Sermon de Mgr Lefebvre – Ordination de M. l’abbé Lovey – Décès de Maître Lovey – 20 août 1989

Le 20 août 1914, saint Pie X ren­dait sa sainte Âme à Dieu.

Le 20 août 1989 – soixante-​quinze ans après exac­te­ment – notre cher Maître Lovey a remis sa belle âme à Dieu.

Certes nous n’avions pas pré­vu, lorsque nous avons choi­si la date du 20 août pour faire l’ordination du cher Philippe Lovey, son fils, nous l’avions fait dans l’espoir qu’il aurait pu assis­ter à son ordi­na­tion ici-​même. Et ensuite, assis­ter le len­de­main chez lui, à la pre­mière messe de son fils, même si sa san­té ne lui per­met­tait pas d’aller à la messe solen­nelle qu’il va célé­brer mardi.

Le Bon Dieu en a déci­dé autre­ment. Le Bon Dieu a déci­dé qu’avant l’ordination de son fils, Maître Lovey y assis­te­rait au Ciel.

Mon bien cher Philippe, dans l’Épître aux Hébreux, saint Paul nous dit que : Ubi enim tes­ta­men­tum est : mors necesse est inter­ce­dat tes­ta­to­ris (He 9,16) : Car, où il y a un tes­ta­ment, il est néces­saire que la mort du tes­ta­taire inter­vienne, sans que la mort de celui qui a fait le tes­ta­ment ne soit inter­ve­nue, vou­lant signi­fier par là que nous ne pou­vons pas recueillir l’héritage de Notre Seigneur Jésus-​Christ sur la Croix, tant que Jésus n’était pas mort. C’est ce que nous dit saint Paul. Jésus étant mort, nous pou­vons recueillir l’héritage.

Il me semble que la parole de saint Paul s’applique par­fai­te­ment à ce jour où le Bon Dieu a déci­dé de rap­pe­ler son serviteur.

Mon cher Philippe, recueillez le tes­ta­ment. Recueillez le tes­ta­ment spi­ri­tuel de votre cher père. Il me semble que ce tes­ta­ment s’applique par­fai­te­ment à ce que seront vos fonc­tions sacerdotales.

Testament de la foi, c’est de prê­cher, de prê­cher l’Évangile, de prê­cher la Vérité. S’il est un exemple que votre cher père a don­né, c’est bien celui d’être atta­ché de toute son âme, de toutes ses forces à demeu­rer dans la Vérité, à demeu­rer dans la foi.

(…) veri­tas. Ce devait être sa devise : Préférer la véri­té à tout autre chose, dut-​il se voir se sépa­rer des amis très chers, dut-​il souf­frir de la sépa­ra­tion de ceux avec les­quels il exer­çait sa pro­fes­sion. Qu’importé. Il a vou­lu mon­trer l’exemple d’un atta­che­ment à la Vérité, à la foi. La foi qui n’est autre chose que la Vérité révé­lée. Et cela mal­gré tous les sacri­fices qu’il a du subir pour cette Vérité.

Il l’a mon­tré dans tous ses écrits ; il l’a mon­tré dans toute son atti­tude. Et c’est ce qui sans doute l’a déter­mi­né à demeu­rer dans une fidé­li­té abso­lue à Écône qu’il aimait de tout son cœur ; dont il a été l’un des prin­ci­paux fon­da­teurs. Je puis même dire le prin­ci­pal fon­da­teur. Parce que c’est avec lui d’abord que j’ai eu connais­sance de l’existence d’Écône.

Oui, recueillez cet héri­tage, de l’amour de la Vérité. Soyez vous aus­si atta­ché à tou­jours prê­cher la foi, la foi catho­lique, la foi qui sauve, sans com­pro­mis­sion, sans hésitation.

Le deuxième héri­tage que vous pou­vez recueillir de votre cher père, c’est sa sainteté.

Le deuxième rôle, le deuxième pou­voir, la deuxième charge du prêtre, c’est la sanc­ti­fi­ca­tion. Potesta docen­di, potes­ta sanc­ti­fi can­di.

Vous allez rece­voir le pou­voir de sanc­ti­fier. Eh bien votre père là aus­si vous laisse un bel héri­tage : il s’est sanc­ti­fié. Tous ceux qui vivaient auprès de lui, tous ceux qui l’ont connu dans l’intimité de sa vie, ont vu avec quel cou­rage, avec quelle fer­me­té il sup­por­tait les épreuves. Et toute sa mala­die en a fait un exemple magni­fique de sa sain­te­té. Complètement remis dans les mains du Bon Dieu, tou­jours sou­riant ; tou­jours accep­tant toutes les épreuves que le Bon Dieu lui envoyait.

Il sen­tait que plus il souf­frait et plus son regard s’éveillait, plus il sou­riait, parce qu’il avait davan­tage à offrir au Bon Dieu. Bel exemple du sup­port de la Croix, de sup­port des épreuves.

Mon cher Philippe, dans quelques ins­tants vous revê­ti­rez la cha­suble – et la cha­suble porte la Croix. Il me semble que votre père, ter­mi­nant son cal­vaire, vous donne sa croix et vous la dédie : Porte-​là tout au cours de ta vie. La Croix c’est le salut.

O Crux Ave spes uni­ca : Ô Croix nous vous saluons ; vous êtes notre unique espoir. Oui, la Croix, c’est notre unique espoir. De la Croix sort la Résurrection ; de la Croix sort l’Ascension ; de la Croix (sort) la Transfiguration, l’Assomption de la très Sainte Vierge Marie que nous avons fêtée récem­ment. Maintenant il en est le témoin, témoin de ce bon­heur éter­nel, témoin de cette lumière de la gloire de Dieu, parce qu’il a por­té la Croix en vrai chré­tien, en vrai catholique.

Eh bien, vous aus­si, au cours de votre vie sacer­do­tale, vous aurez à por­ter la Croix. Vous aurez à la faire com­prendre à tous ceux qui la portent, car nous la por­tons tous. Mais il y en a qui la com­prennent et il y en a qui la rejettent. Dès que Jésus s’est trou­vé cru­ci­fié sur le bois de la Croix, il y a eu le bon lar­ron et le mau­vais lar­ron. Le bon lar­ron a regar­dé Jésus avec misé­ri­corde et il lui a deman­dé de se sou­ve­nir de lui. Quelle a été la réponse de Jésus ? Hodie in para­di­sium eris : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis ».

Voilà le résul­tat de la Croix sup­por­tée chré­tien­ne­ment, sup­por­tée selon la foi chrétienne.

Par contre, d’autres veulent reje­ter la foi et ne veulent pas suivre Notre Seigneur et por­ter leur croix à sa suite.

Eh bien, ce n’est pas cet exemple que vous a don­né votre cher père. Il vous a don­né l’exemple de celui qui suit Notre Seigneur, dans sa Croix, mais dans le rayon­ne­ment de la foi, de la paix, de la sérénité.

Et enfin, troi­sième pou­voir du prêtre, c’est de diri­ger, d’être un pas­teur. Là aus­si votre père fut un grand exemple. Il a été le pas­teur de sa propre famille. Pourraient se lever ici des témoins qui pour­raient par­ler mieux que moi, pour dire ce que ce père admi­rable a été pour ses enfants et pour ceux qui se sont unis à ses enfants, pour ses gendres. Maître Lovey par son exemple, par sa bon­té, par l’Esprit Saint qui rayon­nait en lui, comme vient de le dire l’Épître que nous venons de lire, où sont énu­mé­rés les fruits de l’Esprit Saint : la bon­té, la man­sué­tude, la dou­ceur, la fer­me­té, la béni­gni­té. C’est grâce à ces ver­tus extra­or­di­naires qu’il a entraî­né toute sa famille der­rière lui, avec une una­ni­mi­té extra­or­di­naire, une union incroyable. Grand modèle ! Grand exemple !

Quelles grâces pour une famille d’avoir un père sem­blable. Voilà mon cher Philippe, les exemples que donne votre père à l’occasion de votre ordi­na­tion sacer­do­tale. Et je suis per­sua­dé que pré­pa­ré comme vous l’avez été, vous le sui­vrez et vous et vous appli­que­rez dans votre apos­to­lat, dans votre sacer­doce, les exemples de votre cher père.

Tous ici pré­sents, nous prions de tout cœur pour vous. Nous prions pour toute la famille à 1’occasion de ce décès dou­lou­reux. Mais si la tris­tesse rem­plit nos cœurs, il faut bien recon­naître aus­si que c’est plu­tôt un Magnificat que nous chan­te­rions, plu­tôt qu’un De pro­fun­dis, devant la manière dont cette âme chré­tienne est par­tie rejoindre son Créateur et son Sauveur.

Que la Vierge Marie (…) vous aide dans votre sacer­doce à pra­ti­quer les ver­tus, à bien exer­cer les pou­voirs que le Bon Dieu va vous don­ner. Et tous ensemble nous allons nous unir à tous ceux qui vous aiment et ont été vos édu­ca­teurs, pour deman­der que de nom­breuses grâces des­cendent en vous aujourd’hui avec cette grâce du sacer­doce qui va vous per­mettre de conti­nuer la Croix sur l’autel, de conti­nuer l’œuvre du Calvaire, l’œuvre de Notre Seigneur, l’œuvre de sa Rédemption avec l’aide de Notre Dame, Notre Dame tou­jours pré­sente au pied de la Croix pour com­pa­tir aux dou­leurs de son divin Fils et à l’œuvre de sa Rédemption.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.