Abbé Patrick de La Rocque – Octobre 2009
Un des caractères les plus saillants de l’Église catholique est l’indifférence avec laquelle elle reçoit les menaces de mort. Depuis la volonté éradicatrice d’Hérode, il n’est pas un siècle qui n’ait prédit son imminente disparition. Annoncer la fin de l’Église et de la Papauté est en effet une maladie bien ancienne. Au fils des siècles ces voix ont passé, et l’Eglise est demeurée seule à ne point passer… Et si l’on savait regarder l’histoire, on verrait que la sérénité dans l’épreuve est la marque de l’Eglise.
Plus que jamais pourtant, ses ennemis de toute sorte crient sa dernière heure arrivée. Voir l’Eglise affaiblie et dépeuplée alimente la verve de ces faux prophètes. Elle se meurt, disent les uns dans un cri de triomphe, parce que la voici délaissée et abandonnée, bientôt désappropriée de ses édifices en ruines. Elle se meurt, prétendent les autres dans une lamentable odeur de désespoir, parce que ses prêtres ne sont plus prêtres, ses évêques plus évêques, et son pape plus pape. Elle se meurt, disent-ils tous. Les uns exultent grassement, les autres fuient. C’est que les uns et les autres ont oublié ce qu’était l’Eglise. Elle, quoiqu’il en soit des faiblesses de ses membres, elle marche et elle chante. L’Eglise chantait dans les catacombes, elle chantait entre les mains des bourreaux. Elle continue à chanter aujourd’hui, en sa liturgie comme en de très nombreuses âmes. Quelque crise que l’Église ait traversée, jamais on n’a pu obtenir d’elle qu’elle cessât de célébrer son éternelle vie, et de la célébrer en chantant.
L’erreur, elle, ne sait pas chanter. Tout juste hurle-t-elle lorsqu’elle croit saisir sa victoire. Elle la hurle avec dissonance, parce qu’elle la sait éphémère. Les mélodies paisibles lui sont inconnues. Ses porte-voix ne clament pas leur bonheur – depuis quand l’erreur rendrait-elle heureuse ? – mais laissent seulement éclater qui son orgueil qui sa jalousie ; la jalousie assouvie dans la mort de l’être honni, ou l’orgueil qui se repaît de la prétendue chute d’autrui pour mieux se croire le dernier debout.
Ce désir furieux de constater la mort de l’Église a son explication : la mort de l’Eglise serait la preuve de son mensonge. Les hommes, eux, ont l’habitude de mourir ; et leur mort, loin de renverser leur gloire, la commence. La mort consacre l’homme, elle lui ouvre les portes de la mémoire, voire de l’histoire. Mais pour une religion qui a promis d’être immortelle, la mort s’identifie au déshonneur. Voilà pourquoi les ennemis de l’Église ont soif de sa mort.
Face à tous ces hargneux, l’Eglise professe sa foi en Celui qui a les paroles de vie éternelle, en Celui qui est la Vie, qui est sa vie. Avec autant d’humilité que de reconnaissance, elle distribue un pain qu’elle sait être gage d’éternité. Et sa sérénité au sein des cris environnants témoigne magnifiquement de la Parole reçue : « Celui qui croit en moi ne verra jamais la mort ». A ses fils peut-être ébranlés, l’Eglise rappelle que c’est à l’heure même de la Passion qu’elle reçut de son divin Epoux l’ultime testament : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. » A cette paix forte et sereine, nous reconnaîtrons que nous vivons en fils de l’Eglise.
Abbé Patrick de La Rocque, Prieur-Doyen de Nantes
Extrait de l’Hermine n° 24 d’octobre-novembre 2009