Le pape en avait parlé en mai dernier [1] et a tenu parole : il vient d’instituer, après « une prière intense » et une « mûre réflexion » « une commission officielle d’étude sur le diaconat féminin ». Le pape François a nommé aujourd’hui une commission d’étude très attendue sur les femmes diacres dans l’Eglise catholique, a annoncé le Vatican. Elle sera présidée par Mgr Luis Francisco Ladaria Ferrer, archevêque de Tibica, secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Composée de 13 membres [2] – pour la plupart européens ou américains - dont six femmes, elle sera sera chargée d’examiner le rôle des femmes diacres aux « premiers temps de l’Eglise » [3], même si certains en attendent aussi des recommandations sur la manière de donner plus de responsabilités aux femmes aujourd’hui.
Ces membres sont spécialistes en patristique, ecclésiologie, théologie dogmatique ou spirituelle. Plusieurs parmi eux font également partie de la Commission théologique internationale, à l’instar du père Bernard Pottier, enseignant à l’Institut d’Etudes théologiques de Bruxelles. Parité oblige, la commission est composée de 6 femmes et de 6 hommes. Si ces derniers sont tous des ecclésiastiques, deux religieuses diplômées et quatre professeurs laïcs composent l’équipe féminine.
Outre leur C.V. réellement impressionnant, elles ont un point commun important : elles sont toutes, plus ou moins, préoccupées ou acteurs de la féminisation de l’institution ecclésiale et de la société : par leur situation professionnelle au sein des grandes universités européennes ou romaines, et leurs hauts postes dans les Commissions vaticanes, et par leurs déclarations personnelles et publiques.
Ainsi, par exemple, Sœur Nuria Calduch-Benages, membre de la commission pontificale biblique, évoque la discrimination dont elle a pu être victime par « des personnes à la mentalité fermée ou victimes des préjugés » au sein de l’Université Grégorienne où elle est professeur. Quant à Sœur Mary Melone, l’autre religieuse de la Commission, elle est la première femme Recteur de l’Université pontificale antonienne de Rome. Elle est aussi le symbole de « la révolution rose » du pape François. En mai dernier, elle avait applaudi à l’idée d’une étude sur le diaconat féminin lancée par Jorge Bergoglio :
« L’affirmation de François exprime encore une fois sa volonté sérieuse d’assurer aux femmes un rôle effectif, décisionnel, dans l’Église (…) Je respecte beaucoup tant de femmes cultivées et amoureuses de l’Église qui revendiquent le sacerdoce et souvent pour cela ont payé de leur personne. Par ma formation, toutefois, je ne partage pas cette aspiration. Je ne pense pas que l’ordination sacerdotale soit la seule condition pour garantir un rôle significatif aux femmes. »
Radio Vatican insiste sur le fait qu’il s’agit bien d’une commission d’études, qui se penchera sur le rôle des femmes-diacres, aux premiers temps de l’Église. Le « diaconat » féminin primitif, tel qu’il a pu exister, n’était pas un ministère en vue du sacerdoce, mais un service institué, notamment, pour assister les femmes catéchumènes lors du baptême. Le sujet n’est donc pas nouveau et a déjà fait l’objet de réflexion.
En 2003 déjà, la commission théologique internationale mena une enquête historique sur la question, à la demande du pape Jean-Paul II. Un document important, intitulé « Le Diaconat. Évolution et perspectives », avait été publié dans la foulée.
En 2006, Benoît XVI avait pour sa part affirmé que « plus d’espace et plus de responsabilité peuvent être confiés aux femmes dans le service ministériel ».
Les propos du Pape François sur le diaconat féminin avaient eu un écho retentissant, certains médias en avaient même tiré des conclusions hâtives, affirmant que François s’était prononcé en faveur de l’ordination de femmes diacres. Ce malentendu avait nécessité une mise au point du Saint-Siège : « l’ordination de femmes diacres [4] n’est absolument pas à l’ordre du jour, encore moins celle de femmes prêtres », avait précisé à l’époque le père Federico Lombardi, rappelant que les prédécesseurs de François avaient longuement examiné cette proposition avant d’y répondre par la négative [5].
Sources : Medias-presse.info/Radio Vatican/Le Monde/Le Figaro/press.vatican.va
- Lire : Le cardinal Kasper estime que la question des « diaconesses » divise l’Eglise en deux. - 14 mai 2016[↩]
- Composition de la Commission. President : Ecc.mo Mons. Luis Francisco Ladaria Ferrer, S.I., Arcivescovo tit. di Tibica, Segretario della Congregazione per la Dottrina della Fede. Membres : Rev.da Suor Nuria Calduch-Benages, M.H.S.F.N., Membro della Pontificia Commissione Biblica ; Prof.ssa Francesca Cocchini, Docente presso l’Università « La Sapienza » e presso l’Istituto Patristico « Augustinianum », Roma ; Rev.do Mons. Piero Coda, Preside dell’Istituto Universitario « Sophia », Loppiano, e Membro della Commissione Teologica Internazionale ; Rev.do P. Robert Dodaro, O.S.A., Preside dell’Istituto Patristico « Augustinianum », Roma, e Docente di patrologia ; Rev.do P. Santiago Madrigal Terrazas, S.I., Docente di Ecclesiologia presso l’Università Pontificia « Comillas », Madrid ; Rev.da Suor Mary Melone, S.F.A., Rettore Magnifico della Pontificia Università « Antonianum », Roma ; Rev.do Karl-Heinz Menke, Docente emerito di Teologia dogmatica presso l’Università di Bonn e Membro della Commissione Teologica Internazionale ; Rev.do Aimable Musoni, S.D.B., Docente di Ecclesiologia presso la Pontificia Università Salesiana, Roma ; Rev.do P. Bernard Pottier, S.I., Docente presso l”«Institut d’Etudes Théologiques », Bruxelles, e Membro della Commissione Teologica Internazionale ; Prof.ssa Marianne Schlosser, Docente di Teologia spirituale presso l’Università di Vienna e Membro della Commissione Teologica Internazionale ; Prof.ssa Michelina Tenace, Docente di Teologia fondamentale presso la Pontificia Università Gregoriana, Roma ; Prof.ssa Phyllis Zagano, Docente presso la « Hofstra University », Hempstead, New York. (press.vatican.va) [↩]
- Lire : Vous avez dit diaconesses ?, abbé Patrick de La Rocque – 09 juin 2016[↩]
- Avec une centaine d’ordinations par an, la France comptait 2 681 diacres permanents en 2014 ; ce sont, depuis le Concile Vatican II, soit des hommes qui choisissent le célibat, soit des hommes mariés.[↩]
- Interrogé le 12 mai dernier sur le diaconat des femmes lors d’une rencontre avec des supérieures générales de congrégations de religieuses, le pape François s’était déclaré favorable à l’institution d’une commission d’étude. La petite phrase avait fait vivement réagir dans l’Eglise, où l’accès des femmes aux responsabilités reste un sujet explosif. Il a toujours cherché à encourager l’influence théologique des femmes et a répété qu’une femme pourrait un jour prochain diriger un dicastère de la Curie. « Les femmes sont comme les fraises dans un gâteau, il en faut toujours plus », plaisantait-il ainsi devant des théologiens en décembre 2014.[↩]