Dans la lettre qu’il a adressée aux évêques en accompagnement du Motu Proprio, le pape indique que « les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté. » Bien que ces mots ne se trouvent que dans la lettre d’accompagnement, bien que celle-ci ait beaucoup moins de force que le Motu Proprio lui-même, la condition a été mise comme en exergue par beaucoup ; en se tournant entre autre vers la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X.
Ainsi le Cal Castrillòn Hoyos déclarait-il dès le 7 juillet : « Les partisans de Mgr Lefebvre [sic !] ne peuvent nier ni la valeur ni la validité du Novus Ordo. Cela doit être clair. »
Deux choses semblent attendues de la Fraternité Saint-Pie X : qu’elle reconnaisse explicitement la « valeur » et la « sainteté » du missel de Paul VI ; qu’elle concrétise cette reconnaissance par la célébration au moins ponctuelle de la messe de Paul VI. Aussi importe-t-il de rappeler ici les motivations profondes de la Fraternité Saint-Pie X, qui en la matière se croit être le porte-voix de la Fraternité Saint-Pierre ou de l’Institut du Bon Pasteur par exemple.
1 – Jamais la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X n’a remis en cause le principe de la validité de la messe célébrée avec le missel de Paul VI ; pas plus que celle des ordinations sacerdotales ou épiscopales célébrées avec le nouveau pontifical. Certes, elle n’exclut pas la possibilité concrète de telle ou telle célébration invalide en raison du manque d’intention du célébrant – manifestée tant par un enseignement que par une créativité l’éloignant toujours plus du rite indiqué. Cependant, elle n’a jamais affirmé l’invalidité systématique de ces rites. Au contraire. Dans le protocole d’accord signé le 4 mai 1988 par Mgr Lefebvre et jamais dénoncé sur ce point, il est écrit :
« Nous déclarons reconnaître la validité du Sacrifice de la Messe et des Sacrements célébrés avec l’intention de faire ce que fait l’Eglise et selon les rites indiqués dans les éditions typiques du Missel Romain et des Rituels des Sacrements promulgués par les Papes Paul VI et Jean-Paul II. »
La Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X n’en a pas moins dénoncé les graves carences du nouveau rite publié par Paul VI. La dimension œcuménique qui lui est intrinsèque l’a en effet amputé, aux dires même de ses auteurs (Cf. A. Bugnini, DC du 04/04/1965), de tout ce qui pourrait être ne serait-ce que l’ombre d’une pierre d’achoppement avec les protestants. C’est ainsi que le rite créé par Paul VI, loin de mettre en valeur la foi eucharistique de l’Eglise, la voile. La présence transsubstanciée du Christ y est dévalorisée, la dimension sacrificielle voilée, la finalité propitiatoire comme effacée. Aussi, la Fraternité Saint-Pie X affirme-t-elle, à la suite des cardinaux Ottaviani et Bacci, que le missel de 1969 « s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte Messe. » Quoique heureuse de supposer a priori la valeur et la sainteté subjective du ministre qui la célèbre, la Fraternité Saint-Pie X ne reconnaît pas la supposée « valeur » ou « sainteté » du nouvel Ordo Missæ lui-même.
2 – Par voie de conséquence, les prêtres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X refusent la célébration de la messe selon le missel de Paul VI. Si effectivement le nouveau rite est gravement déficient en sa constitution même, comment un prêtre conscient d’une telle carence pourrait-il le célébrer en toute bonne conscience ? Une mère digne de ce nom ne donne point à ses enfants une nourriture qu’elle sait frelatée. En leur refus, c’est donc un non possumusd’ordre moral qu’avancent en toute honnêteté et clarté les prêtres de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X.
Abbé Patrick de LA ROCQUE, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Source : Lettre A Nos Frères Prêtres n° 34 de juin-juillet-août 2007