Des sacres pour l’Église

Le jour des sacres, Monseigneur Lefebvre résume toute son atti­tude en invo­quant l’ar­gu­ment de l’é­tat de néces­si­té. Il s’a­git de « faire vivre la Tradition, c’est-​à-​dire l’Église catholique ».

Le 30 juin 1988, Monseigneur Lefebvre a réa­li­sé ce qu’il a lui-​même appe­lé une « opé­ra­tion sur­vie » de la Tradition. Dans son homé­lie des sacres, il disait : « Aujourd’hui, cette jour­née, c’est l’o­pé­ra­tion sur­vie, et si j’a­vais fait cette opé­ra­tion avec Rome en conti­nuant les accords que nous avions signés et en pour­sui­vant la mise en pra­tique de ces accords, je fai­sais l’o­pé­ra­tion suicide. »

Cette opé­ra­tion sur­vie a consis­té dans le sacre de quatre évêques, NN. SS. Tissier de Mallerais, Williamson, de Galarreta, et Fellay. Le fon­da­teur de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie‑X a sacré des évêques de sup­pléance pour que son œuvre conti­nue : trans­mettre la foi, le sacer­doce, la confir­ma­tion et toutes les céré­mo­nies qui reviennent à l’évêque et qui sont consi­gnées dans le livre litur­gique appe­lé le Pontifical. Monseigneur Lefebvre l’a dit dans son homé­lie : « Aujourd’hui, en consa­crant ces évêques, je suis per­sua­dé de conti­nuer, de faire vivre la Tradition, c’est-à-dire l’Église catholique. »

1. L’état de nécessité

Les sacres du 30 juin 1988 ont été moti­vés par ce que l’on appelle l’état de néces­si­té. Dans l’homélie de la céré­mo­nie, Monseigneur Lefebvre a pré­ci­sé que la démons­tra­tion de l’état de néces­si­té avait été faite au préa­lable : « Vous trou­ve­rez pré­ci­sé­ment par­mi ces feuilles que nous met­tons à votre dis­po­si­tion, une étude abso­lu­ment admi­rable faite par le pro­fes­seur Kachewski, de l’Una Voce Correspondanz d’Allemagne, qui explique mer­veilleu­se­ment pour­quoi nous sommes dans le cas de néces­si­té, cas de néces­si­té de venir au secours de vos âmes, de venir à votre secours. » Il faut rap­pe­ler ici l’excellente étude sur le sujet, publiée en son temps par l’Union Sacerdotale Saint-​Jean-​Baptiste-​Marie Vianney de Compos au Brésil, inti­tu­lée Catholiques, Apostoliques et Romains, Notre posi­tion dans l’actuelle situa­tion de l’Eglise (Publication Saint-​Jean Eudes, Gavrus, 2000).

Dans son livre inti­tu­lé Lettre ouverte aux catho­liques per­plexes, publié en 1985 par les Éditions Albin Michel et réédi­té récem­ment par les Éditions Clovis en 2016, Monseigneur Lefebvre a éga­le­ment démon­tré, plus pas­to­ra­le­ment et dans un lan­gage acces­sible à tous, l’état de néces­si­té dans lequel se trouve l’Église depuis Vatican II. Il le montre, non pas à par­tir d’apparitions pri­vées, de conver­sa­tions de cou­loirs ou de rai­son­ne­ments théo­lo­giques dés­in­car­nés, mais à par­tir des faits connus et consta­tés par tous, sinon par le plus grand nombre, dans les paroisses, les dio­cèses, et les sémi­naires. Il uti­lise éga­le­ment des docu­ments publics : publi­ca­tions diverses, bul­le­tins parois­siaux, direc­tives du Centre National de Liturgie parois­siale. Le lan­gage est simple, clair, acces­sible à tous. C’est un livre à lire par tous ceux qui se posent des ques­tions et sont per­plexes dans la crise.

Cette situa­tion de néces­si­té, dont il est fait état dans l’ouvrage, est uni­ver­selle. La table des matières, ajou­tée à l’occasion de sa réédi­tion, est élo­quente. Les quelque 23 cha­pitres portent des titres qui révèlent l’essentiel de leur conte­nu : 1. Pourquoi per­plexes ? 2. Une nou­velle façon de prier. 3. La nou­velle messe : expé­riences. 4. Une nou­velle idée de la messe. 5. Le latin et la sou­tane. 6. Les nou­veaux sacre­ments. 7. Le nou­veau prêtre. 8. Le nou­veau caté­chisme. 9. Les nou­veaux théo­lo­giens. 10. L’œcuménisme et le dia­logue inter­re­li­gieux. 11. La liber­té reli­gieuse. 12. Ententes avec com­mu­nistes et francs-​maçons. 13. Les puis­sances occultes contre l’Église. 14. Vatican II : révo­lu­tion dans l’Église. 15. Une union adul­tère : l’Église et la Révolution. 16. Une nou­velle idée de la foi. 17. La manie du chan­ge­ment. 18. Le reproche de déso­béis­sance. 19. Écône et Rome. 20. Des sanc­tions contre nous ? 21. Jésus-​Christ, Sauveur des nations. 22. Jésus-​Christ, Sauveur des familles. 23. Quel ave­nir pour les fidèles ?

Dans ce livre, Monseigneur Lefebvre pense et espère que la Providence pour­voi­ra elle-​même à la péren­ni­té de son œuvre. Mais les évé­ne­ments pro­vi­den­tiels, qui vont suivre cette publi­ca­tion, le feront chan­ger d’avis : il se rend compte, éclai­ré par le Saint-​Esprit et les évé­ne­ments, qu’il sera lui-​même l’instrument de la Providence pour conti­nuer le sacer­doce dans la Tradition. Il est convain­cu que c’est à lui que Dieu demande d’agir.

2. Du possible au réel

Le Droit cano­nique, tant l’ancien (1917) que le nou­veau (1983), pré­voit des « cas de néces­si­té ». Le Droit de l’Église, pré­voit, par exemple, qu’un prêtre défro­qué pour­rait absoudre vali­de­ment un mou­rant qu’il trou­ve­rait sur son che­min. C’est une néces­si­té qui sur­vient dans un cas iso­lé : c’est un « cas de néces­si­té ». Si la néces­si­té en venait à se géné­ra­li­ser, on ne serait plus face à un « cas de néces­si­té », mais face à un « état de néces­si­té ». Un homme émi­nent, saint Vincent de Lérins l’avait déjà envi­sa­gé comme pos­sible au 5e siècle dans son opus­cule inti­tu­lé Commonitorium, qui éta­blit les règles à suivre pour gar­der la foi catho­lique. Au cha­pitre 3, il se pose cette ques­tion : « Que fera donc le chré­tien… si quelque conta­gion nou­velle s’efforce d’empoisonner, non plus seule­ment une petite par­tie de l’Église, mais l’Église tout entière à la fois ? ». À cette ques­tion, il répond : « Alors, son grand sou­ci sera de s’attacher à l’antiquité, qui, évi­dem­ment, ne peut plus être séduite par aucune nou­veau­té men­son­gère » (Desclée De Brouwer, 1978, p. 27). L’état de néces­si­té, envi­sa­gé comme pos­sible dès les pre­miers siècles de l’histoire de l’Église, a mal­heu­reu­se­ment trou­vé une réa­li­sa­tion à notre époque conci­liaire. Ce qui était envi­sa­gé comme pos­sible au 5e siècle par saint Vincent de Lérins est deve­nu réa­li­té au 20e siècle et se pro­longe encore aujourd’hui. C’est cette réa­li­té qui consti­tue le vrai contexte des sacres de 1988.

3. Un état de nécessité institutionnalisé

Mais n’est-il pas pos­sible de pré­ci­ser encore un peu plus l’étendue de cet état de néces­si­té ? Cette situa­tion « de fait », n’est-elle pas pro­vo­quée, entre­te­nue, déve­lop­pée, ren­for­cée, cris­tal­li­sée, par ce que l’on appelle « l’église conci­liaire » elle-​même ? N’existe-t-il pas un cor­pus de seize textes conci­liaires qui fait offi­ciel­le­ment auto­ri­té depuis le Concile et sert de réfé­rence incon­di­tion­nelle de toute la pas­to­rale des hommes d’Église depuis Vatican II ? La nou­velle messe (1969), appli­quant les direc­tives du Concile, n’est-elle pas en vigueur comme norme ordi­naire litur­gique ? Le nou­veau Droit cano­nique (1983), tra­dui­sant en lan­gage juri­dique (cf. Jean-​Paul II) la doc­trine de Vatican II, c’est-à-dire la liber­té reli­gieuse, l’œcuménisme et la col­lé­gia­li­té, n’est-il pas la norme offi­cielle à suivre en pra­tique et néces­sai­re­ment aujourd’hui ? Le nou­veau Catéchisme de l’Église catho­lique (1991) et son Compendium (2005) ne sont-​ils pas les bases offi­cielles et incon­tour­nables de tout l’enseignement caté­ché­tique conci­liaire actuel­le­ment ? L’état de néces­si­té qui se constate dans les faits, n’est-il pas aus­si struc­tu­rel et ins­ti­tu­tion­nel ? C’est-à-dire juri­di­que­ment orga­ni­sé et codi­fié par tous les textes offi­ciels qui mettent en pra­tique Vatican II dans tous les domaines ? Si cet état de néces­si­té est vrai­ment deve­nu un état de néces­si­té struc­tu­rel et ins­ti­tu­tion­na­li­sé, la consé­quence n’est-elle pas que, même si la situa­tion s’améliorait de fait, l’état de néces­si­té per­du­re­rait tant que les textes conci­liaires et ses réformes litur­gique, cano­nique, magis­té­rielle res­te­ront la norme de la vie ecclé­siale ? Cet état de néces­si­té ne disparaîtrait-​il pas uni­que­ment lorsque la norme plu­ri­dis­ci­pli­naire conci­liaire aura ces­sé de faire autorité ?

4. Le Christ-​Roi en danger

Dans son livre inti­tu­lé Ils l’ont décou­ron­né, Monseigneur Lefebvre montre com­ment les hommes d’Église, spé­cia­le­ment à par­tir du concile Vatican II, et en son nom, ont décou­ron­né Jésus-​Christ dans les socié­tés tem­po­relles. Daniel Leroux, dans son livre inti­tu­lé Pierre, m’aimes-tu ? (pp. 20–22), démontre, texte de La Documentation Catholique (DC) à l’appui, que les hommes d’Église ont fait pres­sion sur les États pour laï­ci­ser leurs consti­tu­tions poli­tiques. L’ouvrage, en par­ti­cu­lier, fait men­tion des modi­fi­ca­tions sur­ve­nues en 1973 au Pérou, en 1974 dans l’état du Valais (Suisse), en 1975 au Portugal, en 1976 en Espagne, en 1980 au Pérou, en 1984 en Italie. Toutes ces modi­fi­ca­tions ont été faites pour ali­gner les consti­tu­tions des États sur la doc­trine de la liber­té reli­gieuse du concile Vatican II.

L’exemple de la Colombie est par­ti­cu­liè­re­ment élo­quent. En 1973, sur ins­tances répé­tées de Rome, on a reti­ré de la consti­tu­tion l’article qui sti­pu­lait que la reli­gion catho­lique était la seule recon­nue par l’État, et cela au nom de la digni­té humaine et de la liber­té reli­gieuse conci­liaire, comme le pré­cise l’organe offi­ciel des évêques de France, La Documentation Catholique : « Les deux par­ties contrac­tantes ont été pous­sées par la volon­té d’adapter les dis­po­si­tions en matière de rap­ports entre l’Église et l’État, aux prin­cipes énon­cés par le concile Vatican II et aux réa­li­tés sociales actuelles de la Colombie » (DC n° 1638 du 9–23 sep­tembre 1973, p. 790). L’auteur pré­cise que la réa­li­té sociale de la Colombie était, en fait, que cette nation com­por­tait 98 % de catho­liques. Cette adap­ta­tion aux réa­li­tés sociales de la Colombie n’était donc qu’un fal­la­cieux pré­texte (qui n’en est pas un de toutes façons) ne repo­sant sur aucun fondement !

Par ailleurs, Monseigneur Lefebvre apprit, du Secrétaire même de la Conférence épis­co­pale colom­bienne, que le Vatican avait fait le siège de la Présidence de la République durant deux ans pour par­ve­nir à cette sup­pres­sion (cf. confé­rence à Écône du 1er avril 1976). La Rome conci­liaire est donc bien à l’origine de l’apostasie des nations catho­liques. Pour le fon­da­teur d’Écône, il n’y avait plus aucun doute à ce sujet : les hommes d’Église s’orientaient dans une direc­tion dia­mé­tra­le­ment oppo­sée au Magistère des papes anté­rieurs à Vatican II : Quanta Cura de Pie IX (1864), Libertas praes­tan­tis­si­mum de Léon XIII (1888), Quas pri­mas de Pie XI (1925).

5. Des signes providentiels

Deux évé­ne­ments, per­mis par la Providence divine, ont déci­dé Monseigneur Lefebvre à sacrer des évêques : 1) les réponses désas­treuses de Rome aux 39 Dubia sur la liber­té reli­gieuse de Vatican II, qui ont été publiées aux Éditions Clovis, sous le titre Mes doutes sur la liber­té reli­gieuse. 2) l’événement scan­da­leux d’Assise, du 27 octobre 1986, que Jean-​Paul II a « consi­dé­ré comme une illus­tra­tion visible, une leçon de choses, une caté­chèse intel­li­gible à tous de ce que pré­sup­posent et signi­fient l’en­ga­ge­ment œcu­mé­nique et l’en­ga­ge­ment pour le dia­logue inter­re­li­gieux recom­man­dés et pro­mus par le concile Vatican II » (dis­cours aux car­di­naux du 22 décembre 1986).

Le pre­mier évé­ne­ment a convain­cu l’évêque consé­cra­teur que Rome avait lâché les prin­cipes catho­liques, fon­dés sur la Révélation, qui com­mandent la Royauté sociale du Christ sur les États. Le second évé­ne­ment l’a convain­cu que Rome était prête au « n’importe quoi » en matière de pas­to­rale conciliaire.

Ajoutons que Rome avait concé­dé le prin­cipe du sacre d’un évêque, mais en fai­sait traî­ner l’exécution pra­tique, pro­ba­ble­ment dans l’espoir secret que la mort empor­te­rait celui qui pas­sait pour un évêque rebelle dans le monde entier, avant de poser ce qui serait consi­dé­ré comme un schisme ou un acte schismatique.

6. La suppléance de l’Église

Le Droit cano­nique, qui orga­nise juri­di­que­ment l’Église, énonce des canons 1) qui portent sur ce qui arrive dans le plus grand nombre de cas, 2) qui portent sur les excep­tions connues et qui arrivent quel­que­fois, 3) qui indiquent ce qu’il faut faire dans les cas tota­le­ment impré­vus et impré­vi­sibles par le légis­la­teur. Le cas 2 concerne par exemple, l’absolution d’un mou­rant sur le bord de la route par un prêtre défro­qué pas­sant par hasard – ou par Providence – dans le sec­teur. Ce prêtre reçoit, dans ce cas de néces­si­té, pour le bien et le salut de l’âme de l’accidenté, une juri­dic­tion de sup­pléance pour absoudre vali­de­ment les péchés.

Les sacres réa­li­sés par Monseigneur Lefebvre relèvent de la 3e situa­tion : même si saint Vincent de Lérins avait envi­sa­gé une crise géné­ra­li­sée, rien n’est pré­vu dans le Code en ce qui concerne le sacre d’un évêque dans la situa­tion que nous connais­sons. Par contre, le Code fait men­tion d’un droit sup­plé­toire, c’est-à-dire des canons énon­çant la conduite qu’il faut tenir dans les cas excep­tion­nels et impré­vi­sibles par le légis­la­teur. Le canon 20 for­mule cette règle : « S’il n’existe aucune pres­crip­tion ni dans la loi géné­rale ni dans la loi par­ti­cu­lière rela­ti­ve­ment à une espèce déter­mi­née, on doit cher­cher une règle, à moins qu’il ne s’agisse d’infliger une peine, dans les lois por­tées pour des espèces sem­blables ; dans les prin­cipes géné­raux du droit obser­vés d’après l’équité cano­nique ; dans le style et la pra­tique de la Curie romaine ; dans l’opinion com­mune et constante des docteurs. »

Le cano­niste Capello a écrit, dans sa Summa juris cano­ni­ci, qu’il est cer­tain que l’Église sup­plée pour pour­voir « aux besoins publics ou géné­raux des fidèles » dans les cas « où elle a mani­fes­té expres­sé­ment, ou pour le moins taci­te­ment, sa volon­té de l’accorder (vol. I. Rama, 1961, p. 252). Or, l’histoire de l’Église démontre qu’elle a mani­fes­té, au moins taci­te­ment, vou­loir accor­der la consé­cra­tion d’autres évêques en cas de grave néces­si­té spi­ri­tuelle géné­ra­li­sée ou publique. Par exemple, voi­ci ce que l’on peut lire dans la Patrologie grecque de Migne. Saint Théodore-​le-​Studite écrit : « En rai­son de besoins pres­sants, en ces moments cri­tiques où campe l’hérésie, tout ne se fait pas exac­te­ment de manière conforme à ce qui a été éta­bli en temps de paix. Or, voi­ci pré­ci­sé­ment ce que le bien­heu­reux Athanase et le très saint Eusèbe firent mani­fes­te­ment : tous deux impo­sèrent les mains hors des limites (de leur juri­dic­tion). Maintenant aus­si, dans l’hérésie pré­sente, se passe la même chose » (tome 99, col. 1645–48). D’une part que le man­dat pon­ti­fi­cal n’a pas tou­jours été requis pour sacrer, d’autre part, des sacres sans man­dat pon­ti­fi­cal ont bien eu lieu. Sacrer sans man­dat pon­ti­fi­cal ne sau­rait être un acte intrin­sè­que­ment per­vers. Sinon, cela aurait tou­jours été inter­dit, et la vie de l’Église à tra­vers les siècles ne pré­sen­te­rait aucune exception.

Fort des exemples consta­tés dans l’histoire de l’Église que Monseigneur Lefebvre a sui­vis, il était donc par­fai­te­ment en règle, non seule­ment avec la lettre du Droit, mais sur­tout avec son esprit. Suprema lex salus ani­ma­rum : « La loi suprême est celle du salut des âmes ». À titre d’argument ad homi­nem, per­mis dans le bon com­bat, il faut pré­ci­ser que même le nou­veau Code de 1983 reprend ce prin­cipe dans son tout der­nier canon : « … sans perdre de vue le salut des âmes qui doit tou­jours être dans l’Église la Loi suprême » (nc 1752). Le salut des âmes : c’est dans ce but que Monseigneur Lefebvre a agi, et il l’a dit aux fidèles le jour des sacres : « Nous sommes dans le cas de néces­si­té, cas de néces­si­té de venir au secours de vos âmes, de venir à votre secours ».

7. Sacre et juridiction

En ce qui concerne la juri­dic­tion épis­co­pale, Monseigneur Lefebvre a bien dit clai­re­ment qu’il ne trans­met­tait qu’un épis­co­pat de sup­pléance, sans pré­tendre don­ner la juri­dic­tion. Dans sa Lettre aux futurs évêques, il a écrit : « Le but prin­ci­pal de cette trans­mis­sion (de l’épiscopat, ndlr) est de confé­rer la grâce de l’ordre sacer­do­tal pour la conti­nua­tion du vrai Sacrifice de la sainte Messe et pour confé­rer la grâce du sacre­ment de confir­ma­tion aux enfants et aux fidèles qui vous la demandent. » Il est peut-​être bon d’expliquer ici, une des rai­sons pour les­quelles la Rome actuelle estime que Monseigneur Lefebvre a créé un schisme : c’est sim­ple­ment parce que la nou­velle théo­lo­gie de Vatican II s’imagine que la juri­dic­tion épis­co­pale, bien dis­tincte de l’épiscopat lui-​même trans­mis dans la céré­mo­nie du sacre, serait, elle aus­si, trans­mise par le sacre lui-​même. Or, Pie XII a bien expli­qué la thèse tra­di­tion­nelle dans son ency­clique Mystici cor­po­ris, à savoir que la juri­dic­tion était don­née direc­te­ment par le pape, selon l’expression consa­crée « par injonc­tion » : « Si les évêques jouissent du pou­voir ordi­naire de juri­dic­tion, ce pou­voir leur est immé­dia­te­ment com­mu­ni­qué par le sou­ve­rain pon­tife ». Monseigneur Lefebvre n’a donc eu aucu­ne­ment pré­ten­tion de trans­mettre une quel­conque juri­dic­tion dans le sacre accom­pli par lui. Il n’y a donc pas eu schisme le 30 juin 1988.

8. Le schisme introuvable

Monseigneur Lefebvre n’a pas créé un schisme, ni même posé un acte schis­ma­tique ou de nature schis­ma­tique. Il ne l’a jamais vou­lu et il l’a dit publi­que­ment le 30 juin 1988 durant l’homélie des sacres : « Il est néces­saire que vous le com­pre­niez bien, que nous ne vou­lons pour rien au monde que cette céré­mo­nie soit un schisme. »

La peine d’excommunication pré­vue par Pie XII (5 avril 1951), et reprise par le nou­veau Code (nc 1382) pour la consé­cra­tion épis­co­pale sans man­dat pon­ti­fi­cal ne concerne aucu­ne­ment les sacres de Monseigneur Lefebvre, qui a expli­qué pour­quoi le jour des consé­cra­tions : « Nous ne sommes pas des schis­ma­tiques. Si l’ex­com­mu­ni­ca­tion a été pro­non­cée contre les évêques de Chine – qui se sont sépa­rés de Rome et qui se sont sou­mis au gou­ver­ne­ment chi­nois – on com­prend très bien pour­quoi le pape Pie XII les a excom­mu­niés. Mais il n’est pas ques­tion pour nous du tout de nous sépa­rer de Rome et de nous sou­mettre à un pou­voir quel­conque étran­ger à Rome et de consti­tuer une sorte d’Église paral­lèle, comme l’ont fait par exemple les évêques de Palmar de Troja, en Espagne, qui ont nom­mé un pape, qui ont fait un col­lège de car­di­naux. Il n’est pas ques­tion de choses sem­blables pour nous. Loin de nous ces pen­sées misé­rables de nous éloi­gner de Rome. »

Ces sacres vont peut-​être contre la lettre du Droit canon, mais non contre son esprit. Une ancienne règle du Droit de l’Église dit : « Celui qui, pour gar­der la lettre de la loi, va contre l’esprit de la loi, celui-​là pèche contre la loi. » (Regula juris 88). C’est donc qu’il peut être néces­saire, dans des cas excep­tion­nels, d’aller, en appa­rence, contre le texte de la loi pour, en réa­li­té, res­pec­ter l’esprit de la loi. Monseigneur Lefebvre l’a encore expli­qué le jour des sacres : « Bien au contraire, c’est pour mani­fes­ter notre atta­che­ment à Rome que nous fai­sons cette céré­mo­nie. C’est pour mani­fes­ter notre atta­che­ment à l’Église de tou­jours, au pape et à tous ceux qui ont pré­cé­dé ces papes qui, mal­heu­reu­se­ment, depuis le concile Vatican II ont cru devoir adhé­rer à des erreurs, des erreurs graves qui sont en train de démo­lir l’Église et de détruire le sacer­doce catho­lique. » Quant au man­dat pour sacrer, il pen­sait pou­voir conclure qu’il la rece­vait par sup­pléance de l’Église elle-même.

9. Cinq témoignages

Monseigneur Lefebvre n’a donc pas pu encou­rir la peine d’excommunication pour sacre sans man­dat pon­ti­fi­cal. Plusieurs cano­nistes de l’époque, qui n’ont pas de lien spé­cial avec l’œuvre de Monseigneur Lefebvre, l’ont dit et affir­mé. En voi­ci cinq exemples res­tés célèbres.

Le Président de la Commission Pontificale pour l’interprétation authen­tique du Droit cano­nique a expli­qué que « l’acte de consa­crer un évêque (sans l’accord du pape) n’est pas en soi un acte schis­ma­tique » (La Reppublica, 7 octobre 1988), et donc ne sau­rait être frap­pé d’excommunication.

Le comte Neri Capponi, pro­fes­seur retrai­té de Droit cano­nique à l’Université de Florence, à l’époque bien connu dans les milieux juri­diques du Vatican et habi­li­té à défendre les cas sou­mis à la plus haute ins­tance juri­dique romaine – la Signature Apostolique -, a expli­qué que le seul fait de consa­crer un évêque sans auto­ri­sa­tion pon­ti­fi­cale ne consti­tue pas en soi un acte schis­ma­tique. « Il faut qu’il y ait autre chose. Par exemple, s’il avait créé sa propre hié­rar­chie, cela aurait été un acte schis­ma­tique. Le fait est que Monseigneur Lefebvre s’est conten­té de dire : Je crée des évêques pour que la Fraternité Sacerdotale que j’ai fon­dée conti­nue. Ils ne prennent pas la place d’autres évêques. Je ne crée pas une Église paral­lèle. Cet acte n’était donc pas, en soi, schis­ma­tique » (Latin Mass Magazine, mai-​juin 1993).

Le pro­fes­seur Geringer, expert en Droit cano­nique à l’Université de Munich a dit : « Monseigneur Lefebvre n’a abso­lu­ment pas créé de schisme avec les consé­cra­tions épiscopales ».

L’abbé Patrick Valdini, alors doyen de la Faculté de Droit cano­nique de l’Institut catho­lique de Paris, avait expli­qué en son temps que Monseigneur Lefebvre n’avait pas com­mis, en sacrant des évêques, un acte schis­ma­tique, car il n’a pas nié la pri­mau­té du pape. « Ce n’est pas le fait de consa­crer un évêque qui crée le schisme. Ce qui engendre un schisme, c’est de don­ner à cet évêque une mis­sion apos­to­lique » (Question de Droit ou de confiance, L’Homme Nouveau, 17 février 1989). Il est bon ici de rap­pe­ler que la peine d’excommunication pour sacre sans man­dat épis­co­pal a été créée par le pape Pie XII pour sanc­tion­ner les sacres accom­plis par des évêques de l’Église patrio­tique de Chine, qui s’étaient sou­mis au gou­ver­ne­ment com­mu­niste. Voilà un exemple de vrai schisme. Il va sans dire que cette sanc­tion n’a rien à voir avec le cas des sacres de Monseigneur Lefebvre.

L’abbé Gérald Murray, de l’archidiocèse de New York a obte­nu au cours de ses études de Doctorat en Droit cano­nique, sa licence en Droit cano­nique auprès de la très célèbre Université gré­go­rienne de Rome, en juin 1995, avec une longue thèse inti­tu­lée Le sta­tut cano­nique des laïques ayant sui­vi le défunt arche­vêque Marcel Lefebvre et la Fraternité Saint-​Pie‑X : sont-​ils excom­mu­niés en tant que schis­ma­tiques ? Au cours de son entre­tien avec The Latin Mass Magazine, il a décla­ré : « J’ai obte­nu une licence en Droit cano­nique et ai choi­si comme sujet de thèse de licence l’excommunication de Monseigneur Lefebvre… J’en suis arri­vé à la conclu­sion que, cano­ni­que­ment par­lant, il n’est cou­pable d’aucun acte schis­ma­tique tom­bant sous le coup du Droit canonique. »

Monseigneur Lefebvre avait donc rai­son de conclure, dans son homé­lie des sacres, à la nul­li­té des sanc­tions por­tées contre lui : « Pour nous, nous sommes per­sua­dés, [que] toutes ces accu­sa­tions dont nous sommes l’objet, toutes ces peines dont nous sommes l’objet sont nulles, abso­lu­ment nulles ! C’est pour­quoi nous n’en tenons abso­lu­ment aucun compte. »

Concluons que Mgr Lefebvre a bien eu rai­son de dire aux car­di­naux : « C’est moi l’accusé qui devrait vous juger ». L’évêque « Sauveur de la sainte messe et du sacer­doce » (R.P. Baillif, ser­mon du 25 sep­tembre 1994 à Flavigny) a donc bien méri­té de l’Église en sacrant quatre évêques pour que la Tradition conti­nue, que le Bon Dieu soit glo­ri­fié et que les âmes soient sau­vées. Cet évêque n’a fait que son devoir d’évêque comme il le sou­ligne lui-​même : « Loin de moi de m’é­ri­ger en pape ! Je ne suis qu’un évêque de l’Église catho­lique, qui conti­nue à trans­mettre, à trans­mettre la doc­trine : Tradidi quod et acce­pi. C’est ce que je pense, que je sou­hai­te­rais que l’on mette sur ma tombe et cela ne tar­de­ra sans doute pas, que l’on mette sur ma tombe : Tradidi quod et acce­pi, ce que dit saint Paul : je vous ai trans­mis ce que j’ai reçu, tout simplement. »

10. A cela, il faut ajouter…

Ce que l’on vient de lire a été publié dans le Combat de la Foi n° 186 en 2018. Tout ce que l’on vient d’expliquer réduit à néant les accu­sa­tions calom­nieuses de schisme à l’endroit de Mgr Lefebvre. Il faut dire que les anciennes com­mu­nau­tés Ecclesia Dei, qui ont été pous­sées par le Motu pro­prio Traditionis cus­todes à pro­cla­mer publi­que­ment leur accep­ta­tion de Vatican II et de la messe Paul VI, éprouvent désor­mais le besoin de res­sor­tir les vieux épou­van­tails pour moti­ver leur ali­gne­ment conci­liaire. C’est le lieu de répondre à quelques-​uns des argu­ments qu’ils avancent à cette occasion.

Ils pré­tendent s’appuyer sur l’autorité de Dom Gréa. Mais Dom Gréa date, et pour résoudre la crise conci­liaire et la ques­tion des sacres, sa théo­lo­gie est deve­nue lar­ge­ment insuf­fi­sante, ceci en rai­son de pro­blèmes nou­veaux qui ont sur­gi depuis un siècle. D’une part, ses for­mu­la­tions per­mettent, entre autres, de jus­ti­fier la col­lé­gia­li­té conci­liaire, d’autre part, elle ne tient pas compte du magis­tère de Pie XII, puisqu’elle est plus ancienne. Il est donc impos­sible de juger équi­ta­ble­ment l’affaire des sacres de 1988 à la lumière de la seule auto­ri­té de Dom Gréa.

Le sacre tel que l’a fait Mgr Lefebvre ne sau­rait être intrin­sè­que­ment mau­vais. Sinon dans l’histoire, cela ne se serait jamais fait. Or, le sacre sans man­dat expli­cite s’est déjà fait. Il faut donc dis­tin­guer : mau­vais dans un cas comme celui de l’église patrio­tique chi­noise, on le concède ; mau­vais pour sau­ver la foi tra­di­tion­nelle, le vrai sacer­doce, le sacri­fice de la messe, et l’épiscopat catho­lique de l’Église catho­lique elle-​même, dans une situa­tion de néces­si­té géné­ra­li­sée, on ne le concède pas.

En effet, pour l’évaluation de la mora­li­té d’un acte – et aus­si pour l’application d’une peine cano­nique –il faut prendre en compte l’objet de l’acte, sa fina­li­té et toutes les cir­cons­tances dans les­quelles il a été posé. Or, les élé­ments de réflexion ci-​dessus montrent bien que Mgr Lefebvre, dans les cir­cons­tances dans les­quelles il se trou­vait, n’a pas fait de faute en sacrant des évêques. Il a même pra­ti­qué la ver­tu de pru­dence à un degré héroïque, en par­ti­cu­lier en fai­sant usage de l’épikie. Cette der­nière ver­tu se rat­tache à la pru­dence et fait remon­ter aux prin­cipes pour les appli­quer en l’absence de déter­mi­na­tion pra­tique dans une situa­tion nou­velle. Il n’y a donc pas eu de faute de la part de Mgr Lefebvre. Or, l’adage dit : « Pas de faute, pas de peine ». C’est donc à tort qu’on a « excom­mu­nié » le pré­lat qui a consa­cré dans ces circonstances.

Un autre prin­cipe entre aus­si en jeu : Odiosa res­trin­gen­da sunt. Les choses odieuses doivent être réduites au maxi­mum. Ainsi, dans l’application des peines, on doit s’assurer que toutes les condi­tions sont stric­te­ment rem­plies pour qu’elles entrent en jeu. Or, dans l’affaire de Mgr Lefebvre, les hommes conci­liaires de l’Église ont négli­gé de tenir compte des canons miti­geant les peines. Tout le monde, même du côté conci­liaire, a admis que Mgr Lefebvre « croyait agir dans la néces­si­té » (sous-​entendu : il se trom­pait, mais il était de bonne foi). Cette seule cir­cons­tance, même dans la pers­pec­tive conci­liaire du droit canon de Jean-​Paul II (1983), deman­dait que l’on mitige la peine et donc, qu’il soit exemp­té de l’excommunication, même si une autre sanc­tion plus bénigne pou­vait être prévue.

Enfin, reste la ques­tion de savoir si Mgr Lefebvre a sacré contre la volon­té du Pape ? Le pape n’est pas « la Tête du Corps Mystique du Christ », ni un tyran ou un poten­tat. Et l’Église catho­lique n’est pas une secte : l’obéissance aveugle n’est pas catho­lique. Avant d’obéir, même sans juger le supé­rieur, tout infé­rieur doit savoir s’il va pécher ou non en obéis­sant. C’est la doc­trine de saint Thomas d’Aquin. Mgr Lefebvre a agi en évêque catho­lique et en conscience.

De plus, tout pape, reçoit, de par l’institution divine, un « cahier des charges ». Ex offi­cio, de par sa fonc­tion et de par son office, il doit vou­loir un épis­co­pat véri­ta­ble­ment catho­lique et non un épis­co­pat moder­niste imbu d’idées maintes fois condam­nées par le magis­tère des papes anté­rieurs (liber­té reli­gieuse, œcu­mé­nisme, etc). C’est ce que l’on appel­le­ra la « volon­té pre­mière », c’est-à-dire offi­cielle, celle atta­chée à sa charge : c’est ce que tout pape doit vou­loir ex offi­cio. Tout pape doit vou­loir ce qu’a tou­jours vou­lu la papau­té. Or, depuis le concile Vatican II, les papes écartent sys­té­ma­ti­que­ment les can­di­dats vrai­ment catho­liques au pro­fit de ceux qui sont moder­nistes et qui déna­turent leur fonc­tion. C’est ce qu’il convient d’appeler la « volon­té seconde » : volon­té moder­niste, imbue des erreurs actuelles, des papes conci­liaires qui col­la­borent à la des­truc­tion de la foi et de la litur­gie dans l’Eglise catholique.

Ainsi, que Mgr Lefebvre ait sacré contre la volon­té seconde, per­son­nelle, moder­niste, anti tra­di­tion­nelle de Jean-​Paul II, per­sonne ne le nie­ra ; qu’il ait sacré contre la volon­té pre­mière, volon­té ex offi­cio de tout pape digne de ce nom, cela est insou­te­nable. Mgr Lefebvre n’a fait qu’agir contre la volon­té d’un pape qui détourne les pou­voirs atta­chés à sa charge ou qui ne les rem­plit pas, voire qui abuse de son pou­voir contre le bien com­mun de l’Église. Mgr Lefebvre n’a cer­tai­ne­ment pas sacré contre la volon­té de la papau­té et de l’Église catho­lique en tant qu’institution divine fon­dée par le Christ. Dans la Lettre aux futurs évêques (29 août 1987), Mgr Lefebvre demande d’ailleurs, aux can­di­dats à l’épiscopat, d’aller dépo­ser la grâce de leur épis­co­pat dans les mains du suc­ces­seur de Pierre quand le moment sera venu, c’est-à-dire quand le pape sera reve­nu à la Tradition catho­lique. Preuve qu’il n’y a pas de schisme avec Rome.

Disons enfin, pour finir, que Mgr Lefebvre n’a cer­tai­ne­ment pas por­té atteinte à un élé­ment de la foi catho­lique, ni à l’unité de l’Église, ni l’apostolicité catho­lique de l’épiscopat. Si l’on veut bien exa­mi­ner toutes les cir­cons­tances des sacres de 1988 et toutes les affir­ma­tions de Mgr Lefebvre à cette occa­sion, l’apostolicité de l’épiscopat dans l’Église a été par­fai­te­ment pré­ser­vée. Le sacre s’est fait en dehors de la volon­té per­son­nelle d’un pape moder­niste, mais pas en dehors de la volon­té catho­lique que tout pape doit avoir. Il ne s’est donc pas fait en dehors de l’unité de l’Église qui est d’abord une uni­té de Foi avant d’être une uni­té de dis­ci­pline. Car les sacres ont été faits aus­si pour pré­ser­ver la foi, puisque l’Église ensei­gnante se trouve dans le pape et l’épiscopat.

Ceux qui accusent Mgr Lefebvre d’avoir agi contre un élé­ment essen­tiel de la foi sont pré­ci­sé­ment ceux qui observent la lettre de la loi en agis­sant contre l’esprit de la loi. Dans l’Église catho­lique, tout est ordon­né au salut des âmes et à la pro­pa­ga­tion et à la pré­ser­va­tion de cette foi abso­lu­ment néces­saire pour ce salut. Or, ceux-​là ont accep­té offi­ciel­le­ment la liber­té reli­gieuse, l’œcuménisme et la messe pro­tes­tante, toutes choses met­tant en péril la foi catho­lique. C’est la loi contre la foi. Il y a donc là un ren­ver­se­ment de l’ordre vou­lu par Dieu. Ce ren­ver­se­ment n’est qu’un pur juri­disme ou un pur légalisme…

Il faut donc conclure : Mgr Lefebvre a bien agi dans l’unité de la Foi – pour sau­ver la foi – et dans le res­pect du droit canon tant tra­di­tion­nel (1917) que conci­liaire (1983) – dans la mesure où ce der­nier sur cer­tains points suit la tra­di­tion – pour sau­ver le sacer­doce et l’épiscopat ; c’est-à-dire qu’il a bien agi dans l’esprit de l’Église.

La décla­ra­tion pré­li­mi­naire de la céré­mo­nie des sacres du 30 juin 1988, par laquelle Mgr Lefebvre se jus­ti­fiait de pro­cé­der à cette consé­cra­tion en dépit de l’opposition du pape Jean-​Paul II, le démontre : – « Avez-​vous un man­dat apos­to­lique ? », demande le céré­mo­nial de la consé­cra­tion des évêques. – « Nous l’avons ! », répond Mgr Lefebvre. – « Qu’on le lise ! » – « Nous l’avons par l’Eglise romaine qui, dans sa fidé­li­té aux saintes tra­di­tions reçues des apôtres, nous com­mande de trans­mettre fidè­le­ment ces saintes tra­di­tions – c’est-à-dire le dépôt de la foi – à tous les hommes, en rai­son de leur devoir de sau­ver leur âme. Etant don­né que, depuis le concile Vatican II jusqu’à aujourd’hui, les auto­ri­tés de l’Eglise romaine sont ani­mées d’un esprit de moder­nisme, agis­sant contre la sainte Tradition – « ils ne sup­portent plus la saine doc­trine, détour­nant l’ouïe de la véri­té, pour se tour­ner vers des fables » comme dit saint Paul à Timothée dans sa seconde épître (IV, 3–5) – nous esti­mons que toutes les peines et cen­sures por­tées par ces auto­ri­tés n’ont aucun poids ».