Le Vœu national 1870–1871

La basilique du Sacré-Cœur à Montmartre, Paris. Crédit photo : Tonchino, CC BY-SA 3.0 / Wikimedia Commons

En jan­vier 1871, Alexandre Legentil rédige un vœu per­son­nel qui pren­dra bien­tôt une ampleur natio­nale et abou­ti­ra à la réa­li­sa­tion de la basi­lique du Sacré-​Cœur de Montmartre à Paris.

Année 1870 : L’Église et la France sont pro­fon­dé­ment humiliées.

  • Défaite de la France : le 2 sep­tembre, Napoléon III capi­tule à Sedan ; le 4, la République sec­taire est de nou­veau pro­cla­mée ; le 19, com­mence le siège de Paris. Après les Révolutions de 1789, 1830 et 1848, celle des Communards conclu­ra la déchéance.
  • Violation des États Pontificaux : le 20 sep­tembre, Rome est prise par les Carbonari, le pape Pie IX volon­tai­re­ment empri­son­né au Vatican. Les États Pontificaux sont per­dus à jamais.

Humiliation à cause de nos crimes

Dans une lettre adres­sée aux curés de son évê­ché nan­tais, le 4 septembre1870, jour de la décla­ra­tion de la troi­sième répu­blique, Mgr Félix Fournier attri­bue la défaite de la France dans la guerre franco-​prussienne de 1870 à une puni­tion divine après un siècle de déchéance morale depuis la révo­lu­tion de1789. Cette lettre a pu ins­pi­rer un vœu pro­non­cé, en décembre de la même année, par Alexandre Legentil devant son confes­seur le père Gustave Argand, dans la cha­pelle du col­lège Saint-​Joseph de Poitiers dont ce der­nier était le rec­teur. Une stèle appo­sée à l’entrée de la cha­pelle rap­pelle que ce vœu est à l’origine de la construc­tion de la basi­lique du Sacré-​Cœur de Montmartre.

Relèvement par la miséricorde divine

Année 1871 : trois évé­ne­ments majeurs, trois secours divins :

  • 1. Notre-​Dame : Le 17 jan­vier 1871, la Sainte Vierge Marie appa­raît à Pontmain et redonne l’Espérance.
  • 2. Les Martyrs : le 24 mai 1871, Les Communards de Paris fusillent 80 otages, par­mi les­quels Mgr Darboy, des prêtres et des reli­gieux s’offrant en vic­times expiatrices.
  • 3. Le Sacré-​Cœur : Le Vœu national.

L’engagement

En jan­vier 1871, Alexandre Legentil rédige un vœu per­son­nel qui pren­dra bien­tôt une ampleur nationale : 

En pré­sence des mal­heurs qui déso­lent la France et des mal­heurs plus grands peut-​être qui la menacent encore ; En pré­sence des atten­tats sacri­lèges com­mis à Rome contre les droits de l’Église et du Saint-​Siège, et contre la per­sonne sacrée du Vicaire de Jésus-​Christ ; Nous nous humi­lions devant Dieu et réunis­sant dans notre amour l’Église et notre Patrie, nous recon­nais­sons que nous avons été cou­pables et jus­te­ment châ­tiés. Et pour faire amende hono­rable de nos péchés et obte­nir de l’infinie misé­ri­corde du Sacré-​Cœur de Notre Seigneur Jésus-​Christ le par­don de nos fautes ain­si que les secours extra­or­di­naires, qui peuvent seuls déli­vrer le Souverain Pontife de sa cap­ti­vi­té et faire ces­ser les mal­heurs de la France. Nous promet-​tons de contri­buer à l’érection à Paris d’un sanc­tuaire dédié au Sacré-​Cœur de Jésus.

Pour l’historien Miguel Rodriguez, le concept de vœu est fon­da­men­tal, en tant que pro­messe faite à Dieu. Ce vœu per­son­nel et appro­prié par toute la nation est pour lui une conti­nui­té totale avec le vœu de Louis XIII, de Marguerite-​Marie Alacoque au roi Louis XIV et de celui de Louis XVI dans la pri­son du temple. La France repen­tante et sup­pliante vient dépo­ser ce Sanctuaire dédié au Sacré-​Cœur de Jésus, à ce Cœur qui a tant aimé les hommes, à ce Cœur qui aime la France et qui attend son retour et sa conver­sion, qui attend ceux de cha­cun de ses fils et de ses filles, afin que nul ne reste égaré.

La réalisation

La forte déter­mi­na­tion d’Alexandre Legentil et ses nom­breuses rela­tions dans le pay­sage catho­lique pari­sien et au-​delà, per­mettent au pro­jet d’acquérir une dimen­sion natio­nale. Avec son beau-​frère, Hubert Rohault de Fleury, Alexandre Legentil entame les démarches qui abou­ti­ront à la réa­li­sa­tion de la basi­lique ex voto, cinq décen­nies plus tard. Ils reçoivent l’appui du car­di­nal Pie, évêque de Poitiers, de Mgr Guibert, car­di­nal arche­vêque de Paris, et de nom­breuses autres per­son­na­li­tés. Le 26 février1871, le pape Pie IX approuve et bénit le Vœu national. 

Les pro­mo­teurs de la construc­tion du Sacré-​Cœur font appel, fin 1872, à l’Assemblée natio­nale afin que l’église soit recon­nue comme étant d’utilité publique. Après des débats hou­leux, la loi d’utilité publique est votée le 24 juillet 1873, par 382 voix sur 734. Cette loi offre à l’archevêque de Paris la pos­si­bi­li­té de se por­ter acqué­reur des ter­rains sur la col­line de Montmartre et de lan­cer une sous­crip­tion natio­nale. Il est aus­si pré­vu par ladite loi que l’église sera à per­pé­tui­té affec­tée à l’exercice public du culte catholique. 

46 mil­lions de francs (1 franc 1900–1914 = 3 euros). C’est le mon­tant récol­té pour la réa­li­sa­tion de l’édifice. La basilique,en effet, n’a pas été finan­cée par le Gouvernement laïque ou la Ville de Paris, ni par l’Église en tant que telle, mais par la mul­ti­tude des dons de plus de 10 mil­lions de Français (la popu­la­tion comp­tait alors 40 mil­lions d’habitants). La plu­part de ces dons étaient infimes aux yeux des hommes, mais riches aux yeux du Seigneur comme l’obole de la veuve (Lc 21, 1–4).

Source : Le Petit Écho de Notre-​Dame n° 90