Le modernisme, l’égout collecteur de toutes les hérésies

Le nom moder­nisme sous-​entend que le mal qu’il désigne est récent alors qu’il est né avant le plus âgé d’entre nous, ayant plus d’un siècle. Il laisse croire par là que tous les maux de la socié­té actuelle sont de son fait. Il a toutes les tares, il est res­pon­sable du mau­vais goût, de la per­mis­si­vi­té morale, de la pol­lu­tion de l’eau et de l’air. Il parle fran­çais dans la litur­gie, et anglais en France. Il vient néces­sai­re­ment des États-​Unis, s’habille en jeans et boit du coca, mange au fast-​food, écoute une musique abru­tis­sante et couvre les murs de ses signa­tures mons­trueuses. Voilà le portrait-​robot de ce monstre, hydre aux cent têtes. Mais ce por­trait est faux.

Le moder­nisme, l’égout col­lec­teur de toutes les héré­sies selon le terme du pape saint Pie X dans son ency­clique Pascendi du 8 sep­tembre 1907, est deve­nu le fourre-​tout de notre voca­bu­laire, l’égout col­lec­teur de nos pho­bies les plus légi­times. Car la moder­ni­té encen­sée par les uns et décriée par nous, n’est pas le moder­nisme et vice et versa.

Il est impor­tant de pré­ci­ser le sens de ce mot et sur­tout de rap­pe­ler ce à quoi il ren­voie en véri­té, car le moder­nisme reli­gieux est sans doute une mala­die spi­ri­tuelle d’une gra­vi­té sans pré­cé­dent. Le saint pon­tife auteur de Pascendi lui donne deux carac­té­ris­tiques : l’agnosticisme et l’immanence vitale. Il s’agit donc de détailler ces deux atti­tudes men­tales cor­rup­trices de l’unique reli­gion vraie.

1) L’agnosticisme est l’affirmation erro­née que l’intelligence ne connaît rien en dehors d’elle-même. L’extérieur lui reste fer­mé. Personne, selon cette erreur, ne peut affir­mer qu’il pos­sède la véri­té sur Dieu et la des­ti­née des hommes. La reli­gion doit trou­ver un autre fon­de­ment que la connais­sance ration­nelle d’une révé­la­tion divine venant de l’extérieur de la conscience. Comment en arrive-​t-​on à une telle affir­ma­tion ? Nous ne l’expliquerons pas ici en rai­son de la com­plexi­té du sujet.

2) L’immanence vitale explique selon les moder­nistes, comme ils s’appellent eux-​mêmes, la pré­sence du fait reli­gieux dans le monde : il y a en chaque homme comme une étin­celle de la vie divine qui s’exprime dans les dif­fé­rentes tra­di­tions reli­gieuses de l’humanité. Ce qui compte donc c’est de pri­vi­lé­gier la sub­jec­ti­vi­té de cha­cun et de recon­naître la vali­di­té de la démarche reli­gieuse quelle qu’elle soit. Toute conscience indi­vi­duelle a une dimen­sion reli­gieuse et peut alors pré­tendre avoir reçu quelque illu­mi­na­tion de Dieu. Peu importe d’ailleurs que les dogmes de cha­cune des tra­di­tions reli­gieuses soient contra­dic­toires, le dogme et la véri­té n’ayant aucune impor­tance : la véri­té est ration­nel­le­ment inac­ces­sible, seul compte ce qu’on peut vivre indé­pen­dam­ment de l’intelligence.

Ce noyau instable d’erreurs concen­trées nie la foi véri­table en ce que, d’une part, il refuse à cette der­nière la pos­si­bi­li­té d’un fon­de­ment objec­tif dans la connais­sance natu­relle de Dieu et, d’autre part, parce qu’il légi­time toute forme de délire per­son­nel en matière reli­gieuse. Ainsi le moder­nisme jus­ti­fie au suprême degré une atti­tude reli­gieuse fon­dée sur l’expérience per­son­nelle cou­pée de toute révé­la­tion divine objec­tive s’imposant à l’intelligence. – L’hérésie vient d’un mot grec qui veut dire « je choi­sis ». – Quand l’homme pré­fère à la révé­la­tion divine sa propre vue, son héré­sie trouve sa per­fec­tion et une pré­ten­due légi­ti­mi­té dans le modernisme.

En consé­quence, le moder­nisme tra­vaille à faire admettre à l’ensemble des reli­gions la recon­nais­sance mutuelle de leur valeur. Il tend ain­si à les ras­sem­bler toutes, et même a la pré­ten­tion de rame­ner le catho­li­cisme à ses vues. Mais le catho­li­cisme étant par nature aller­gique à une telle concep­tion, la seule chose que le moder­nisme peut fédé­rer ce sont les erreurs, d’où ce qua­li­fi­ca­tif d’égout col­lec­teur aima­ble­ment attri­bué par le saint pape à son encontre.

Même si ce moder­nisme com­mence à prendre de l’âge, il ne faut pas croire pour autant qu’il est des­cen­du dans la tombe avec les condam­na­tions de saint Pie X. Au contraire, car il est sans doute à l’origine des ras­sem­ble­ments inter­re­li­gieux qui se mul­ti­plient depuis quelques décen­nies à l’initiative, hélas, trois fois hélas, des pon­tifes romains. Que pen­ser de tout cela ? Le mal est pro­fond et homi­cide. Il est insi­dieux et n’effraie pas, mais il tue plus cer­tai­ne­ment les hommes que bombes et camps d’exterminations, car il tue en leur âme l’amour de la véri­té, se mas­quant sous des voiles d’authenticité et de quête reli­gieuse. Le moder­nisme est une séduc­tion démo­niaque, sem­blant moins inquié­tante parce qu’elle est spi­ri­tuelle. Sa malice est consi­dé­rable pour­tant, d’autant que la séduc­tion qu’elle exerce est intense. Les hommes sont assoif­fés d’unité et de paix, mais ne croyant pas en la véri­té, ils se bâtissent un monde fac­tice où la reli­gion devient le lien qui unit non plus la créa­tion et le créa­teur, mais les hommes entre eux, pour ici-​bas, sans sou­ci de la véri­té divine.

Finalement le moder­nisme, sous des appa­rences de reli­gion, conduit à l’athéisme. Quant à nous, si nous vou­lons sur­vivre à notre époque, mar­quée par une telle volon­té de nuire de Satan, deman­dons à Dieu de nous atta­cher à la Vérité, Jésus-​Christ, de toutes nos forces. Demandons avec Notre Seigneur que Dieu nous sanc­ti­fie dans la Vérité.

Abbé Renauld de Sainte-​Marie, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Sources : Notre-​Dame-​d’Aquitaine n° 46