Saint Pie X, défenseur de la Foi

Extrait du Discours du pape Pie XII lors de la cano­ni­sa­tion de saint Pie X

Pie X se révèle aus­si cham­pion convain­cu de l’Église et Saint pro­vi­den­tiel de nos temps dans la seconde entre­prise qui dis­tingue son œuvre et res­sem­bla, par ses épi­sodes par­fois dra­ma­tiques, à la lutte enga­gée par un géant pour la défen­se d’un tré­sor ines­ti­mable : l’u­ni­té inté­rieure de l’Église dans son fon­de­ment intime : la foi. Déjà depuis son enfance, la Providence divine avait pré­pa­ré son élu dans son humble fa­mille, édi­fiée sur l’au­to­ri­té, les bonnes mœurs et sur la foi elle-​même vécue scru­pu­leu­se­ment. Sans doute tout autre Pon­tife, en ver­tu de la grâce d’é­tat, aurait com­bat­tu et reje­té les assauts des­ti­nés à frap­per l’Église à la base. Il faut cepen­dant recon­naître que la luci­di­té et la fer­me­té avec les­quelles Pie X condui­sit la lutte vic­to­rieuse contre les erreurs du moder­nisme, attestent à quel degré héroïque la ver­tu de foi brû­lait dans son cœur de saint. Uniquement sou­cieux de gar­der intact l’hé­ri­tage de Dieu au trou­peau qui lui était confié, le grand Pontife ne connut de fai­blesse en face de qui­conque, quelle que fût sa digni­té ou son auto­ri­té, pas d’hé­si­ta­tions devant des doc­trines sédui­santes mais fausses, dans l’Église et au dehors, ni aucune crainte de s’at­ti­rer des offenses per­son­nelles et de voir mécon­naître injus­te­ment la pure­té de ses inten­tions. Il eut la con­science claire de lut­ter pour la cause la plus sainte de Dieu et des âmes. A la lettre, se véri­fièrent en lui les paroles du Sei­gneur à l’Apôtre Pierre : « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point, et toi… confirme tes frères » [1]. La pro­messe et l’ordre du Christ sus­ci­tèrent encore une fois, dans la fer­me­té indé­fec­tible d’un de ses Vicaires, la trempe indomp­table d’un ath­lète. Il est juste que l’Église, en lui décer­nant à cette heure la gloire suprême à l’en­droit même où depuis des siècles brille sans se ter­nir celle de Pierre et en confon­dant ain­si l’un et l’autre dans une seule apo­théose, chante à Pie X sa recon­nais­sance et invoque en même temps son inter­ces­sion pour se voir épar­gner de nou­velles luttes du même genre. Mais ce dont il s’agis­sait pré­ci­sé­ment alors, c’est-​à-​dire la conser­va­tion de l’u­nion intime de la foi et de la science, est un bien si grand pour toute l’hu­ma­ni­té que cette seconde grande œuvre du Pontife est, elle aus­si, d’une impor­tance telle qu’elle dépasse lar­ge­ment les fron­tières du monde catholique.

Lorsque, comme le moder­nisme, on sépare, en les oppo­sant, la foi et la science dans leur source et leur objet, on pro­voque entres ces deux domaines vitaux, une scis­sion tel­le­ment funeste que « la mort l’est à peine plus ». On l’a vu en pra­tique : au tour­nant du siècle, on a vu l’homme divi­sé au fond de lui-​même, et gar­dant cepen­dant encore l’illu­sion de conser­ver son uni­té dans une appa­rence fra­gile d’har­mo­nie et de bon­heur basés sur un pro­grès pure­ment humain, se bri­ser pour ain­si dire sous le poids d’une réa­li­té bien différente.

Le regard vigi­lant de Pie X vit s’ap­pro­cher cette catas­trophe spi­ri­tuelle du monde moderne, cette décep­tion spé­cia­le­ment amère dans les milieux culti­vés. Il com­prit qu’une foi appa­rente de ce genre, c’est-​à-​dire une foi qui au lieu de se fon­der sur Dieu révé­la­teur s’en­ra­cine dans un ter­rain pure­ment humain, se dis­sou­drait pour beau­coup dans l’a­théisme ; il per­çut éga­le­ment le des­tin fatal d’une science qui, à l’en­contre de la nature et par une limi­ta­tion volon­taire, s’in­ter­di­sait de mar­cher vers le Vrai et le Bien abso­lus et ne lais­sait ain­si à l’homme sans Dieu, devant l’in­vin­cible obs­cu­ri­té où gisait pour lui tout l’être, que l’at­titude de l’an­goisse ou de l’arrogance.

Le Saint oppo­sa à un tel mal le seul moyen de salut pos­sible et réel : la véri­té catho­lique, biblique, de la foi accep­tée comme « un hom­mage rai­son­nable » [2] ren­du à Dieu et à sa révé­la­tion. Coordonnant ain­si foi et science, la pre­mière en tant qu’ex­ten­sion sur­na­tu­relle et par­fois confir­ma­tion de la seconde, et la se­conde comme voie d’ac­cès à la pre­mière, il ren­dit au chré­tien l’u­ni­té et la paix de l’es­prit, condi­tions impres­crip­tibles de la vie.

Si beau­coup aujourd’­hui se tournent à nou­veau vers cette véri­té, pous­sés vers elle en quelque sorte par l’im­pres­sion de vide et l’an­goisse de leur aban­don, et s’ils ont ain­si le bon­heur de pou­voir la trou­ver fer­me­ment pos­sé­dée par l’Église, ils doi­vent en être recon­nais­sants à l’ac­tion clair­voyante de Pie X. C’est à lui en effet que revient le mérite d’a­voir pré­ser­vé la véri­té de l’er­reur, soit chez ceux qui jouissent de toute sa lu­mière, c’est-​à-​dire les croyants, soit chez ceux qui la cherchent sin­cè­re­ment. Pour les autres, sa fer­me­té envers l’er­reur peut encore demeu­rer un scan­dale ; en réa­li­té, c’est un ser­vice d’une extrême cha­ri­té, ren­du par un Saint, en tant que Chef de l’Église, à toute l’humanité.

Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, année 1954, Édition Saint-​Augustin Saint-​Maurice, publié en 1956. – D’après le texte ita­lien des A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 307.

Notes de bas de page
  1. Luc, XXII, 32.[]
  2. Rom. XII, 1.[]

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958