent (c’est d’ailleurs de ce site que nous pren­drons les cita­tions ci-​après). Il fau­drait donc s’aveugler pour nier cet enva­his­se­ment de l’occultisme dans le monde contem­po­rain. Citons, seule­ment pour les élé­ments les plus récents : 

- Le roman A la croi­sée des mondes du roman­cier anglais Philip Pullman (qui fit l’objet d’une adap­ta­tion au cinéma) ;

- Les films Les ani­maux fan­tas­tiques et sa suite Les crimes de Grindelwald (J.K. Rowling en a écrit les scénarios) ; 

- Les séries amé­ri­caines Les nou­velles aven­tures de Sabrina (« à l’aube de son sei­zième anni­ver­saire, elle doit faire un choix : accep­ter d’être bap­ti­sée pour deve­nir membre de la sata­nique Église de la Nuit ou renon­cer et conti­nuer sa vie au côté des mor­tels mais avec peu de pou­voirs » déclare la célèbre ency­clo­pé­die du web) ; tout récem­ment American Gods, où le héros fait la connais­sance d’un mys­té­rieux per­son­nage qui se révèle être le dieu nor­dique Odin, cher­chant à fédé­rer les dieux anciens du paga­nisme contre la moder­ni­té déca­dente (titres de quelques épi­sodes : n°1 : « Le ver­ger des os » ; n°6 : « L’éxecution des dieux » ; n°8 : « Viens voir Jésus ») ; ou encore Game of Thrones, une série medieval-​fantastique dont Wikipédia avoue pudi­que­ment que « à tra­vers ces per­son­nages « mora­le­ment ambi­gus », la série explore les sujets liés au pou­voir poli­tique, à la hié­rar­chie sociale, la reli­gion, la guerre civile, la sexua­li­té et à la vio­lence en géné­ral. (…) La série a été plé­bis­ci­tée par la majo­ri­té des cri­tiques, bien que cer­tains aient émis des réserves sur la forte quan­ti­té de vio­lence et de sexe dans le récit. » 

Le point com­mun de ces très nom­breuses séries, qu’elles soient lit­té­raires ou audio­vi­suelles, est de pré­sen­ter au jeune public un monde fas­ci­nant où la magie noire, c’est-à-dire l’exercice de pou­voirs obte­nus en fai­sant appel à des forces occultes, a une place énorme. Quasi-​immanquablement (même si des excep­tions existent) le monde pré­sen­té est un monde où pou­voirs extra­or­di­naires, vio­lence et impu­re­té se côtoient sous cou­vert de diver­tis­se­ment. On y retrouve assez sou­vent la même trame : le héros ou l’héroïne fait un jour la connais­sance d’un monde paral­lèle et occulte, réser­vé à des ini­tiés, et dans lequel on acquiert des pou­voirs extra­or­di­naires. Il plonge alors dans ce monde extra­or­di­naire où ses aven­tures le condui­ront à une maî­trise tou­jours plus grande des pou­voirs magiques. 

Certains s’écrient : « Mais ce n’est qu’imaginaire ! ». Oui et non. Oui, c’est ima­gi­naire au sens où les per­son­nages et le scé­na­rio sont inven­tés. Non, ce n’est pas ima­gi­naire en ce sens qu’un monde occulte réser­vé à des ini­tiés et dans lequel on acquiert des pou­voirs existe vrai­ment. La stra­té­gie est donc de sus­ci­ter un goût pour le monde fas­ci­nant de l’occultisme… puis de faire savoir à l’occasion par les médias qu’un tel monde existe vrai­ment. On ne s’étonne plus tel­le­ment par exemple que 20 minutes, quo­ti­dien gra­tuit et grand tirage, dévoile le 31 jan­vier 2016 l’existence de plu­sieurs écoles de sor­cel­le­rie à tra­vers le monde. Le lec­teur de ce quo­ti­dien découvre alors dans le métro que le monde qui le fas­cine est réel. Le mal qui fas­cine et s’offre sans efforts exerce alors puis­sam­ment son attrait, tel un appât de choix pour un pois­son affa­mé. Il ne reste plus, pour celui qui a mor­du à l’hameçon, qu’à recher­cher sur inter­net les sites qui le met­tront en contact avec ce monde, et Dieu seul sait où s’arrêtera la spirale. 

La mon­tée en puis­sance de ces diver­tis­se­ments devrait donc sus­ci­ter une vigi­lance accrue, notam­ment du côté des parents et des édu­ca­teurs qui ont à cœur de for­mer une jeu­nesse catho­lique jusque dans ses divertissements. 

Abbé G. Scarcella, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Source : La Porte Latine du 18 mars 2019