Pie IX

255ᵉ pape ; de 1846 à 1878

13 septembre 1868

Lettre apostolique Iam vos omnes

Appel au retour de tous les dissidents à rentrer dans l’Église catholique, unique bercail du Christ

Avant la réunion du pre­mier Concile du Vatican que Pie IX venait tout juste de convo­quer, le pape fit cet appel solen­nel adres­sé à tous les non-​catholiques du monde pour qu’ils embrassent la foi catho­lique, hors de laquelle « ils ne peuvent être ras­su­rés sur leur propre salut ». On pour­ra consta­ter com­bien cet appel de Pie IX est tota­le­ment à l’op­po­sé de l’œ­cu­mé­nisme de dia­logue prô­né par Vatican II.

A tous les pro­tes­tants, et tous les autres acatholiques.

Vous savez déjà qu’élevé, mal­gré Notre indi­gni­té, à cette Chaire de Pierre, pré­po­sé par consé­quent au gou­ver­ne­ment suprême de toute l’Église catho­lique et à sa garde, qui Nous a été divi­ne­ment confiée par Notre-​Seigneur Jésus-​Christ lui-​même, Nous avons jugé à pro­pos de convo­quer près de Nous Nos Vénérables Frères les Évêques de toute la terre, et de les réunir pour célé­brer, l’année pro­chaine, un Concile œcu­mé­nique, afin que, de concert avec ces mêmes Vénérables Frères appe­lés à par­ta­ger Notre sol­li­ci­tude, Nous puis­sions prendre toutes les réso­lu­tions qui paraî­tront les plus oppor­tunes et les plus néces­saires, soit pour dis­si­per les ténèbres de tant d’erreurs funeste qui dominent chaque jour de plus en plus, et se déchaînent au plus grand détri­ment des âmes, soit pour éta­blir de plus en plus chaque jour, et pour accroître, par­mi les peuples chré­tiens confiés à Notre vigi­lance, le règne de la vraie foi, de la jus­tice et de la véri­table paix de Dieu. Fortement appuyé sur le pacte étroit et cher de l’union qui rat­tache si admi­ra­ble­ment à Nous et à ce Saint-​Siège les plus écla­tants témoi­gnages de leur amour et de leur res­pect, Nous avons ce ferme espoir que le Concile œcu­mé­nique, convo­qué par Nous dans le siècle pré­sent, pro­dui­ra, sous l’inspiration de la grâce divine, comme les autres Conciles géné­raux dans les siècles pas­sés, des fruits abon­dants, source de bon­heur, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut éter­nel des hommes.

C’est pour­quoi, sou­te­nu par cette espé­rance, exci­té et pres­sé par la cha­ri­té de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, qui a livré sa vie pour le salut de tout le genre humain, Nous ne pou­vons Nous empê­cher, à l’occasion du futur Concile, d’adresser Nos paroles apos­to­liques et pater­nelles à tous ceux qui, bien que recon­nais­sant le même Jésus-​Christ pour Rédempteur et se glo­ri­fiant du nom de chré­tiens, cepen­dant ne pro­fessent pas la vraie foi de Jésus-​Christ et ne suivent pas la com­mu­nion de l’Église catho­lique. Et Nous fai­sons cela pour les aver­tir, les conju­rer et les sup­plier, de toute l’ardeur de Notre zèle et en toute cha­ri­té, de vou­loir bien consi­dé­rer et exa­mi­ner sérieu­se­ment s’ils suivent la voie tra­cée par le même Jésus-​Christ Notre-​Seigneur et qui conduit au salut éter­nel. Personne ne peut nier ni mettre en doute que Jésus-​Christ lui-​même, afin d’appliquer les fruits de sa rédemp­tion à toutes les géné­ra­tions humaines, a bâti sur Pierre en ce monde son unique Église, c’est-à-dire l’Église une, sainte, catho­lique et apos­to­lique, et qu’il lui a don­né toute la puis­sance néces­saire pour que le dépôt de la foi fût conser­vé invio­lable et intact, et que la même foi fût ensei­gnée à tous les peuples, à toutes les races et à toutes les nations ; pour que tous les hommes devinssent par le bap­tême des membres de son corps mys­tique, et qu’en eux fût tou­jours conser­vée et ren­due plus par­faite cette vie nou­velle de la grâce, sans laquelle per­sonne ne peut jamais méri­ter et obte­nir la vie éter­nelle ; enfin, pour que cette même Église, qui consti­tue son corps mys­tique, demeu­rât tou­jours stable et immo­bile dans sa propre nature jusqu’à la consom­ma­tion des siècles, pour qu’elle vécût flo­ris­sante et fût en état de four­nir à tous ses enfants tous les moyens de faire leur salut. Or, qui­conque veut exa­mi­ner avec soin et médi­ter la condi­tion où se trouvent les diverses socié­tés reli­gieuses divi­sées entre elles et sépa­rées de l’Église catho­lique, qui, depuis Notre-​Seigneur Jésus-​Christ et ses Apôtres, a tou­jours exer­cé par ses pas­teurs légi­times et exerce encore main­te­nant le pou­voir divin qui lui a été don­né par le même Notre-​Seigneur, celui-​là devra se convaincre faci­le­ment que ni aucune de ces socié­tés, ni toutes ensemble ne consti­tuent en aucune façon et ne sont cette Église une et catho­lique que Notre-​Seigneur a fon­dée et bâtie, et qu’il a vou­lu créer. Et l’on ne peut pas dire non plus en aucune façon que ces socié­tés soient ni un membre ni une par­tie de cette même Église, puisqu’elles sont visi­ble­ment sépa­rées de l’unité catho­lique. Car des socié­tés pareilles étant dépour­vues de cette auto­ri­té vivante et éta­blie par Dieu qui enseigne sur­tout aux hommes les choses de la foi et la dis­ci­pline des mœurs, et qui sert de règle en tout ce qui regarde le salut éter­nel, elles ont constam­ment varié dans leurs doc­trines, et ce chan­ge­ment et cette insta­bi­li­té dans ces socié­tés ne cessent jamais. Chacun donc com­prend par­fai­te­ment, cha­cun voit clai­re­ment et mani­fes­te­ment que cela est en oppo­si­tion com­plète avec l’Église ins­ti­tuée par Notre-​Seigneur, puisque dans cette Église la véri­té doit tou­jours demeu­rer stable et inac­ces­sible à tout chan­ge­ment, afin de conser­ver abso­lu­ment intact le dépôt qui lui a été confié et pour la garde duquel la pré­sence et le secours du Saint-​Esprit lui ont été pro­mis à jamais. Il n’est per­sonne non plus qui ignore que ces dis­sen­sions de doc­trines et d’opinions ont don­né nais­sance à des schismes sociaux, qui ont enfan­té eux-​mêmes des com­mu­nions et des sectes sans nombre, les­quelles se pro­pagent tous les jours au grand détri­ment de la socié­té chré­tienne et civile.

ni aucune de ces socié­tés, ni toutes ensemble ne consti­tuent en aucune façon et ne sont cette Église une et catho­lique que Notre-​Seigneur a fon­dée et bâtie, et qu’il a vou­lu créer

En effet, qui­conque recon­naît que la reli­gion est le fon­de­ment de la socié­té humaine ne peut pas mécon­naitre et nier avec quelle puis­sance cette divi­sion de prin­cipes, cette oppo­si­tion et cette lutte de socié­tés reli­gieuses entre elles, agissent sur la socié­té civile, et avec quelle vio­lence cette néga­tion de l’autorité éta­blie par Dieu pour gou­ver­ner les croyances de l’esprit humain et pour diri­ger les actions de l’homme, aus­si bien dans sa vie pri­vée que dans sa vie sociale, a sou­le­vé, pro­pa­gé et entre­te­nu ces chan­ge­ments déplo­rables des choses et des temps, ces troubles qui bou­le­versent et accablent aujourd’hui presque tous les peuples.

Que tous ceux donc qui ne pos­sèdent pas l’unité et la véri­té de l’Église catho­lique sai­sissent l’occasion de ce Concile, où l’Église catho­lique, à laquelle appar­te­naient leurs pères, montre une nou­velle preuve de sa pro­fonde uni­té et de son invi­sible vita­li­té, et que, satis­fai­sant les besoins de leur cœur, ils s’efforcent de sor­tir de cet état dans lequel ils ne peuvent être ras­su­rés sur leur propre salut. Et qu’ils ne cessent point d’offrir les plus fer­ventes prières au Dieu des misé­ri­cordes, afin qu’il ren­verse le mur de divi­sion, qu’il dis­sipe les ténèbres des erreurs, et qu’il les ramène à la saint Mère l’Église, dans le sein de laquelle leurs pères ont trou­vé les salu­taires pâtu­rages de la vie, dans laquelle seule se conserve et se trans­met entière la doc­trine de Jésus-​Christ, et se dis­pensent les mys­tères de la grâce céleste.

Pour Nous, à qui le même Christ Notre-​Seigneur a confié la charge du suprême Ministère apos­to­lique, et qui devons, par consé­quent, rem­plir avec le plus grand zèle toutes les fonc­tions d’un bon pas­teur, et aimer d’un amour pater­nel et embras­ser dans Notre cha­ri­té tous les hommes répan­dus sur la terre, Nous adres­sons cette Lettre à tous les chré­tiens sépa­rés de Nous, et Nous les exhor­tons encore et les conju­rons de reve­nir en hâte à l’unique ber­cail du Christ. Car Nous dési­rons ardem­ment leur salut en Jésus-​Christ, et Nous crain­drions d’avoir un jour à lui rendre compte, à lui qui est Notre Juge, si Nous ne leur mon­trions pas, et si nous ne leur don­nions pas autant qu’il est en nous le moyen assu­ré de recon­naître la voie qui conduit au salut éter­nel. Dans toutes nos prières sup­pliant et ren­dant des actions de grâces, Nous ne ces­sons, ni le jour ni la nuit, de deman­der pour eux hum­ble­ment et avec ins­tance, au Pasteur éter­nel des âmes, l’abondance des lumières et des grâces célestes. Et comme, mal­gré Notre indi­gni­té, Nous sommes Son Vicaire sur la terre, les mains éten­dues, Nous atten­dons avec le désir le plus ardent le retour de nos fils errants à l’Église catho­lique, afin de pou­voir les rece­voir avec amour dans la mai­son du Père céleste et les enri­chir de ses inépui­sables tré­sors. De ce retour si dési­ré à la véri­té et à la com­mu­nion avec l’Église catho­lique, dépend non-​seulement le salut des indi­vi­dus, mais encore de toute la socié­té chré­tienne ; le monde entier ne peut jouir de la paix véri­table, s’il ne devient un seul trou­peau sous un seul pasteur.

Donné à Rome, près de Saint-​Pierre, le 13 sep­tembre 1868, de Notre Pontificat la vingt-​troisième année.

Source : L’Invitation accep­tée. Motifs d’un retour à l’unité catho­lique, James Kent Stone. Librairie des Lieux Saints (Paris). pp.1–10 – A.S.S., vol. IV (1868), pp. 131–135.